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Un nouveau type d’arme « prolifère » dans les rues de Montréal

Sans numéro de série et livré par la poste, le Polymer80 constitue une « problématique » pour la SQ

Un nouveau type d’arme à feu «  en vogue  » chez les criminels est régulièrement retrouvé sur des scènes de crime de meurtres et de tentatives de meurtre à Montréal depuis un an, selon un expert en trafic d’armes à feu de la Sûreté du Québec (SQ). Au moins 22 pistolets de ce type ont été saisis dans la métropole dans la dernière année.

« On a une problématique présentement avec ce type d’arme là qui prolifère dans les rues de Montréal depuis la dernière année », a témoigné le sergent-enquêteur Marc Lamarre, de l’Escouade nationale de répression contre le crime organisé de la SQ, à l’enquête sur mise en liberté de Desmond McClish.

Ce Montréalais fait face à huit chefs d’accusation, dont possession et fabrication d’armes à feu à autorisation restreinte. Il risque une peine minimum de trois ans de détention.

L’arme à feu prisée des criminels consiste en une carcasse de modèle Polymer80, complétée avec des pièces de pistolet Glock, très populaire au sein des forces de l’ordre. Le Polymer80 porte ce nom car il représente 80 % d’une arme à feu complète.

« On utilise beaucoup ce type d’arme là à des fins criminelles. C’est une arme de crime. Pas une arme de chasse. [L’avantage] du Polymer80, à l’origine, c’est qu’il n’a pas de numéro de série. »

— Le sergent-enquêteur Marc Lamarre, à la cour, le 25 juin dernier

Desmond McClish, 41 ans, est justement accusé d’avoir fabriqué des carcasses d’armes à feu Polymer80 entre avril 2017 et juin 2019. Ces armes de poing sont à autorisation restreinte, mais peuvent devenir prohibées si on leur pose un canon d’une certaine longueur. Selon la preuve présentée à son enquête sur mise en liberté, l’accusé s’était procuré par la poste 25 carcasses de Polymer80. Celles-ci sont considérées par la loi comme des armes à feu, même s’il leur manque plusieurs pièces pour être fonctionnelles.

Le thérapeute sportif de formation semblait toutefois sur le point de compléter les armes. Après son arrestation, il a reçu par la poste suffisamment de pièces pour assembler 14 pistolets, comme des culasses, des canons et des éléments internes. Les policiers ont également saisi à plusieurs adresses fréquentées par l’accusé 17 silencieux, des composants pour silencieux, cinq chargeurs à grande capacité et de la cocaïne.

Un permis malgré un interdit

Le Polymer80 n’est pas en soi une arme prohibée. Le détenteur d’un permis à autorisation restreinte peut ainsi s’en procurer. Cependant, les carcasses achetées par l’accusé auprès du fournisseur Aztech Armory, de la Colombie-Britannique, n’étaient pas enregistrées et n’avaient aucun numéro de série, selon la preuve de la poursuite, laquelle n’a toutefois pas subi l’épreuve des tribunaux.

Fait particulier, Desmond McClish a réussi à renouveler son permis d’armes à feu à autorisation restreinte en 2015, alors qu’il lui était interdit de posséder des armes pendant 10 ans à la suite d’une condamnation à 4 ans de pénitencier pour trafic de stupéfiants.

« Je n’avais jamais vu ça en 10 ans d’enquête en trafic d’armes que quelqu’un réussisse à garder son permis malgré un interdit d’armes à feu », s’est étonné le sergent-enquêteur Marc Lamarre. Selon lui, il y aurait eu une erreur de frappe dans la banque de données au moment de la demande de renouvellement. « McClish mis avec un espace ou pas d’espace », a résumé le policier. Étonnamment, l’accusé n’a jamais légalement possédé d’armes à feu depuis qu’il détient son permis.

Après avoir repris une enquête amorcée en 2018 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), la Sûreté du Québec a pris Desmond McClish en filature pendant un mois et demi à partir d’avril 2019. Il a notamment été vu à deux reprises dans un restaurant avec Andrew Griffin, qui a des antécédents de possession d’armes à feu, a expliqué le sergent-enquêteur Marc Lamarre.

Selon nos informations, Andrew Griffin était considéré par la police comme un lieutenant du crime organisé traditionnel irlandais en 2015, à l’époque où il avait été victime d’une tentative de meurtre.

Il était aussi proche de l’un des chefs du Gang de l’Ouest, Richard Matticks, mort de façon naturelle en janvier 2015, et des frères Jamie et Cody Laramée, assassinés en 2013.

Desmond McClish a déjà travaillé avec des individus ayant des liens avec les Hells Angels, bien qu’il n’ait aucune affiliation connue avec une organisation criminelle, indique une décision de 2014 de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. On y apprend que McClish s’est fait prendre en 2012 avec 8,68 kg d’amphétamines, 38 000 $ comptant et 25 cartouches de calibre 9 mm. « Vous agissiez comme un processeur de métamphétamine pour une organisation qui semblait bien structurée », indique la décision.

La juge Suzanne Custom a accepté de libérer Desmond McClish sous condition pendant la durée du processus judiciaire. Il devra demeurer chez son père, à Lévis, et il lui sera interdit de se rendre seul à Montréal ou à Saint-Eustache. Il pourra conserver ses deux emplois, soit thérapeute sportif et vendeur de produits naturels dans des gymnases.

Sa cause revient le 25 septembre prochain. Il est défendu par Me Dominique Shoofey, alors que Me Anne Joncas représente le ministère public.

— Avec Daniel Renaud, La Presse

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