Opinion : Société 

Les vieux, c’est sexy…

En 2011, je disais au chroniqueur Patrick Lagacé, en boutade, que « les vieux, ce n’est pas sexy »*. Les médias, le public et les politiciens y accordaient peu d’importance. La recherche était moins bien financée, les services moins développés que pour des maladies et des clientèles plus « sexy », comme les enfants.

On a pu observer une évolution très importante à ce chapitre depuis. Maintenant, il est clair que « les vieux, c’est sexy ». Des problématiques reliées aux aînés font régulièrement la manchette, les publicitaires et entreprises s’y intéressent avec des campagnes ciblées, plusieurs organismes défendent leurs droits. En campagne électorale, les politiciens font le tour des résidences pour aînés et les photos avec un aîné sont presque aussi fréquentes que les traditionnelles photos avec un bébé. Même si les fondations d’hôpitaux pédiatriques et instituts de cancer récoltent encore beaucoup plus d’argent, c’est devenu plus facile d’avoir l’attention (et l’argent) des donateurs pour des centres de soins et de recherche pour aînés.

Les conditions de vie des aînés hébergés en CHSLD ont fréquemment été dénoncées, que ce soit pour le nombre de bains ou la nourriture. Les caméras de surveillance seront permises en CHLSD. À l’Assemblée nationale du Québec, on étudie ces jours-ci un projet de loi contre la maltraitance envers les aînés.

Il y a clairement eu un changement social important.

Qu’il soit le résultat d’une conscientisation sociale, de revendications des aînés et leurs proches, de craintes reliées à notre propre vieillissement ou d’un simple clientélisme en raison du poids démographique croissant qu’ils représentent, ce changement d’attitude envers les aînés est certes bénéfique.

Maintenant que les vieux sont sexy, assurons-nous que leurs besoins importants le soient aussi.

Dans les revendications, on projette souvent ses propres besoins, de personne relativement jeune. Les revendications sur le nombre de bains en CHSLD en est le meilleur exemple. On fait alors abstraction du fait que recevoir une douche ou un bain, en CHSLD, n’est pas du tout l’expérience agréable d’un bain chaud, avec lumière tamisée, pris dans l’intimité. Et que, particulièrement pour des personnes avec déficits cognitifs, l’expérience est souvent source de détresse et d’agitation. Imposer un nombre minimal de bains ou augmenter le budget consacré aux repas occulte des problèmes beaucoup plus importants, comme le besoin d’approche personnalisée et le développement de réels milieux de vie, beaucoup plus complexes à résoudre et frappant moins l’imaginaire.

La prévention, ce ne l'est pas

Dans tous ces dossiers qui retiennent l’attention, le chaînon manquant, car il est moins sexy, c’est la prévention. On ne peut pas prévenir le vieillissement, personne n’y échappera. Mais on peut prévenir, dans une certaine mesure, plusieurs des effets néfastes qui y sont associés, comme la perte d’autonomie et de qualité de vie.

La recherche sur ce sujet est assez abondante pour qu’on sache même comment y arriver. Pas par une pilule miracle, dont les médias ont abondamment parlé récemment. Plutôt d’une façon aussi simple que difficile à atteindre : de bonnes habitudes de vie et, surtout, un engagement actif dans notre santé et notre vieillissement.

Rester actif, intellectuellement et physiquement, est LA clé d’un vieillissement réussi.

Éviter l’isolement social et physique, obstacle majeur à l’atteinte de cet objectif. Éviter la médicalisation et le traitement médicamenteux inutile et néfaste de certains symptômes.

Des chercheurs, dont ceux du Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM), ont élaboré plusieurs programmes de stimulation intellectuelle et physique, prouvés efficaces pour prévenir ou retarder la perte d’autonomie. Ce qu’il faut, maintenant, c’est donner accès à ces programmes. À tous, mais encore plus à ceux qui en ont le plus besoin, soit ceux souffrant d’isolement social, physique ou économique. Par l’entremise d’établissements de santé, d’organismes gouvernementaux ou communautaires. Par la formation des aînés d’aujourd’hui et de demain, et de leurs proches. Par l’accès plus facile à des programmes d’exercice physique. Par l’accès à un soutien psychologique, que ce soit en prévention ou en traitement d’une maladie psychologique. Par l’évitement de la surprescription de médicaments et la cascade médicamenteuse qui s’ensuit.

Il ne faut évidemment pas négliger ceux qui sont déjà en perte d’autonomie sévère. Mais, en plus de militer pour un changement de couches plus fréquent, on devrait militer pour une approche en amont de la perte d’autonomie. Pour que les aînés de demain aient moins besoin de CHSLD, de bains et de couches. Ça frappe moins l’imaginaire, c’est moins sexy, mais tout au moins aussi important, à court et à long terme. Tous en seront gagnants. Car si on m’aide à prendre mon vieillissement en mains (« empowerment », traduit par « autonomisation »), j’anticiperai moins mon vieillissement. Je vivrai alors mieux ma vieillesse, mais également ma vie adulte.

Maintenant que les vieux sont sexy, donnons-leur les moyens de vivre une vieillesse exempte, le plus possible, de perte d’autonomie importante. Car ce que la plupart souhaitent, c’est d’ajouter de la vie aux années, plutôt que des années à la vie.

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