LUTTE CONTRE LES PANDÉMIES

Une jeune séropositive en lutte contre le VIH... et les préjugés

Elle est née avec le VIH. Et elle a attrapé la tuberculose à 12 ans. La jeune Zimbabwéenne Loyce Maturu est aujourd’hui une ambassadrice du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria, dont la cinquième conférence de financement se tient à Montréal jusqu’à ce soir. La Presse l’a rencontrée.

Au début de son adolescence, orpheline, honteuse d’être séropositive et stigmatisée même par des membres de sa propre famille, Loyce Maturu a tenté de mettre fin à ses jours.

Aujourd’hui, la jeune femme de 24 ans, le sourire radieux, est devenue une dynamique ambassadrice du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria.

Car c’est grâce aux sommes investies par le Fonds dans l’organisation Africaid, au Zimbabwe, qu’elle est aujourd’hui en vie.

Non seulement elle a eu « le privilège » de recevoir des traitements pour le VIH et pour la tuberculose, mais « l’aspect psychologique a aussi été pris en compte », souligne-t-elle.

« Pour des adolescents et des jeunes, ça nous donne l’espoir de survivre et de mener une longue vie. […] C’est plus que des traitements. »

— Loyce Maturu

L’aide psychologique fournie par Africaid a été une telle révélation pour Loyce Maturu qu’elle a décidé de s’engager à son tour dans l’organisation, alors qu’elle avait à peine 17 ans.

Orpheline – son père ayant été tué dans un accident d’auto, sa mère et son frère ayant été emportés par le sida –, elle est donc devenue « soutien aux pairs » et a commencé à raconter son histoire avec d’autres jeunes Zimbabwéens atteints du VIH.

Elle a été particulièrement marquée par un jeune homme de 20 ans, dépressif et « qui fumait énormément », estimant n’avoir plus rien à perdre, qu’elle a convaincu qu’il pouvait mener une vie normale.

« Il a arrêté de fumer ! », lance-t-elle fièrement.

DU SOUTIEN À LA DIPLOMATIE

Son histoire, Loyce Maturu n’a eu de cesse de la raconter depuis six ans, afin d’aider d’autres jeunes séropositifs comme elle à s’accepter, mais aussi à combattre les préjugés au sein de la société.

Car même si 15 % de la population du Zimbabwe vit avec le VIH, la discrimination et les préjugés y demeurent importants.

Et à titre d’ambassadrice de la cause, elle plaide désormais pour s’« assurer que le Fonds mondial soit pleinement financé ».

Si d’importants progrès ont été réalisés et que des gens comme elle ont pu avoir accès à des traitements, il reste encore beaucoup à faire, insiste-t-elle.

Uniquement dans son Zimbabwe natal, seuls 840 000 des 1,4 million de séropositifs du Zimbabwe ont accès à des traitements antirétroviraux, une situation qui n’est pas unique.

« Parfois, je me dis que si le Fonds mondial avait été créé plus tôt, j’aurais peut-être encore ma mère et mon frère », dit-elle.

CHARMÉE PAR JUSTIN TRUDEAU

Loyce Maturu a partagé la scène avec le premier ministre Justin Trudeau, durant la conférence, et semble être tombée sous son charme.

« J’étais tellement nerveuse », a-t-elle raconté en riant de bon cœur, un peu plus tard.

Pourtant, « j’ai rencontré tellement de célébrités », reconnaît-elle elle-même, « mais une chose que j’aime chez lui, c’est qu’il est terre-à-terre, il a un amour naturel ».

« Il m’a dit que je suis une femme forte, que [les participants étaient] privilégiés que je sois venue raconter mon histoire », raconte-t-elle, ajoutant qu’elle n’aurait, lorsqu’elle était malade, « jamais pensé [rencontrer] un jour le premier ministre du Canada. »

« On n’aurait pas vu ça avec Harper »

Il faut saluer le « leadership » du gouvernement de Justin Trudeau dans la lutte contre le VIH/sida, estime le docteur Réjean Thomas, fondateur de la clinique L’actuel et pionnier des soins liés au virus.

« On n’aurait pas vu ça avec Harper ! », s’est-il exclamé hier en marge de la cinquième conférence du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria, qui se tient à Montréal jusqu’à ce soir.

Éradiquer la pandémie de VIH/sida d’ici 2030 est un « objectif élevé », mais possible, croit le célèbre médecin.

« On a les moyens scientifiques de le faire », poursuit-il.

« Si on traite les femmes enceintes, elles n’ont pas d’enfants infectés ; si on traite les gens, ils ne meurent pas, ils ne transmettent pas [le virus], lance-t-il. Mais pour ça, il faut des fonds et une volonté politique. Et ici, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une volonté politique. »

Se disant incapable de déterminer si les 13 milliards de dollars que le Fonds entend amasser pour les trois prochaines années seront suffisants, le docteur Thomas insiste sur la nécessité de maintenir les investissements.

Alors que « le terrorisme, Zika, Ebola » nécessitent aussi des investissements de la communauté internationale, il craint que l’amélioration des traitements et la diminution du nombre de victimes dans les pays développés n’amènent les bailleurs de fonds à diminuer leurs versements.

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