Opinion Intelligence artificielle

Uber, la bêtise artificielle et le climat

On entend beaucoup parler d’intelligence artificielle au Québec depuis quelques mois. Uber aussi défraie la chronique depuis son apparition à Montréal en 2013. Les changements climatiques, eux, sont à l’œuvre depuis plusieurs décennies et on n’en finit pas d’annoncer des cibles, qu’on rate par ailleurs. L’objectif de 2020 s’annonce ainsi être un échec, tout simplement parce que nous n’en faisons pas assez. Ces trois sujets, qui peuvent sembler être complètement indépendants, sont cependant intimement liés.

Uber a bâti son modèle d’affaires sur l’intelligence artificielle. C’est sa capacité à jumeler efficacement, en temps réel, des conducteurs et des passagers qui lui a donné l’essentiel de son avantage comparatif. La flexibilité de sa tarification et de son parc de voitures, qui permet d’avoir un plus grand nombre de véhicules lorsqu’on en a besoin, en heure de pointe, est aussi la clé de son succès. Mais enlevez les algorithmes et les réseaux de communications sans fil, et Uber disparaîtra. Le taxi traditionnel redeviendra roi. 

Les difficultés d’intégration de cette solution de mobilité flexible, performante et accessible, comme Uber le propose, dans nos systèmes de transport n’est malheureusement pas du tout le reflet d’un engagement social à protéger des travailleurs. Ceux-ci méritent évidemment d’être protégés, mais pas en ajoutant des règlementations et des contraintes. Ces problèmes récurrents sont avant tout le symptôme de notre incapacité à intégrer les bénéfices de l’intelligence artificielle dans notre économie.

Alors qu’on investit des millions dans cette intelligence artificielle, pour améliorer la place de Montréal et du Québec dans la recherche mondiale dans ce secteur, on n’arrive pas à intégrer les entreprises qui en font un usage concret. 

Uber n’est pas un cas unique. Vous vous souvenez peut-être des compteurs intelligents d’Hydro-Québec ? Quel usage intelligent en faisons-nous ? Gérons-nous mieux notre consommation d’électricité grâce à eux ? Avons-nous davantage d’information sur notre profil de consommation ? Sommes-nous davantage sensibilisés ? Non. Rien, absolument rien n’a changé. Sauf pour Hydro-Québec, qui peut maintenant économiser les salaires des employés qui effectuaient la lecture des compteurs électriques, puisque cette prise d’information se fait maintenant à distance. Toute l’intelligence recueillie, à travers les données reçues, reste inutilisée.

En pleine canicule automnale, après les ouragans, alors que le Québec vient de sceller son partenariat avec la Californie et l’Ontario autour du marché du carbone, on pourrait imaginer que la lutte sur le terrain contre les changements climatiques serait prioritaire. 

La nécessaire transition énergétique, vers une économie sobre en carbone, va demander des changements dans tous les secteurs de la consommation d’énergie : transport, bâtiments, industrie. 

En transport, les solutions de mobilité qu’offrent des entreprises comme Uber seront indispensables : elles permettent d’éviter de rendre nécessaire l’achat d’un deuxième véhicule, voire d’un premier véhicule, parce qu’on peut avoir l’assurance que si les transports en commun, le vélo ou une auto en libre-service ne sont pas disponibles, quelqu’un pourra nous mener là où on veut. Dans les bâtiments, il faudra aussi avoir de l’aide de l’intelligence artificielle pour mieux gérer notre consommation, en vue de la réduire. Il faudra intégrer des incitatifs économiques à le faire et revoir la structure tarifaire de l’électricité, grâce aux compteurs intelligents.

La bêtise avec laquelle nos gouvernements et nos institutions n’intègrent pas les solutions intelligentes dans la transition énergétique n’a rien de naturel. C’est une bêtise artificielle – ils sont capables de beaucoup mieux. Il faut par contre demander, exiger, pour que les politiciens réalisent que les changements en transport et en énergie passent par… des changements aussi dans les modèles d’affaires. La technologie évolue, l’intelligence artificielle se développe, il faut adapter les règlements pour encourager ceux qui ont des solutions à offrir, et cesser d’ajouter des contraintes artificielles, qui au bout du compte pénalisent toute la société bien plus qu’une entreprise particulière.

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