Népal 

Mortes pour cause de menstruations

De jeunes femmes continuent de mourir au Népal parce qu’elles sont tenues à l’écart du foyer familial et forcées de dormir dans des abris de fortune normalement réservés aux animaux durant leur période de menstruation.

Bien que la pratique ancestrale du Chaupadi ait été officiellement interdite par la Cour suprême en 2005, elle perdure dans l’ouest du pays et a fait une nouvelle victime la semaine dernière.

Gauri Kumari Bayak a été retrouvée morte, asphyxiée, dans une petite hutte où elle avait allumé un feu pour tenter de se réchauffer durant une nuit glaciale.

Selon le New York Times, la jeune femme de 22 ans était issue d’une famille aisée et éduquée qui jugeait nécessaire de continuer à appliquer cette ségrégation malgré les risques inhérents.

Le froid et la suffocation ne constituent pas les seules menaces pour les femmes touchées, qui peuvent aussi être assaillies par des animaux sauvages. L’été dernier, une Népalaise de 19 ans a été mordue mortellement par un serpent alors qu’elle dormait dans un abri de fortune durant ses menstruations.

Aradhana Thapa, qui est responsable des questions de santé communautaire au sein d’une ONG active au Népal, Possible, relève que les tabous liés aux menstruations ne sont pas limités à « une culture, une religion ou un pays ».

Ils se traduisent, dans nombre de pays, par des restrictions qui peuvent parfois être sévères, le Chaupadi étant un des exemples les plus extrêmes, souligne la militante.

Les femmes qui ont leurs règles sont encore aujourd’hui considérées dans certaines régions du Népal comme une « offense aux dieux hindous » pouvant amener le malheur sur leur foyer familial si elles persistent à dormir sur place.

« C’est la peur générée par le dommage pouvant supposément être causé aux familles qui explique que la pratique perdure malgré les efforts du gouvernement et des organisations non gouvernementales. »

— Aradhana Thapa

La stigmatisation des menstruations peut aussi avoir une incidence majeure sur la scolarisation des filles, qui se voient régulièrement contraintes de manquer des jours de classe.

Le phénomène est exacerbé par le fait que plusieurs établissements ne disposent pas de toilettes répondant aux besoins hygiéniques des élèves.

Amanda Klasing, une spécialiste des droits des femmes à Human Rights Watch, note que le nombre de jours manqués en raison du Chaupadi favorise le décrochage scolaire des filles, qui sont alors plus à risque d’être mariées prématurément. Près de 40 % des Népalaises sont officiellement mariées avant 18 ans alors que la loi fixe l’âge minimum à 20 ans.

des sanctions sévères

Dans l’espoir de faire disparaître définitivement le Chaupadi, le gouvernement népalais a adopté l'été dernier une loi qui prévoit une peine de trois mois de prison ou de 3000 roupies népalaises d’amende pour toute personne qui vise à l’appliquer.

Elle n’entrera cependant pas pleinement en vigueur avant l’année prochaine puisque les législateurs ont convenu qu’une période de sensibilisation d’une année était souhaitable avant de sévir.

Aradhana Thapa estime qu’il est nécessaire de procéder avec des sanctions puisque les efforts éducatifs n’ont pas donné de résultats suffisants.

Il faut parallèlement, dit-elle, apprendre des groupes de femmes qui ont réussi, par leur action, à faire pratiquement disparaître le Chaupadi dans certaines zones restreintes de l’ouest du pays.

« Il faut poser des questions et écouter les femmes qui ont mené le mouvement dans leur propre communauté », relève la militante.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.