100 idées pour faire avancer le Québec Vieillir sans être vieux

Vivre longtemps en bonne santé financière

Au Canada comme dans la plupart des pays industrialisés, l’espérance de vie a connu une hausse importante ces dernières décennies. Ce phénomène s’accompagne de l’arrivée en fin de carrière d’un grand nombre de baby-boomers, qui se produit à une époque où les individus doivent prendre un nombre croissant de décisions financières dans un environnement de plus en plus complexe : hausse de l’endettement des ménages âgés, tout comme du niveau et de la diversité de leurs actifs ; changement d’emploi de plus en plus fréquent en cours de carrière ; couverture des régimes de retraite à prestations déterminées en baisse depuis plusieurs années ; etc.

À cette complexité se superpose une série de risques spécifiques aux aînés, dont la perception reste souvent imprécise et pour lesquels la connaissance des outils et solutions disponibles est incomplète : risque de revenu (baisse de la valeur des actifs financiers ou non financiers) ; risque de perte d’autonomie ; risque de longévité (risque de survivre à son épargne). Se protéger contre ces risques tout en faisant une utilisation satisfaisante du « bas de laine » accumulé requiert bien sûr des capacités cognitives suffisantes pour faire des (bons) choix, ce que plusieurs aînés sont en position de faire malgré une baisse des capacités cognitives avec l’âge. Mais cela exige également une bonne compréhension des concepts financiers et de l’assurance.

Or les niveaux mesurés de littératie financière de base au Canada peuvent sembler préoccupants. Trois questions standardisées portant sur les notions d’intérêt composé, d’inflation et de diversification des placements ont été posées dans plusieurs pays. En 2012 et en 2017, seuls quatre à six Canadiens sur 10 pouvaient répondre correctement à toutes les questions.

C’est en demander beaucoup à des individus ne maîtrisant pas des concepts simples que de prendre des décisions financières complexes ayant de nombreuses ramifications et des impacts à long terme.

Qui plus est, la perception même des risques réels auxquels ils font face fait souvent défaut chez les Canadiens. Ainsi, le risque de vivre un jour en institution semble sous-estimé, tout comme celui de vivre jusqu’à un âge avancé. Or certains produits financiers existent pour aider les Canadiens à faire face aux risques inhérents à la dernière partie de leur vie et à profiter pleinement de ces années. Avec plusieurs collaborateurs, nous en avons étudié trois types, peu utilisés : l’assurance soins de longue durée, les rentes viagères et les hypothèques inversées. Bien que les caractéristiques mêmes de ces produits, parfois dispendieux ou tarifés de façon peu avantageuse, soient une source de leur faible popularité, le niveau de connaissance des produits chez les Canadiens de 50 à 70 ans s’avère également assez faible.

Le Canada jouit déjà d’une grande flexibilité quant à l’âge et à la nature de la retraite, ainsi qu’aux outils pour épargner et pour consommer aux âges avancés. Le système sera solidifié au cours des prochaines années, avec notamment l’expansion des RVER et du RRQ/RPC, ou encore l’évolution de l’offre de produits et conseils financiers et de l’environnement réglementaire.

Un marché du travail qui s'adapte

D’autre part, les employeurs seront appelés à adapter leurs conditions de travail pour profiter de l’apport des travailleurs expérimentés et affronter un marché du travail qui se resserre. Les aînés des années 2010 et 2020 doivent donc surtout se questionner sur l’importance qu’ils accordent au travail, rémunéré ou non ; à leurs réseaux sociaux et familiaux, et au soutien qu’ils représentent pour eux et leurs proches ; à la perspective de laisser un héritage ; à leurs loisirs ; et à leurs possibilités de consommation – ou leur style de vie. 

Les gouvernements et l’industrie financière pourraient, de leur côté, aider les aînés à prendre la pleine mesure des risques auxquels ils feront face (décès mais aussi santé, longévité, revenu, marchés financiers), ainsi que des outils à leur disposition. Pour ainsi chercher à clarifier les zones… grises mentionnées ici et viser non seulement une retraite de plus en plus longue, mais aussi en bonne santé financière.

* David Boisclair est économiste et directeur exécutif de l’Institut sur la retraite et l’épargne, HEC Montréal

Pierre-Carl Michaud est professeur titulaire au département d’économie appliquée, directeur de l’Institut sur la retraite et l’épargne et titulaire de la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographiques, HEC Montréal

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.