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La liberté sur deux roues

La carrière cycliste d'Hugo Barrette est née sur les 90 km de route ventée entre Havre-Aubert et Grande-Entrée. À 15 ans, il a terminé premier de la cyclosportive Les Îles à vélo, qui relie les deux extrémités de l’archipel des Îles-de-la-Madeleine. Un participant avait remarqué son coup de pédale et l’avait encouragé à continuer. Le hockey, qu’il pratiquait depuis l’enfance, a pris le bord.

« Je n’avais pas de permis de conduire et ça me permettait de sortir de la maison, se souvient Barrette. Je viens d’une famille de six enfants… Je les aime bien, mais pour moi, le vélo, ça signifiait la liberté. »

Il a travaillé tout l’hiver dans un Tim Hortons pour se payer un nouveau vélo. Le soir, il s’entraînait dans le sous-sol de la résidence familiale en regardant des vidéos. Au printemps 2008, il a demandé à ses parents de participer à une course, une seule, sur le « continent ». Sur le conseil d’une connaissance, son choix s’est arrêté sur le Grand Prix de Charlevoix et son terrain sélectif. Comme ça, il n’aurait pas à rouler longtemps en peloton.

En t-shirt et avec des cale-pieds à sangles, Barrette s’était débrouillé. Il a rallié l’arrivée au 17e rang, tout juste devant Mikaël Bilodeau. Le coureur des Espoirs Saputo lui a présenté son directeur sportif Patrick Gauthier. Le soir même, Barrette cognait à sa porte : « Je me cherche une équipe. Je veux être un grimpeur. »

Impressionné par le sérieux et la détermination du jeune homme, Gauthier a accepté de le prendre sous son aile.

« De toute ma carrière, c’est probablement l’événement le plus déterminant. Pour moi, ça passait ou ça cassait. »

— Hugo Barrette

Il est retourné aux Îles pour finir son secondaire. Deux jours après la collation des grades, il est parti s’installer chez sa grand-mère à Montréal.

DÉBUTS DIFFICILES

Ses deux saisons sur route avec les Espoirs, où on l’avait surnommé le « homard », n’ont pas été de tout repos. « Il n’avait aucune habileté de conduite de son vélo, se souvient Gauthier. Il a passé l’été à terre. Je suis allé le chercher deux ou trois fois à l’hôpital après des courses. Mais il ne manquait jamais de cœur. »

À la fin de l’été, Gauthier a convié tous ses coureurs à un stage au vélodrome extérieur de Bromont. Pour Barrette, cette découverte a été une révélation. « J’aimais vraiment être sur le vélo pour la liberté, mais mes capacités physiques étaient plus tournées vers la vitesse, la force, explique-t-il. Là, je pouvais combiner les deux. »

Durant l’intersaison, il s’est entraîné comme un forcené. À son retour, il ressemblait à tout sauf à un grimpeur. Aux championnats canadiens juniors sur piste, il est monté sur le podium. Il a rencontré l’entraîneur Yannik Morin, ancien culturiste, olympien en bobsleigh et membre de l’équipe canadienne sur piste. Un self-made-man comme lui. Sa voie était tracée.

L’hiver suivant, il est parti seul en Floride pour rouler sur un vélodrome extérieur. Quand il a su que Cyclisme Canada tenait un camp de sélection à Los Angeles, il a sauté dans un avion. Un an plus tard, la blessure d’un coéquipier lui a ouvert la porte des Championnats du monde aux Pays-Bas. À partir de là, il n’a plus jamais quitté l’équipe canadienne.

De 2011 à 2014, Barrette s’est installé à demeure en Californie, s’entraînant avec un groupe d’athlètes hétéroclites. Dans l’intervalle, il a passé six mois en Suisse, au vélodrome du Centre mondial du cyclisme d’Aigle, destiné aux pays sans programme.

« Je me suis vraiment débrouillé. Je suis parti d’un brouillon, de rien, pour me rendre là. »

— Hugo Barrette

APPUI DÉTERMINANT

Durant son exil aux États-Unis, l’appui de ses parents a cependant été déterminant. Ils ont même tenu un conseil de famille avec ses deux grands frères et ses trois petites sœurs.

« En tant que parents, on souhaitait que nos enfants soient traités également », explique sa mère, Dominique Gauthier, jointe à Cap-aux-Meules. « On n’était pas à la cenne près, mais on ne voulait pas nécessairement faire des exceptions pour des frivolités. On a donc consulté les enfants pour voir comment ils voyaient ça. Ils ont dit : "La machine est partie pour lui, la roue doit continuer à tourner." »

Aujourd’hui, elle est fière de voir que son fils Hugo a fait de sa passion un métier. Même s’ils sont dispersés entre Montréal, Sherbrooke, Québec et l’Ontario, où Hugo s’entraîne dorénavant, les six enfants du « clan Barrette », tous dans la vingtaine, sont tissés serré. « Hugo est très important pour eux », souligne Mme Gauthier.

Pas le premier Madelinot aux JO

Contrairement à ce qu’il croyait, Hugo Barrette ne sera pas le premier athlète madelinot aux Jeux olympiques. Marie-Huguette Cormier a participé aux JO de Los Angeles en 1984 et de Séoul en 1988, en escrime. À l’âge de 6 ans, la native de Havre-Aubert a déménagé à Montréal avec sa famille, avant de s’installer à Sainte-Foy, où elle a appris le fleuret au club Estoc avec le maître d’armes Guy Boulanger. À ses deux présences, elle a terminé neuvième à l’épreuve par équipes. Le résultat à Séoul est plus significatif compte tenu du boycottage des pays de l’Est à Los Angeles. « On visait un top 8 ; on était déçues alors qu’on aurait dû être fières de nous », se rappelle Mme Cormier, aujourd’hui première vice-présidente marketing, communications et coopération au Mouvement Desjardins, et toujours fière Madelinienne.

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