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Il faut cesser d’investir dans le problème

En 2016, 44 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec venaient des transports. On doit aussi ajouter 2 % pour les émissions liées au raffinage de l’essence. Et on devrait ajouter les émissions liées à la production de pétrole et à la construction de nos véhicules – émissions qui ne comptent pas dans le bilan officiel provincial car on ne produit ni pétrole ni voiture au Québec, mais qui sont tout de même les nôtres. Les GES ne son pas le seul problème environnemental lié aux transports. Il y a aussi la pollution de l’air et, à force d’asphalter le sol, on dégrade les milieux naturels, les écosystèmes, la biodiversité.

Il existe une solution très simple à ces problèmes environnementaux : cesser d’investir dans le problème. On a souvent tendance à croire que résoudre des problèmes environnementaux coûte de l’argent. En transports, c’est exactement le contraire : nous dépensons des sommes astronomiques pour polluer. Arrêter de polluer – ou du moins réduire grandement la pollution – nous enrichirait. Pas juste un peu : ce sont des dizaines de milliards que nous investissons dans le problème. Arrêter ces dépenses improductives serait bénéfique pour l’économie du Québec, pour la société, et pour l’environnement. Voyons pourquoi. Ne vous inquiétez pas, c’est d’une simplicité désarmante.

Les Québécois, comme presque tous les humains, aiment les véhicules automobiles. Avant, ils aimaient les voitures, mais celles-ci paraissent trop petites, trop basses, pas assez confortables. Alors nous achetons ce que les gouvernements classent dans la catégorie des « camions légers » : des pick-up et des véhicules utilitaires sport (VUS). Il y a 10 ans, en 2008, il s’est vendu au Québec 282 000 voitures. L’année dernière, seulement 188 000, soit 33 % de moins. Du côté des pick-up et des VUS, c’est pire que le contraire : de 153 000 unités vendues en 2008, on a atteint le sommet historique de 281 000 unités. Une augmentation de 84 % en 10 ans.

Si ces chiffres vous donnent le vertige, restez assis. Les sommes d’argent que les Québécois ont « investies » dans leurs véhicules donnent le droit de se demander dans quel état d’inconscience nous nous trouvons.

Reprenons l’exercice : en 2008, il s’est vendu pour 6,6 milliards de dollars en voitures, seulement 5,4 milliards en 2017. Une diminution de 18 %. Pour les pick-up et VUS, les ventes ont explosé de 118 % : de 5,5 à 12 milliards. On a acheté seulement 8 % plus de véhicules en 2017, mais dépensé 44 % plus d’argent. Si vous avez vu un nouveau concessionnaire qui ressemble à une boutique de luxe récemment, c’est normal : il fait des affaires d’or. Le chiffre d’affaires des concessionnaires a crû de 5,3 % en moyenne depuis 2008, mais ces trois dernières années ont complètement dépassé leurs rêves : + 11 % en 2015, + 10 % en 2016 et + 6 % en 2017. Est-ce que votre salaire a augmenté à ce rythme ?

Si on avait gelé les dépenses en véhicules au Québec au niveau de 2008 (à 12 milliards), les Québécois auraient 16 milliards de plus dans leur poches. En fait, ce sont les trois dernières années qui ont été les années fastes : 12,5 des 16 milliards ont été dépensés juste en 2015, 2016 et 2017. En comparaison, le budget québécois du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques est de 2,6 milliards, sur huit ans. C’est sans doute ça, le sens de la rigueur budgétaire au Québec : moins en environnement, en éducation et en santé, plus en VUS.

Congestion

Avec ces dépenses record, il ne faut pas s’étonner qu’on observe des problèmes de congestion : plus de véhicules, qui sont tous plus gros qu’avant, sur un territoire qui ne grandit pas. Oui, ça crée des embouteillages, dont les premiers à en souffrir sont les acheteurs de véhicules.

Au niveau des ventes d’essence, quel impact croyez-vous qu’on observe ? Le Québec est en transition énergétique et on investit dans l’électrification des transports, n’est-ce pas ? Peut-être, mais un autre record a été battu en 2017, celui des ventes d’essence : 9,7 milliards de litres, du jamais vu.

La solution est très simple. Cessons d’investir dans des véhicules qui restent stationnés 23 heures sur 24. Gardez votre argent.

Si vous avez besoin d’un véhicule, achetez usagé ou un modèle neuf à 20 000 $, mais pas le VUS à 35 000 $. Invitez plutôt vos amis au restaurant pour les impressionner.

Deuxième solution : si notre société a les moyens d’augmenter ses dépenses annuelles de 5,5 à 12 milliards pour les camions légers, elle a les moyens d’investir les milliards nécessaires pour des réseaux de tramway dans les villes et des trains entre les villes. On a eu un tramway électrique à Montréal de 1892 à 1959. Réélectrifions notre transport ! Jumelés à Communauto et aux autres fournisseurs de mobilité, les trains pourront rendre les régions du Québec accessibles à tous – et être compatibles avec la transition énergétique.

Pour mettre en place ces solutions, il n’en tient qu’à vous pour la première. Pour la seconde, il faut que le gouvernement impose des surtaxes élevées, proportionnelles au poids et à la surface des véhicules, fasse payer les stationnements et réinvestisse l’argent dans les infrastructures de mobilité durable. Il est aussi nécessaire de soutenir le transport actif et les fournisseurs de mobilité (autopartage, covoiturage, location de voiture).

Pour résoudre le problème, arrêtons d’y investir. Mettons nos ressources dans les solutions.

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