Au nom de tous les naufragés
La nuit//La vigie, la nouvelle création du Théâtre Samsara, s’intéresse au destin de jeunes ados qui apprennent à nager (ou non) – au sens figuré ! – après avoir été lancés à la mer. Un texte de la comédienne Véronique Pascal mis en scène par Jean-François Guilbault.
Ils s’appellent Van, Djou, Beef, Mylane, Steven… Cinq amis laissés à eux-mêmes, fugueurs sans abris, qui peuvent au moins compter l’un sur l’autre. On pense spontanément aux pièces Zone de Marcel Dubé – avec sa gang de jeunes révoltés menés par Tarzan – ou encore à Kiwi de Daniel Danis – où des jeunes de la rue portaient des noms de fruits…
L’auteure Véronique Pascal ne renie pas ces références, mais elle explique s’être inspirée plutôt de la langue de Patrice Desbiens et Jean-Marc Dalpé pour trouver le bon ton de ces personnages de la marge. « Une langue un peu tout croche, mais aussi poétique », précise-t-elle. Le ring d’Anaïs Barbeau-Lavalette l’a également inspirée.
« C’est l’histoire de cinq jeunes qui passent de l’enfance à l’adolescence, résume-t-elle. Des jeunes qui viennent d’un milieu difficile qui cherchent des modèles. » Leurs surnoms témoignent de leur « identité pas tout à fait finie ». Les dialogues sont « rugueux », nous dit l’auteure, qui a intégré du slam dans sa pièce.
Véronique Pascal a commencé à écrire La nuit//La vigie en 2006, à la suite d’une rencontre marquante trois ans plus tôt. La comédienne avait été jumelée à une jeune fille de 10 ans – Valérie – pour jouer le rôle de « grande sœur ». Un projet du Dr Gilles Julien mené dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve auprès de familles dysfonctionnelles issues de milieux défavorisés.
« C’était en 2003, j’étudiais au Conservatoire, se rappelle-t-elle. Je la voyais souvent, je l’amenais chez moi, chez mes parents. On sortait, on marchait, on parlait… » Pendant trois ans, elle s’est liée à cet enfant de 10 ans sa cadette. Jusqu’au jour où la petite Valérie a été séparée de sa mère et de sa fratrie pour être placée dans une famille d’accueil.
« Ç’a été difficile, nous dit Véronique Pascal avec émotion. J’étais là le jour où elle est partie de chez elle. Je ne savais pas si je la reverrais un jour… » Dans les années qui ont suivi, elle a jeté les bases de cette pièce pour témoigner de « ces gens-là » qui vivent des drames quotidiens, mais dont « personne ne parle ». Le texte a été lu pour la première fois au Festival du Jamais lu en 2010.
Y a-t-il une fin heureuse à cette pièce ? « Il y a une fin ouverte, répond Véronique Pascal. Les cinq personnages sont résilients et ont la possibilité de s’en sortir. »
Pour la petite histoire, la comédienne a appris en décembre 2016 que sa pièce serait programmée à la Maison Théâtre. Le lendemain, sa « petite sœur », âgée de 23 ans, l’a contactée sur Facebook. Elle n’avait pas eu de nouvelles d’elle depuis 10 ans ! Oui, elles se sont revues. Les deux femmes ont repris leur amitié là où elles l’avaient laissée. Et oui, Valérie ira voir La nuit//La vigie.
À la Maison Théâtre du 17 au 21 janvier