Rencontre éditoriale

Bonjour autobus, adieu calèches

Appel d’offres pour l’achat de 300 autobus, fin des calèches, révision du réaménagement de la rue Sainte-Catherine : les dossiers se bousculent pour Valérie Plante. Un peu plus d’un mois après son élection, la mairesse a participé hier à une rencontre éditoriale à La Presse. Plan large.

Rencontre éditoriale

Feu vert à l’achat de 300 autobus

Les 300 nouveaux autobus promis en campagne par Valérie Plante deviendront bientôt réalité. La mairesse dit avoir convaincu Québec et Ottawa de participer au financement pour leur achat, si bien que l’appel d’offres devrait être lancé au début de 2018.

« Les autobus s’en viennent. » En rencontre éditoriale à La Presse, Valérie Plante a dit en être venue à une entente avec les gouvernements provincial et fédéral pour permettre à la Société de transport de Montréal (STM) d’ajouter 300 véhicules hybrides à sa flotte. Le transporteur pourra ainsi lancer au début de la prochaine année – peut-être dès janvier – son appel d’offres pour leur acquisition.

La mairesse n’a pas dévoilé combien un tel achat pourrait coûter ni comment se répartirait la facture. De récents achats par le Réseau de transport de Longueuil (RTL) permettent toutefois d’évaluer la note à environ 290 millions.

Le principal transporteur de la Rive-Sud a en effet annoncé cet automne l’achat de 38 autobus hybrides, pour une facture de 36 millions, soit en moyenne 950 000 $ par véhicule. Cet achat pour le RTL est financé à 50 % par le fédéral, 40 % par le provincial et 10 % par l’Agence régionale de transport.

Valérie Plante s’est par ailleurs montrée ferme dans la volonté de son administration d’atteindre les objectifs que la STM s’était fixés en 2012 dans son plan de développement, plutôt que ceux, moins ambitieux, fixés cet été par l’administration Coderre. À l’époque, le transporteur montréalais disait vouloir compter sur une flotte de 2089 autobus. La STM dispose actuellement de 1831 véhicules. L’ajout de 300 véhicules permettra ainsi d’atteindre cet objectif.

« On veut accélérer le plan de développement qui a été mis de côté par la dernière administration. On sait qu’il manque d’autobus dans les rues de Montréal. »

— Valérie Plante

Avec le lancement imminent de l’appel d’offres, la nouvelle mairesse remplit ainsi l’une de ses principales promesses de campagne, un mois à peine après son entrée à la mairie.

Valérie Plante s’est dite « très heureuse » d’en être arrivée aussi rapidement à une entente avec les gouvernements, alors que beaucoup en campagne électorale avaient mis en doute sa capacité à les convaincre de soutenir ses ambitions. « Pendant la campagne, plusieurs analystes se plaisaient à dire que je n’avais pas de contacts à Ottawa et à Québec. Mais quand tu as un sujet qui interpelle tout le monde, l’idée est de trouver comment on avance tous ensemble. »

Une équipe pour la ligne rose

Maintenant que l’ajout de 300 autobus hybrides s’apprête à devenir réalité, Valérie Plante tourne désormais son attention vers sa promesse phare de la campagne : la ligne rose. Disant avoir senti l’intérêt de Québec et d’Ottawa pour le projet, elle veut maintenant mettre en place une équipe pour en peaufiner les détails et convaincre le fédéral d’embarquer. « On est en train de monter une sorte de bureau de projet à même le personnel de la Ville de Montréal et la STM », expose-t-elle. La mairesse estime que d’ici quatre ans, un véritable bureau de projet voué à la planification de la future ligne sera en place.

« Pour moi, avec la ligne rose et le transport collectif, on est rendu à un point où c’est une responsabilité sociale. » 

— Valérie Plante

« On ne peut plus se contenter du statu quo et attendre que le parc automobile continue à croître plus vite que la population. Ça ne se tient pas », dit Valérie Plante.

Fraîchement revenue d’Europe, la mairesse dit avoir été inspirée par l’expansion de 200 km du réseau de métro de la capitale française, le Grand Paris Express. « Ce n’est pas juste Paris, c’est la grande région. C’est un projet global. C’est comme cela que j’aimerais travailler », a-t-elle dit, espérant créer une telle coopération dans la région montréalaise.

Valérie Plante, qui s’était présentée en campagne comme la candidate de la mobilité, entend bien continuer à en faire son principal cheval de bataille, a-t-elle assuré en entrevue éditoriale. À l’issue de son premier mandat, elle se dit convaincue que « les gens vont avoir vu une amélioration sur les routes, parce qu’il y aura plus d’autobus et un bureau de projet pour une ligne de métro et qu’il y aura des pourparlers pour un réseau global métropolitain ».

Pour un lien rapide Montréal-Québec

Alors que certains ont mis en doute l’opportunité du projet de lien rapide entre Montréal et Québec avancé par le premier ministre Philippe Couillard, Valérie Plante s’est montrée ouverte à l’idée. « Amenez-en, du transport collectif. Une façon de se déplacer rapidement, qui valorise de la grande capacité plutôt que la voiture solo, je dis oui. » Reste que la mairesse prévient que sa priorité est avant tout de favoriser le développement des transports en commun à l’intérieur de la région métropolitaine afin de réduire l’étalement urbain, nuance-t-elle.

Pas de tramway à tout prix

Pendant que la Ville de Québec ressuscite l’idée d’implanter un tramway sur son territoire, la mairesse Plante se dit favorable à ce mode de transport, mais pas à n’importe quel prix. Elle se dit prête à envisager ce scénario « si un projet de tramway émerge et [qu’]on le trouve pertinent. Chaque mode de transport, chaque technologie doit répondre à des besoins de densité, de projections à long terme, de coûts », dit-elle. La mairesse estime par ailleurs que le boulevard Pie-IX, où un projet de service rapide par bus doit voir le jour d’ici 2022, aurait été l’endroit tout indiqué pour un tramway. Mais il est trop tard, le projet étant trop avancé. « Si c’était à refaire, un système de train léger ou une autre technologie aurait été souhaitable. Mais on va y aller vers de l’hybride ou, qui sait, de l’électrique. »

Le REM, un défi pour la Caisse

Avec les retards qui semblent s’accumuler dans le projet de Réseau électrique métropolitain, Valérie Plante constate que la Caisse de dépôt se trouve confrontée à son premier défi, soit revoir son échéancier et ses coûts. « Est-ce que ce projet est parfait ? Non, on a encore des suggestions à faire. La question des coûts est fondamentale parce qu’il faut montrer la capacité de réaliser des projets rapidement, mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment de la capacité de payer », a-t-elle insisté.

rencontre éditoriale

La rupture avec Coderre en trois enjeux

La mairesse Valérie Plante rompt avec des décisions prises par l’administration Coderre dans plusieurs dossiers, dont ceux des calèches du Vieux-Montréal, de la Formule E et du réaménagement de la rue Sainte-Catherine.

Les calèches devront partir

Moins de quatre mois après l’adoption d’un règlement sur les calèches, la mairesse de Montréal entend en interdire la circulation. En rencontre éditoriale avec La Presse, Mme Plante a toutefois précisé qu’elle ne bousculerait personne, compte tenu des emplois qui sont en jeu.

« On va faire une sortie progressive. Bien qu’il s’agisse d’une petite industrie privée – on a 24 calèches dans le Vieux-Montréal –, il faut faire une sortie progressive. Je ne donnerai pas d’échéancier, mais on va le faire », a-t-elle déclaré.

En 2016, trois mois après avoir renouvelé les permis de calèches, le maire Denis Coderre avait annoncé un moratoire. Mais il avait vite rebroussé chemin car les propriétaires de calèches avaient obtenu gain de cause devant les tribunaux. C’est ainsi que, l’été dernier, son administration avait proposé, puis adopté de nouvelles règles : obligation de laisser les chevaux au repos lorsque le thermomètre atteint 28 degrés Celsius, examen vétérinaire deux fois par an, écuries climatisées en été et chauffées en hiver, ainsi qu’une formation et un uniforme obligatoires pour les cochers.

Malgré ce nouvel encadrement, Mme Plante estime qu’il faut retirer les chevaux de la circulation du Vieux-Montréal.

Exit la FORMULE E ?

Pour ce qui est de la course de Formule E, il est loin d’être certain que les Montréalais la revoient dans les rues de la ville l’été prochain. La possibilité d’abandonner l’événement qui a soulevé la controverse politique est envisagée.

« Tous les scénarios sont sur la table, à savoir quel est le geste le plus responsable à faire pour les Montréalais et en respectant leur portefeuille, a affirmé Mme Plante. La façon dont le projet a été géré par la précédente administration nous laisse avec des décisions difficiles à prendre. »

Un tel événement revêt pourtant un potentiel intéressant pour faire la promotion de l’électrification des transports, a d’abord indiqué la mairesse. Mais le hic, selon elle, se situe dans la voie suivie par son prédécesseur pour développer le projet qui est ainsi devenu « complexe ». « C’est Montréal qui a été le promoteur, critique Valérie Plante. C’est très inhabituel et moi, je considère que ce n’est pas la bonne façon de faire. »

La Ville de Montréal a injecté plus de 24 millions dans l’événement, notamment pour aménager la piste de course au centre-ville – avec tous les inconvénients de congestion que cela a provoqués –, installer et démonter les clôtures. C’est toutefois un organisme à but non lucratif (OBNL), Montréal c’est électrique, qui en a été le gestionnaire et qui se retrouve maintenant en difficulté financière. Mme Plante s’est bornée à dire que la Ville est présentement en discussion avec l’OBNL pour régler la situation.

Une décision sur l’avenir de la Formule E sera connue très prochainement, compte tenu qu’il y a une échéance à la mi-janvier pour déterminer où devrait avoir lieu la course en 2018.

LA « TOUCHE PLANTE » rue sainte-catherine

Lorsqu’il a été question du réaménagement de la rue Sainte-Catherine, la nouvelle mairesse a démontré de l’enthousiasme tout en soulignant qu’elle entendait bien revoir le projet pour y imprimer sa vision. « Il y a eu beaucoup de travail fait en amont, des consultations. Tout ça tient, mais on va y ajouter une touche de l’administration Plante », a-t-elle indiqué.

Le réaménagement de la rue Sainte-Catherine est un projet d’envergure qui concerne le tronçon entre Atwater, à l’ouest, et De Bleury, à l’est. Le projet est en marche depuis déjà quelques années, et le chantier devrait être lancé en 2018. Il s’agit de remplacer des infrastructures souterraines, mais surtout de moderniser cette rue emblématique qui contribue fortement à l’identité de Montréal.

La mairesse est demeurée vague sur ce que signifie la « touche Plante ». Cela pourrait concerner la gestion du chantier, par exemple. L’aménagement de la rue est ciblé, a-t-elle confirmé, mais la piétonnisation n’est pas le modèle qu’elle privilégie.

Plus largement, Mme Plante parle de vitalité commerciale à revoir, d’animation de Sainte-Catherine comme espace public. Elle rappelle les changements profonds qui ont été réussis du côté du Plateau Mont-Royal, où l’augmentation du coût des parcomètres a servi à investir dans la revitalisation commerciale.

« Elle ne peut pas passer inaperçue, notre rue Sainte-Catherine. Il faut absolument qu’elle se démarque dans toute la métropole et dans la région métropolitaine comme un lieu de destination », lance-t-elle avec un large sourire.

L’avis de la mairesse sur des dossiers chauds

Lors de son passage hier à La Presse, la mairesse Valérie Plante a été invitée à commenter plusieurs dossiers. Voici quelques-uns des sujets abordés, en rafale.

L’intérim au SPVM

Valérie Plante dit être activement à la recherche d’un directeur par intérim du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) afin que l’administrateur provisoire nommé par Québec concentre son énergie à régler la crise de confiance secouant le corps policier. La mairesse a ainsi reconnu avoir approché les deux plus hauts officiers du SPVM pour occuper le poste, mais ceux-ci ont refusé. « Pour l’instant, Martin Prud’homme s’occupe des deux rôles [administrateur provisoire et chef de police], mais notre volonté est que, rapidement, on puisse trouver un directeur par intérim pour s’occuper de la vision qu’on veut mettre en place », dit-elle. La mairesse dit ne pas avoir de préférence quant au fait que cette personne soit un civil ou un policier, un homme ou une femme.

Pour une meilleure étanchéité

La mairesse se dit favorable à la mise en place d’une directive claire pour baliser ses échanges avec le chef de police. « Je souhaite qu’il y ait beaucoup plus d’étanchéité entre le chef de police et le politique, a dit Valérie Plante. La mairesse de Montréal doit pouvoir communiquer avec le chef de police pour avoir des informations supplémentaires. Après tout, en temps de crise, la mairesse est garante de la sécurité des Montréalais. Mais il ne faut pas que je profite de ce canal de communication pour gérer mes soucis personnels. »

Taxes sous l’inflation

En pleine préparation du budget 2018, la mairesse Valérie Plante reconnaît que le déficit anticipé de 358 millions a été une surprise. Mais il est hors de question que cela modifie son engagement de ne pas alourdir le fardeau fiscal des Montréalais. « Les taxes foncières vont rester sous l’inflation. Ça, c’est sûr ! », a-t-elle déclaré. Quant à l’argent issu de la collusion et de la corruption que Montréal va récupérer par l’entremise de la loi 26 – auprès des firmes de génie, des cabinets d’avocats et des entrepreneurs, par exemple –, ce n’est que l’année prochaine que les Montréalais vont en bénéficier. Pour l’instant, la somme est inconnue, assure-t-elle.

Mandat élargi pour le BIG

Après plus de trois ans d’activités du Bureau de l’inspecteur général de Montréal (BIG), il faut faire le bilan afin d’examiner comment élargir son mandat et ainsi demeurer « combatif », croit Valérie Plante. « Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment renforcer l’idée de reddition de comptes », a-t-elle dit, rappelant que c’était peut-être un des rouages qui manquent entre le BIG et la Commission sur l’examen des contrats. En 2016, la Commission permanente sur l’inspecteur général avait recommandé dans un rapport unanime que le mandat du BIG soit élargi aux processus de changement de zonage. Il s’agit d’une activité centrale pour une municipalité. Pour l’instant, Mme Plante se dit en « récolte d’informations ».

Enjeux électoraux

L’année 2018 sera une année électorale provinciale, et la mairesse de Montréal profitera de l’occasion pour faire valoir ses priorités. Mais comme elle le mentionne, sa liste est connue depuis son élection, en novembre dernier. Maintes fois, elle a insisté sur les transports en commun et l’habitation (logement social et abordable) pour garder les familles à Montréal. « J’ai déjà commencé à en discuter. Mes collègues au provincial sont très conscients de ce à quoi la métropole s’attend », a-t-elle souligné avec un sourire en coin. Dans une première étape, des gestes concrets en faveur des questions d’habitation pourraient faire partie de la présentation budgétaire de son administration, a laissé entendre Mme Plante.

Agressions sexuelles : oui au modèle de Philadelphie

Le SPVM devrait s’inspirer du modèle de Philadelphie pour revoir les cas d’agressions sexuelles, estime la mairesse Valérie Plante. « Il faut s’inspirer de ce qui se fait ailleurs », a-t-elle dit en rencontre éditoriale à La Presse. Elle faisait référence à la pratique de cette ville américaine qui confie aux groupes de défense des victimes le mandat de réviser les dossiers mis de côté par les policiers et d’évaluer la qualité des enquêtes. « Dans les cas d’agressions sexuelles et de harcèlement, on sait à quel point créer un sentiment de confiance est fondamental pour que le processus soit réussi, pour que ce soit moins dommageable pour la victime », a souligné la mairesse. Celle-ci admet toutefois ne pas avoir abordé le sujet encore avec Martin Prud’homme, qui a pris la direction par intérim du SPVM lundi dernier.

Un « lieu d’expression » pour Montréal-Nord

Face à la controverse soulevée par son appui au projet de murale à la mémoire de Fredy Villanueva, Valérie Plante a reconnu avoir pu commettre une erreur et dit maintenant s’en remettre à la mairesse de Montréal-Nord, Christine Black. « Mon erreur a peut-être été d’avoir été du côté de la murale, alors que pour moi, c’était une façon de bâtir des ponts et être en réconciliation à Montréal-Nord », a reconnu la mairesse. Elle souhaite maintenant appuyer les démarches de Christine Black pour créer un « lieu d’expression ». « Je souhaitais entendre le besoin de plusieurs communautés d’avoir un lieu d’expression d’une situation qui a été difficile et qui l’est encore. On ne peut pas le nier. Est-ce une murale ou autre chose ? Je fais confiance à la mairesse de Montréal-Nord qui s’est dite en faveur. »

Le déménagement de Molson, une occasion

Le déménagement de la brasserie Molson représente une occasion de redonner l’accès au fleuve aux Montréalais. « Oui, il y a des choses qui bougent. Ces opportunités, il faut pouvoir les saisir », a déclaré Valérie Plante. À ce titre, elle souhaite profiter des travaux au pont Jacques-Cartier pour améliorer l’expérience des cyclistes et piétons qui passent sous celui-ci. Au-delà du fleuve Saint-Laurent, la mairesse veut aussi miser sur la rivière des Prairies, au nord de l’île. « J’en discutais avec [le maire de Laval] Marc Demers, et on se disait qu’il y a aussi la rivière des Prairies qu’il faut mettre en valeur. »

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