Planète bleue, idées vertes
Comment ils sont passés de la parole aux actes

À la rescousse des légumes

Quelle est la meilleure façon d’assurer la survie de variétés rares de certains fruits et légumes ? En faisant en sorte qu’ils soient mangés et appréciés, ont compris les Gardiens de semences. Explications.

Connaissez-vous les tomates Mémé de Beauce, les pois à écosser Laxton’s Progress #9, les aubergines Ping Tung Long, les betteraves Albina Vereduna ou les concombres au citron ?

Toutes ces variétés en voie de disparition vont renaître le temps d’une saison – et peut-être davantage – grâce au projet d’Arrivage, un réseau qui met en relation des agriculteurs et des artisans locaux avec des restaurateurs et des épiciers.

L’opération Gardiens de semences, imaginée par Thibault Renouf et Félix-Étienne Trépanier, deux « entrepreneurs militants », a démarré l’an dernier avec le parrainage de 14 semences rares, anciennes et méconnues. Elle revit cette année avec un nombre accru de semences (plus de 50) et de participants partout au Québec, de Sherbrooke à Rimouski en passant par Brébeuf, Victoriaville et Montréal. 

« L’idée est venue du fait qu’on travaille avec un réseau d’agriculteurs, explique Thibault Renouf. Ces gens ne trouvent pas toujours de débouchés pour leurs produits. Et plus important encore pour nous, la diversité de ce qui est produit est souvent limitée par peur de ne pas trouver de clients. »

Solution : profiter du réseau Arrivage, de la ferme à l’assiette, pour remettre la biodiversité au cœur de l’approvisionnement. Selon l’Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 75 % de la biodiversité à la base de nos systèmes d’alimentation a disparu de la planète en 100 ans.

« On va arrêter de parler de tomates ou de carottes, simplement, mais on va parler de variétés », indique Thibault Renouf.

« Il y a énormément de diversité dans les goûts et dans les formes. L’année dernière, on a fait une exposition de 60 tomates différentes. Il y en avait de toutes les couleurs, de toutes les formes, et surtout des tomates qui avaient du goût. »

— Thibault Renouf

DES BETTERAVES BLANCHES

En gros, l’opération Gardiens de semences consiste à trouver des légumes menacés de disparition, puis à nous les faire découvrir en mettant en contact des semenciers avec des maraîchers et des restaurateurs ou des épiciers.

L’été prochain, par exemple, les élèves de Ghislain Jutras vont produire 100 kg de betteraves Albina Vereduna à l’Institut d’agriculture biologique du cégep de Victoriaville. La production sera livrée à Jonathan Lapierre, chef du restaurant de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), qui va en faire de la soupe ou les rôtir au gros sel.

« Depuis toujours, j’essaie de défendre le côté durable, le local et le bio dans mon travail. Ça me tient à cœur, personnellement, dit le chef Jonathan Lapierre. Si plus personne ne mange de ces légumes, on va se ramasser avec des variétés uniques et perdre la biodiversité de l’alimentation. »

Qu’est-ce que ces betteraves ont de spécial ?

« Elles sont complètement blanches », répond Ghislain Jutras, qui n’en a encore jamais mangé.

La semence, cultivée par Patrice Fortier, provient de la Société des plantes, une petite entreprise paysanne de Kamouraska, qui vend des semences produites principalement à la ferme. « Cette plante tolère très bien les excès de vent, les embruns salés, précise le semencier du Bas-Saint-Laurent. En fait, il lui faut sa petite dose de sel ! Je lui fais plaisir en la saupoudrant au jardin d’une farine de varech que je prépare moi-même. »

Sa chair, plus fine que celle des betteraves rouges, rappelle la pomme de terre, dit M. Fortier qui aime la servir en salade, à peine cuite, tranchée finement et nappée de vinaigrette.

DE LA FOURCHE À LA FOURCHETTE

« Ce qui me motive le plus dans ce projet, au-delà de préserver une variété, c’est la relation qui peut se développer de la fourche à la fourchette : du semencier québécois au consommateur en passant par le maraîcher et le transformateur », souligne Ghislain Jutras, qui participe à cette opération pour la première fois, tout comme Jonathan Lapierre, de l’ITHQ.

Propriétaire de La Récolte de la Rouge, le producteur de légumes bios Mathieu Roy, lui, en sera à sa deuxième expérience, malgré l’« échec monumental » qu’il a connu l’an dernier : tous les pois Saint-Hubert qu’il avait semés ont été dévorés par les oiseaux, la veille de la récolte. Cette variété patrimoniale de pois a été rapportée ici au XVIIe siècle par les colons européens.

« J’aime faire ce genre de projet, dit-il. Ça me permet d’avoir un feed-back sur ce qu’on produit. Et l’attention qu’on y porte permet de mettre en lumière le travail des petits semenciers et des petits maraîchers, qui sont beaucoup moins connus. »

BIÈRE ET LÉGUMES : MÊME COMBAT

Pour bien faire comprendre le but de l’opération, Thibault Renouf parle de la bière artisanale, largement adoptée au Québec malgré un prix plus élevé que celui de la bière industrielle. « Les gens ont compris qu’une bière artisanale faite en Gaspésie valait plus cher qu’une Molson », expose-t-il, en espérant que les variétés de légumes rares qu’ils souhaitent sauver seront elles aussi adoptées par les consommateurs.

« On voudrait que les gens fassent la différence entre une tomate bien rouge, bien ronde, qui n’a pas de goût, et une tomate difforme cultivée par un agriculteur qui fait bien les choses et qui peut s’identifier. Avec cette démarche, on espère générer une demande pour des produits plus diversifiés. »

Bon à savoir : les betteraves Albina Vereduna seront au menu du resto de l’ITHQ, rue Saint-Denis à Montréal, à la fin de l’été. Les pois à écosser Laxton’s Progress #9 seront servis au Foodlab de la Société des arts technologiques (SAT), dirigé par Tim Murphy. Dans les cuisines du Casino de Montréal, Jean-Pierre Curtat offrira des tomates Mémé de Beauce. Karine Martel préparera des concombres au citron chez In Vivo et Romain Abrivard cuisinera des aubergines Ping Tung Long à la Brasserie Henri.

Sur le radar

Des déchets canadiens pourrissent aux Philippines

Un cabinet d’avocats de Vancouver spécialisé en droit de l’environnement soutient que le Canada a violé le droit international en envoyant aux Philippines plus de 100 conteneurs chargés d’ordures communes, mais faussement identifiées comme du « plastique destiné au recyclage ». L’organisme estime que l’entreprise canadienne à l’origine de ces livraisons n’avait pas obtenu le consentement des Philippines – ou avait menti sur le contenu afin d’obtenir une telle approbation. Les conteneurs sont arrivés à Manille en 2013 et 2014, en plusieurs envois. Les déchets pourrissent actuellement dans les ports philippins, pendant qu’Ottawa et Manille se disputent la façon dont ils seront éliminés. Le Canada pourrait bien se faire mettre ce litige sous le nez, cette semaine, lorsque les signataires de la Convention de Bâle se réuniront en Suisse.

— La Presse canadienne

Les banques centrales unies contre le réchauffement

Le secteur financier « a un rôle central à jouer » face aux changements climatiques, expliquent 34 banques centrales et superviseurs de cinq continents rassemblés au sein du Network for Greening the Financial System (NGFS), qui a publié son premier rapport mercredi dernier. Dans une lettre publiée dans Le Monde et The Guardian, les porte-parole des banques centrales, dont Mark Carney de la Banque d’Angleterre, ont expliqué que l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 « demande une réallocation massive des capitaux ». Il est notamment proposé aux banques centrales d’« intégrer les facteurs liés au développement durable dans leur propre gestion de portefeuille ».

— D’après l’Agence France-Presse

Les microplastiques polluent les montagnes

Des microplastiques transportés à travers les airs peuvent atteindre des zones isolées relativement épargnées par l’activité humaine, révèle une étude parue la semaine dernière dans Nature Geoscience, qui a étudié une zone reculée des Pyrénées françaises. Pendant cinq mois de l’hiver 2017-2018, des chercheurs du CNRS, des universités de Toulouse, d’Orléans et de Strathclyde en Écosse ont récolté des échantillons sur la station météorologique de Bernadouze, à près de 1500 mètres d’altitude. Elle se trouve dans une zone protégée située à plus de 5 kilomètres du village le plus proche et à environ 120 kilomètres de Toulouse. « Les chercheurs ont décompté un dépôt de plus de 365 particules de microplastiques par mètre carré par jour », selon un communiqué. Si la découverte de microplastiques dans cette zone proche du pic des Trois-Seigneurs n’a pas été une surprise totale, « nous ne nous attendions pas à en trouver autant », a souligné l’un des chercheurs.

— D’après l’Agence France-Presse

Plaidoyer sous-marin aux Seychelles

Le président des Seychelles. Danny Faure, a plaidé en faveur de la protection des océans la semaine dernière, estimant que l’humanité « est à court d’excuses et de temps ». Il s’est exprimé dans un submersible à plus de 120 mètres de profondeur dans l’océan Indien. Danny Faure, très engagé dans la défense de l’environnement, se trouvait à bord du navire Ocean Zephyr de la mission scientifique Nekton Deep Ocean Exploration, qui effectue des recherches à plus de 500 mètres sous l’eau. Le chef de l’État a indiqué qu’à la profondeur de 124 mètres, « [il pouvait] voir non seulement l’incroyable beauté de notre océan, mais aussi la nécessité urgente de la conserver ». La mission Nekton passera sept semaines à étudier la vie sous-marine et à cartographier le fond de l’océan Indien. Les Seychelles ont prévu qu’à partir de l’année prochaine, 30 % de leur superficie marine serait classée zone protégée.

— D’après l’Agence France-Presse

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