ÉLECTIONS 2018

Que faire avec la SAQ ?

Privatiser la Société des alcools du Québec ? Non, répondent en chœur les quatre principaux partis politiques, conscients de l’impact du dividende de 1,1 milliard par an de la SAQ sur les finances du gouvernement.

Alors qu’un rapport est attendu d’ici quelques jours, plusieurs voix s’élèvent pour que la SAQ soit confrontée à davantage de concurrence. La Coalition avenir Québec (CAQ) suggère d’ailleurs de permettre l’ouverture de boutiques privées de vin, le Parti libéral du Québec (PLQ) attend les conclusions du rapport, le Parti québécois (PQ) veut une réduction des coûts de gestion et Québec solidaire (QS) estime que la société d’État doit promouvoir davantage les produits québécois.

LE CONTEXTE

La SAQ a le monopole de la vente de vins au Québec, à l’exception des vins des producteurs québécois. À titre d’exemple, les restaurants et les épiceries doivent acheter leurs vins (non québécois) de la SAQ. Par contre, les producteurs de vins québécois peuvent vendre leurs produits sans passer par la SAQ dans les restaurants et les épiceries. Les vins québécois vendus sans passer par la SAQ représentent environ 1 % des ventes totales de vins au Québec, selon la société d’État.

1,1 milliard

Dividendes versés par la SAQ au gouvernement du Québec en 2017-2018

50 %

Proportion des ventes d’alcool de la SAQ par rapport aux ventes d’alcool totales au Québec (bières, vins et spiritueux)

PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC

Le PLQ attend les conclusions d’un rapport sur la SAQ qui doit être rendu public au cours des prochains jours, avant l’élection du 1er octobre. « Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir le meilleur produit au meilleur coût pour tout le Québec. Que même les régions les plus éloignées puissent avoir accès à une variété intéressante [de produits] à un très bon prix. Ce rapport va guider notre réflexion », dit le ministre des Finances du Québec Carlos Leitão, candidat du PLQ dans Robert-Baldwin, à Montréal.

COALITION AVENIR QUÉBEC

« On ne privatisera jamais la SAQ, on veut protéger le milliard de dividendes annuels, c’est extrêmement important », dit François Bonnardel, critique en matière de finances et candidat de la CAQ dans la circonscription de Shefford, en Montérégie.

La CAQ veut toutefois augmenter la concurrence à la SAQ en permettant à des cavistes d’ouvrir des boutiques de vins spécialisées en importation privée qui seraient destinées au grand public. « L’importation privée existe déjà, les gens achètent à la caisse [par l’intermédiaire de la SAQ comme distributeur]. On permettrait d’ouvrir ce marché, d’avoir des vins dans des niches spécialisées. [Ces boutiques spécialisées] vendraient des vins qu’on ne retrouve pas à la SAQ. Le but, c’est d’augmenter l’offre. Ce sera à eux [les cavistes] de se différencier, ça va amener une concurrence dans le prix, ça va amener la SAQ à être vigilante », dit François Bonnardel. Malgré ces changements proposés, la CAQ estime que les dividendes de la SAQ resteraient au même niveau. « Je suis persuadé qu’on serait capables d’aller chercher ces mêmes dividendes et d’avoir une offre additionnelle au bénéfice des Québécois », dit M. Bonnardel.

Dans un deuxième temps, la SAQ évaluerait la possibilité que ces nouvelles boutiques privées puissent vendre leurs produits dans les dépanneurs et les épiceries. Mais pas immédiatement. « On ne veut pas bulldozer l’industrie », dit François Bonnardel.

La CAQ compte dans ses rangs comme candidat Youri Chassin, qui plaidait pour la privatisation de la SAQ en 2013, alors qu’il était économiste à l’Institut économique de Montréal. Mais la position de la CAQ est claire : elle n’entend pas privatiser la SAQ.

PARTI QUÉBÉCOIS

« Nous trouvons que le modèle actuel sert bien les intérêts du Québec. Et n’oubliez pas que sur la prémisse, il n’y a pas de monopole de l’alcool au Québec. La moitié de l’alcool vendu au Québec est vendu par le secteur privé », dit Nicolas Marceau, critique en matière de finances et candidat du PQ dans Rousseau (Lanaudière).

« Quand il y a eu des comparaisons de prix entre le Québec, l’Ontario, l’Alberta, il n’y a pas vraiment d’écart de prix et souvent, c’est favorable au Québec, dit M. Marceau. Il y a une plus grande variété d’alcool au Québec. Nous ne voyons pas de problème [en ce qui concerne le monopole actuel de la SAQ sur le vin], nous aimerions que la SAQ soit encore meilleure, car elle a l’avantage d’avoir un pouvoir d’achat formidable. Être un acheteur important procure vraiment la possibilité d’avoir des prix plus faibles. »

Si Nicolas Marceau reconnaît que la SAQ « a beaucoup travaillé à s’améliorer » en matière de coûts de gestion de son réseau, « il y a encore moyen de faire mieux ».

QUÉBEC SOLIDAIRE

Québec solidaire s’oppose aussi à la privatisation de la SAQ. « Ce serait une très mauvaise affaire pour les Québécois, on y perdrait, dit Vincent Marissal, candidat de QS dans Rosemont, à Montréal. La SAQ rapporte beaucoup d’argent, ce sont des entrées d’argent récurrentes et prévisibles. […] L’expérience albertaine ne démontre pas que les prix seraient moins chers [avec la privatisation]. Mon argument massue [contre la privatisation] : même Mike Harris, au milieu des années 90, a enterré son plan de privatiser la LCBO [Régie des alcools de l’Ontario]. »

Le parti politique estime toutefois que la SAQ doit s’améliorer à trois égards : sa responsabilité sociale, ses frais de gestion et sa promotion des produits québécois.

« Les frais de gestion se sont beaucoup améliorés, mais il y a encore des efforts à faire, en traitant bien les employés », dit Vincent Marissal, rappelant les négociations actuelles avec les employés.

« La SAQ doit revoir son mandat pour valoriser davantage les produits québécois, dit M. Marissal. C’est mieux qu’avant, mais il y a un effort à faire. Il ne faut pas avoir l’impression que les vins québécois sont une sous-section, que la stratégie est d’offrir un rabais de 10 % à la Saint-Jean. »

— Avec la collaboration d’André Dubuc, La Presse

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