CHRONIQUE

La rupture au masculin

À leur tour de larguer les amours
Collectif
Éditions Tête Première
232 pages

Il y a un an, Maryse Latendresse a demandé à une vingtaine d’auteures d’écrire un texte sur la rupture amoureuse. Elle voulait savoir si les femmes avaient une manière différente de vivre cet état d’âme. Le recueil a pour titre Larguer les amours.

J’imagine que c’est pour mieux se prêter au jeu de la comparaison qu’elle a demandé cette fois-ci à des hommes de se prêter au même exercice. Le résultat donne À leur tour de larguer les amours.

Tristan Malavoy, Steve Gagnon, Marc Robitaille, Stéphane E. Roy, Luc Boulanger, Alexandre Jardin, Mario Saint-Amand, Stanley Péan et Christian Vézina font partie de ceux qui ont accepté de dépeindre ce mal mystérieux qui, dans sa douleur indicible, unit tous les humains.

Attaquons tout de suite la question de la différence entre les deux sexes dans la façon d’encaisser ce terrible coup : il n’y en a pas. Le coup de poignard est reçu de la même façon. Le doute, la chute, le vertige, la souffrance, la rechute, la rage, tout cela se vit de la même manière. Même cette terrible manie de remuer le poignard resté planté dans le ventre est observée chez les deux sexes.

Il est intéressant de voir que plusieurs auteurs rassemblés dans ce livre font état de ruptures qui surviennent après quelques mois de passion seulement.

Est-ce que l’inassouvissement, ce sentiment de ne pas avoir totalement conquis le cœur de l’autre, est une douleur qui sied mieux à la littérature ? On est porté à le croire.

Marc Robitaille est celui qui, à mon avis, signe le texte le plus emblématique de cet ouvrage. Il a eu la bonne idée de raconter l’histoire d’amour qu’a vécue un de ses amis. C’est à travers les yeux de l’auteur que l’on assiste à l’envoûtement dont est victime l’ami, au jeu perfide et manipulateur de l’objet de désir.

La femme dont il est question possède la beauté. Elle le sait et en abuse. Du moins avec cet ami. « C’est que la trop jolie fille a quelque chose que les autres humains n’ont pas. Elle a du temps. Elle n’est jamais pressée de rappeler, de dire oui à un café ou à un film car elle sait que des offres comme celles-là viendront toujours, les unes après les autres, jour après jour, année après année. » Je ne dévoilerai évidemment pas la chute de cette nouvelle. Je me contenterai de dire qu’elle est imaginée par un auteur. Un vrai.

Les excès qui ont jadis fait partie de la vie de Mario Saint-Amand ne sont pas un secret. Le comédien commence son texte en décrivant un matin qui suit une nuit de débauche. Celle de trop. Une chambre de motel, des bouteilles d’alcool, un film porno qui renvoie sa froideur sur l’écran de la télé, des corps anonymes un peu partout…

Ce moment sonne le glas pour Saint-Amand, qui décide de s’éloigner des paradis artificiels. Une rencontre avec une comédienne semble être au départ le signe que la nouvelle avenue empruntée par le jeune homme sera clémente. Ça ne sera pas le cas.

N’allez pas croire que toutes les histoires racontées finissent dans la douleur et le drame shakespearien.

Éric Simard parle de la relation agonisante avec son amoureux. La passion est élimée. Le couple est au bout de la route. Mais un autre homme viendra procurer au protagoniste le courage de mettre fin à cette histoire qui s’éternise pour rien. En plein drame, une « vibration » lui donnera « envie de rire ». Ce texte est l’un des plus beaux du recueil.

Même si la qualité des textes est inégale, que les styles vont de la nouvelle au récit d’autofiction en passant par la poésie, la lecture de cet ouvrage demeure fort intéressante. Elle nous apprend beaucoup sur la nature humaine. Elle nous dit aussi que, contrairement à ce que l’on croit toujours, nous ne sommes pas seuls à vivre une rupture amoureuse.

À leur tour de larguer les amours au FIL

Comme ce fut le cas l’an dernier avec les auteures de Larguer les amours, le Festival international de la littérature (FIL) organise une lecture de quelques textes de la « version masculine », ceux de Christian Bégin, Pierre-Marc Drouin, Steve Gagnon, Alexandre Jardin, Guillaume Lambert, David Leduc, Stanley Péan, Marc Robitaille, Mauricio Segura et Christian Vézina. Les comédiens Denis Bernard, Louis Champagne et Iannicko N’Doua, ainsi que le musicien Jérôme Minière, seront dirigés sur scène par Marika Lhoumeau.

À leur tour de larguer les amours, le 25 septembre, 20 h, au Lion d’or

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.