IMAGE CORPORELLE

Tous mal dans notre peau ?

Sommes-nous tous mal dans notre peau ? C’est un peu la conclusion à laquelle on arrive, en feuilletant le par ailleurs très esthétique Miroir miroir, vivre avec son corps, un recueil de 30 rencontres avec 30 personnalités québécoises, lancé ce soir.

L’auteure, la psychologue Stéphanie Léonard, a recueilli les confidences d’une foule d’artistes, personnalités et autres vedettes d’ici sur des questions taboues comme l’estime de soi, le rapport à l’image, au poids.

Verdict ? Toutes, ou presque, ont déjà fait un régime. Toutes, ou presque, surveillent toujours scrupuleusement leur ligne. Et bon nombre ont souffert de troubles alimentaires divers. Troublant, vous dites ?

De Cœur de pirate à Véronique Cloutier en passant par Saskia Thuot, Sophie Prégent ou Geneviève Guérard, toutes ressentent, ou ont ressenti (subi ?), à différents degrés, la pression d’être mince. Toutes se sont du coup astreintes à différentes restrictions. Certaines extrêmes, d’autres moins. Un exemple entre mille ? La plongeuse Émilie Heymans a carrément suivi son premier régime à 7 ans. Depuis, elle affirme aussi « perpétuellement » se sentir au régime. Vanessa Pilon a frôlé l’anorexie. Mireille Deyglun a souffert de boulimie. Sophie Prégent aussi. Elle confie même s’être privée toute sa vie.

« Même les femmes qui se rapprochent le plus du stéréotype que l’on peut avoir de la beauté sont tourmentées ! » — Stéphanie Léonard, psychologue

Les hommes ne sont pas épargnés (ou à peine) par cette obsession du corps mince et ferme. Joey Scarpellino (qui a déjà confié ses problèmes anorexiques par le passé) n’est pas le seul. Quand on lit que Sébastien Benoît s’entraîne de six à sept fois par semaine, on devine que quelque chose, quelque part, ne tourne pas rond.

« À peu près tout le monde a eu un enjeu avec l’alimentation », confirme l’auteure Stéphanie Léonard, spécialisée dans le traitement des troubles de l’alimentation. « Certains ont eu des troubles », fait-elle valoir, « en ont encore », chose certaine, « ce n’est jamais neutre », résume-t-elle. « Pour tout le monde, c’est un enjeu. »

Non, la psychologue n’est pas surprise. « Je le vois dans mon cabinet privé. Plus les gens sont exposés [au public], plus ils vivent une pression. »

À noter, tous les textes ont été relus et approuvés par les principaux intéressés. Stéphanie Léonard n’en revient pas de leur authenticité et de leur générosité. « J’avais tellement peur que les gens me disent non, confie-t-elle. Mais presque tout le monde m’a dit oui. C’est une cause, un message, qui leur tient à cœur. »

« Il y a vraiment une obsession, un malaise, qui touche tout le monde. » — Stéphanie Léonard, psychologue

Bien sûr, tous disent par ailleurs faire du sport pour le plaisir (exception faite, peut-être, de Geneviève St-Germain, qui avoue détester s’entraîner), affirment aimer bien manger, et prôner la diversité. La beauté est intérieure, le bonheur est dans la santé, disent-ils aussi. Rectitude politique ? C’est dans les questions pointues de l’auteure, notamment sur le rapport au corps, à l’alimentation précisément et aux restrictions diverses, que la vérité sort : un régime Montignac ici, un entraînement excessif ou un samedi où tout est permis là, la spécialiste des comportements alimentaires ne cache pas son scepticisme.

D’ailleurs, en marge de ses entrevues, elle pose plusieurs excellentes questions : pourquoi si peu de gens sont-ils en paix avec leur apparence ? D’où vient cette idée d’être perpétuellement au régime ? Chiffres à l’appui (90 % des femmes et 70 % des hommes n’aiment pas leur silhouette), elle dénonce ici notre obsession généralisée.

C’est l’objectif de ce recueil, qui satisfera entre autres notre côté voyeur : dénoncer cette obsession autour du corps, en vue, espérons-le, de s’en libérer ne serait-ce qu’un petit peu.

« Maintenant qu’on sait que pour ces gens-là que l’on vénère, pour eux non plus, ce n’est pas simple, c’est la démystification qui m’intéresse : est-ce qu’on peut essayer de remettre tout ça en question ? » Parce que c’est limpide : tout le monde est mal dans sa peau. Même les plus beaux, les plus riches, les plus célèbres.

Miroir miroir, vivre avec son corps

Dre Stéphanie Léonard psychologue

Éditions La Semaine

2015

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.