Chronique

On va s’le dire !

Vous avez été très nombreux à m’écrire à la suite de la publication de ma chronique sur les fautes et les tics qu’on entend à la radio et à la télé. Je vous disais, avec une ironie non dissimulée, que je souffre de « misophonie linguistique », une maladie caractérisée par une forte irritation à subir ces erreurs à répétition.

« Vous avez raison il est temps qu’on “adresse” le problème », m’a écrit un lecteur en prenant bien soin de préciser qu’il entend régulièrement cette expression de la bouche d’un ministre bien en vue à Québec.

Tout en me parlant de votre amour pour la langue française, vous m’avez fait part d’exemples qui vous énervent. Le sujet de plainte le plus fréquent est la difficulté d’accorder le participe passé, comme dans « l’entrevue que j’ai fait », « la promesse qu’il avait fait » ou « la lumière doit être fait ».

Dans ce cas-ci, le féminin est perdant. Mais on peut se consoler en se disant qu’il reprend du galon avec « toute le monde » ou « toute le groupe », souligne un lecteur.

Parlant de genre, un lecteur a remarqué que certains mots appartenant à l’univers féminin ont du mal à accepter les articles masculins : une utérus, une avortement, une ovaire, etc.

Vous êtes plusieurs à faire de l’urticaire quand la forme pronominale accompagne le verbe partager, comme dans « on aimerait que vous nous partagiez votre opinion ».

Évidemment, les fameux « ça l’a l’air », « ça va-t-être », « ça l’aide », ou encore « quand qu’on » et « cela fait du sens » vous irritent au plus haut point. Avec raison.

L’emploi abusif de la locution « au niveau de » suscite les foudres d’un lecteur qui n’en peut plus d’entendre « au niveau du municipal », « au niveau du transport », « au niveau de la culture », « au niveau de l’aide aux sans-abri », « au niveau des femmes ».

La mauvaise utilisation du verbe supporter donne envie à un lecteur de changer de poste. Il donne comme exemple une publicité radiophonique dans laquelle on dit que « le Casino de Montréal est fier de supporter le Canadien ». Ce lecteur suggère plutôt de dire que « le Casino de Montréal est fier d’endurer et de tolérer notre sainte Flanelle ».

Un amateur de vin n’en peut plus d’un certain cliché outrageusement utilisé dans les émissions où l’on parle de vignes et de cépages. En effet, pour certains épicuriens, « on est sur du merlot », « on est sur des notes grasses », « on est sur un vin moelleux ».

Il y a les erreurs, mais il y a aussi les tics de langage, ces mots qu’on met partout pour créer des liens entre ses idées. Vous avez été nombreux à souligner la surabondance de « justement », « effectivement », « donc » et « absolument ». Et que dire de « je vous dirais », « faut savoir » et « faut comprendre » ? Sans oublier le classique « vous savez » et l’incontournable « on va s’le dire ».

Une lectrice m’a dit qu’elle n’est plus capable d’entendre « j’ai envie de dire » de la bouche de certains journalistes ou analystes. Un autre lecteur ne comprend pas pourquoi on tient à ce point à rajeunir tout le monde, comme dans les expressions « un jeune bébé » ou « un jeune adolescent ».

Quant au célèbre « bon matin » dont je vous parlais la semaine dernière, il vous énerve également. Une lectrice a même créé le néologisme « bonmatinistes » pour nommer ceux qui ont adopté cette expression. Je vous disais que j’ai abdiqué, mais certains m’ont dit de ne pas baisser les bras et de poursuivre la lutte car « bon midi » a fait son apparition.

Enfin, certains regrettent le départ de la lettre « L » dans le mot film.

Zut de zut ! Cela veut dire que Michèle Richard va devoir réenregistrer son grand succès Quand le « fim » est triste.

En terminant, je quitte le monde des médias pour vous raconter l’histoire d’une lectrice dont on ne sait si elle fait rire ou pleurer. Cette dame est allée dans une pâtisserie de Montréal pour y acheter un gâteau à l’occasion de l’anniversaire de son mari. Rendue à la maison, qu’elle ne fut pas sa surprise de découvrir ceci : 

On va s’le dire, la langue française est un combat de tous les instants, de la naissance jusqu’à la mort. Profitons donc des anniversaires pour faire une trêve. Et en rire.

***

Une lectrice m’a fait parvenir ce sketch radiophonique de François Pérusse dans lequel l’un de ses personnages appelle Dieu afin de savoir pourquoi il n’y a plus de grosse tempête de neige comme autrefois. Écoutez bien la réponse de Dieu.

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