Rio 2016  Le Québec qui gagne

Un accident dramatique

Le casque d’Hugo Barrette a roulé sur une cinquantaine de mètres. Lancé à près de 75 km/h, le cycliste lui-même est passé à travers une balustrade de métal pour aller s’écraser dans les gradins du vélodrome.

L’entraîneur qui lui a porté secours n’avait jamais rien vu d’aussi dramatique en 30 ans de cyclisme sur piste : Barrette gisait sur le ventre, le visage ensanglanté sur le béton, pantin complètement désarticulé. Erin Hartwell se préparait au pire. « Pour être honnête, c’était le pire, raconte-t-il. À ce moment-là, j’étais gravement inquiet pour sa santé. Pas seulement pour sa carrière d’athlète, mais s’il allait passer à travers la journée. L’expérience initiale a été assez traumatisante pour tout le monde. »

Un secouriste est arrivé rapidement, suivi du médecin de l’équipe de France. Ils ont sorti le blessé de sa position précaire, s’assurant qu’il pouvait respirer. Il a quitté le vélodrome en ambulance peu de temps après, accompagné de deux membres de l’équipe canadienne.

Quant à l’entraîneur, il confiera à des proches qu’il a songé, les jours suivants, à abandonner le métier.

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Cinq mois plus tard, tout sourire, Barrette ouvre la porte de sa maison de Milton, dans la lointaine banlieue de Toronto. Une cicatrice rose sous la lèvre inférieure est la seule séquelle apparente de son accident survenu le 27 octobre à Cali, en Colombie.

Les deux vertèbres et le nez fracturés, le traumatisme crânien, les entailles au visage et les meurtrissures ne sont plus qu’un mauvais souvenir. « C’est derrière moi », assure le miraculé.

« Ça a changé un peu ma perspective des choses. Je suis très reconnaissant de ce que je vis en ce moment. […] À l’hôpital, tout le monde pensait que j’allais être dépressif. En fait, j’étais plutôt souriant, juste heureux de m’en être sorti à relativement bon compte. »

— Hugo Barrette, cycliste

Un an plus tôt, Barrette avait donné une première entrevue à La Presse  à deux kilomètres de là, dans le vélodrome flambant neuf qui s’apprêtait à accueillir les Jeux panaméricains de Toronto. Peu connu à ce moment-là, il avait prédit de but en blanc qu’il gagnerait trois médailles.

Non seulement y est-il parvenu, montant même deux fois sur la plus haute marche du podium, mais le natif des Îles-de-la-Madeleine a aussi conquis le public avec son style haut en couleur et agressif. « C’était un moment vraiment unique, une éclosion », se remémore Barrette, spécialiste des épreuves de vitesse, en particulier le keirin.

Bref, au moment de son accident, Barrette était dans la forme de sa vie.

Retrouverait-il jamais son niveau ? On n’a pas attendu la réponse longtemps. À la surprise générale, il n’a jamais ressenti de symptômes de commotion cérébrale. Deux semaines après sa sortie de piste, il remontait en selle à Milton. Avec seulement deux étapes de Coupe du monde et les Championnats du monde pour assurer sa première qualification olympique, le temps pressait.

Treizième en Nouvelle-Zélande au début du mois de décembre, il a frappé un grand coup le mois suivant en terminant deuxième du keirin à Hong Kong. Un premier podium qui lui assurait un billet pour Rio de Janeiro. L’assurait surtout qu’il était de retour au sommet.

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