Personnalité de la semaine

Sylvain Thibault

L’année 2016 aura été celle des réfugiés, dont le nombre a atteint un seuil historique avec plus de 65 millions de personnes déplacées dans le monde. Alors que le Québec en a accueilli plus de 6700, quelque 140 organismes s’activent pour les aider. Sylvain Thibault, qui a travaillé sans relâche à améliorer le sort de ces personnes vivant des drames humains, est notre personnalité de la semaine.

Coordonnateur du volet parrainage de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) depuis un an, Sylvain Thibault n’a pas chômé depuis que le gouvernement Trudeau a annoncé qu’il accueillerait 25 000 réfugiés syriens, à la fin de 2015.

« L’an dernier, à pareille date, j’étais au bureau sept jours sur sept, dit-il. Je recevais des courriels et des téléphones toutes les minutes. Les gens voulaient donner des meubles, des vêtements, au point que nous en avons trop reçu. Les entrepôts se remplissaient au point que j’ai dû dire : merci, on en a assez. Un an plus tard, ce qui manque le plus, c’est des employeurs prêts à donner une chance à ces réfugiés, qui sont maintenant francisés et qui veulent travailler. »

« L’ouverture de la population a été extraordinaire, il nous faut maintenant l’ouverture des employeurs. Les réfugiés ne veulent pas vivre aux crochets de leurs parrains, ils veulent devenir autonomes. »

— Sylvain Thibault

Sylvain Thibault, qui a une formation en psychologie et en droit de l’immigration, s’intéresse au sort des réfugiés depuis l’âge de 13 ans. À l’époque des « boat people », sa famille parrainait deux familles cambodgiennes venues s’installer au Québec. Une expérience qui l’a marqué pour la vie.

« J’aime dire que je suis membre d’un groupe de parrainage depuis 40 ans, car encore aujourd’hui, ma famille a des liens très serrés avec ces gens. Ils sont rendus à trois générations. Mes parents sont en quelque sorte les arrière-grands-parents honoraires de ces enfants. J’ai eu la chance de venir d’une famille très ouverte aux autres cultures. En tant qu’enfant, ça m’a marqué. J’ai toujours eu des réfugiés autour de moi. »

Suffire à la demande

La TCRI regroupe une centaine d’organismes venant en aide aux réfugiés, aux immigrants et aux personnes sans statut. Avant d’y travailler, Sylvain Thibault a été, pendant 10 ans, directeur de Projet Refuge, un organisme qui venait en aide aux demandeurs d’asile.

Bien que le Québec soit en voie d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé pour l’année quant au nombre de réfugiés accueillis, les offres de parrainage privées sont loin de suffire à la demande. Les réfugiés viennent principalement de Syrie, d’Irak, du Burundi, de la République démocratique du Congo.

« Chaque semaine, je reçois une bonne trentaine de courriels de gens qui sont dans des camps de réfugiés au Liban, au Pakistan, en Afrique, qui cherchent à venir ici et qui n’ont pas de parrains, dit-il. Le parrainage privé, ce sont des organismes ou des individus qui se regroupent pour parrainer une personne ou une famille de réfugiés. »

Pour être en mesure de parrainer, il faut démontrer au gouvernement que l’on a la capacité financière de soutenir ces réfugiés pendant un an. On devient donc responsable de payer leur loyer et leur nourriture pour cette période.

« Au-delà des considérations financières, la beauté du parrainage, c’est le lien qui se crée entre les parrains et les parrainés, dit Sylvain Thibault. J’ai le privilège de rencontrer ces personnes au quotidien, ce sont des gens qui ont beaucoup de cœur et qui veulent faire la différence dans la vie de quelqu’un.

« Ce ne sont pas nécessairement des gens riches, mais des gens comme vous et moi. Souvent, ils organisent des collectes de fonds et des activités-bénéfice pour recueillir l’argent dont ils auront besoin pour le parrainage. »

— Sylvain Thibault

Avec les délais de plus en plus longs entre le début du processus et l’arrivée des réfugiés – on parle maintenant de 18 mois à deux ans –, l’attente peut devenir difficile pour les parrains, sur le plan psychologique.

« Cette période est difficile pour les parrains, dit-il. Il se crée une amitié, une solidarité. La réalité des réfugiés est souvent très difficile. Les groupes de parrains ne sont pas nécessairement outillés pour gérer cela pendant deux ans. Ils savent que la situation des réfugiés va en se dégradant parce qu’ils sont dans des pays de transition. Parfois, les enfants ne peuvent même pas aller à l’école. Les parrains se sentent impuissants face à la situation. Nous avons même mis sur pied un groupe de soutien pour eux. »

Seulement 10 % des parrainages privés sont le fait de groupes de deux à cinq personnes. La majorité sont l’œuvre de paroisses, d’églises, de mosquées et d’organismes tels Hay Doun ou Action Réfugiés Montréal. L’archevêché de Montréal parraine également de nombreux réfugiés.

« Je me considère privilégié d’avoir été en contact avec des réfugiés depuis des années. C’est incroyablement enrichissant et je souhaite cela à tout le monde. Ils ont eu des parcours atypiques, ils viennent de cultures différentes. Le contact avec eux nous enseigne beaucoup. Des milliers de fois, je me suis fait dire par eux à quel point j’étais privilégié et béni des dieux d’être né ici. Cela nous apprend à apprécier ce que l’on a. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.