Opinion  Élections municipales

Sur quels enjeux voter ?

Traditionnellement, les questions municipales ont été perçues comme des enjeux techniques, politiquement neutres et somme toute mineurs. Rien pour encourager les citoyens à prendre au sérieux ce droit démocratique. Or, depuis une dizaine d’années, notre représentation des enjeux municipaux s’est progressivement transformée et donne une nouvelle couleur à l’exercice du vote.

C’est particulièrement le cas des compétences municipales qui ont une incidence environnementale. Les poubelles sont aujourd’hui devenues des matières résiduelles qui peuvent être dans une large part récupérées et revalorisées. Le verdissement n’est plus seulement une question esthétique mais permet de combattre les îlots de chaleur et de diminuer le smog. La rue n’est pas simplement un espace de transit :  le partage des voies entre automobilistes, cyclistes et piétons soulève des enjeux en termes de mobilité durable et de cohabitation des usages de l’espace public.

Notre approche des équipements urbains change également. L’accès à des loisirs et des sports variés et à bon marché pose des enjeux d’équité sociale et territoriale non négligeables. Cette transformation est perceptible dans une foule d’autres domaines municipaux, comme l’utilisation des pesticides, la tarification du transport en commun, le traitement de l’eau, le zonage, etc., etc. 

En d’autres mots, les enjeux municipaux sont de plus en plus politisés, c’est-à-dire qu’ils font l’objet de discussions publiques sur les choix que collectivement nous devrions faire.

Certains pourraient être tentés de répondre que la discussion politique ne se fait pas à l’échelle municipale puisque plusieurs questions locales et urbaines sont en fait contrôlées par le gouvernement provincial. S’il est vrai que les municipalités n’ont pas toutes les ressources nécessaires pour maîtriser ces enjeux, les élus municipaux ont malgré tout un rôle important dans leur avancement. Ce sont en effet eux qui sont en première ligne pour défendre leur communauté et faire des démarches auprès des gouvernements supérieurs. Ils jouent dès lors une fonction politique cruciale. Parlez-en aux élus municipaux qui se mobilisent depuis plusieurs années autour de la lutte contre l’exploitation des hydrocarbures et la construction d’oléoducs (une responsabilité fédérale et provinciale). Nous votons donc aussi pour le style de représentation politique.

Des municipalités plus autonomes 

Par ailleurs, les prochains élus auront les coudées plus franches pour agir localement grâce à l’adoption récente de lois qui renforcent l’autonomie municipale. Certains nouveaux pouvoirs s’annoncent déjà controversés et donneront lieu à des débats locaux importants. Par exemple, la possibilité de remplacer le processus référendaire par une politique de consultation publique sera chaudement discutée si des municipalités s’engagent dans cette voie. Les citoyens et l’opposition politique s’intéresseront aussi à la mise en œuvre du pouvoir d’exiger l’inclusion de logements abordables ou familiaux dans les projets immobiliers. La négociation à l’échelle locale de ces nouveaux pouvoirs devrait occuper une part importante des priorités politiques des prochaines années.

Malheureusement, les plateformes électorales des candidats municipaux représentent de façon très inégale les arbitrages politiques qui devront être faits. Comment alors s’y retrouver comme électeur ? 

Pour nous aider à voter, il existe des initiatives lancées par différentes organisations de la société civile dont l’objectif est de demander aux candidats de se commettre autour de thèmes précis.

Pensons, par exemple, aux questionnaires envoyés par les conseils régionaux de l’environnement pour mieux connaître les intentions des candidats en matière de mobilité durable, de protection de l’eau, etc., et qui sont ensuite rendues publiques. La Ligue d’action civique met aussi à la disposition des citoyens et des candidats une liste d’engagements pour favoriser la transparence et la bonne gouvernance. Le Centre d’écologie urbaine encourage les citoyens à demander un budget participatif et donne des outils pour informer et organiser un débat citoyen autour des élections municipales.

Fait inusité en politique municipale, cette année, une coalition d’associations étudiantes à Montréal a présenté une liste de revendications. Dans chaque région du Québec, des groupes poussent les candidats à mûrir leurs engagements électoraux de manière à mieux refléter les discussions actuelles sur les enjeux municipaux. En votant le dimanche 5 novembre, les citoyens participent également à ce mouvement de renouvellement des enjeux municipaux. En restant à la maison, c’est le modèle traditionnel de politique municipale, inodore et incolore, qui risque de perdurer.

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