Opinion  Austérité

Ne pas investir en éducation, un choix politique !

Québec coupe à tout va, mais les dernières élections fédérales nous démontrent que d’autres choix sont possibles

L’éducation est devenue le symbole de la lutte contre les politiques d’austérité. La population n’accepte plus que des écoles ferment pour cause de moisissures ; que les élèves en difficulté soient sacrifiés à l’autel de l’austérité ; que des plafonds de gymnases tombent en décrépitude. Depuis cinq ans, le gouvernement a coupé un milliard dans le réseau de l’éducation. L’école publique mérite mieux, c’est un consensus social au Québec.

Ces politiques d’austérité sont rejetées par une large partie de la population, et de plus en plus d’économistes remettent en question les choix du gouvernement. Selon l’économiste Pierre Fortin, « ce plan du gouvernement aura une incidence négative d’environ 3,5 milliards de dollars sur le PIB du Québec du printemps 2015 à l’été 2016, une fois les effets d’entraînement sur l’économie pris en compte, une amputation de près de 1 % du PIB, soit les deux tiers de la croissance normale d’une année entière ».

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, le reconnaissait lui-même le 15 octobre dernier : « C’est évident que la croissance économique au Québec en 2015 ne sera pas de 2 %. C’était notre prévision lors du budget du mois de mars 2015 pour l’année, et aussi pour 2016, mais nous sommes en train de revoir ces prévisions-là. »

Les mesures d’austérité freinent l’économie et comme conséquence elles entraîneront des compressions supplémentaires.

Dans La Presse du 8 octobre dernier, sous la plume de Denis Lessard, on apprenait que le gouvernement devra couper encore 1,2 milliard, dont 200 millions en éducation, pour équilibrer le budget de l’an prochain.

Les dernières élections fédérales nous démontrent que d’autres choix sont possibles. En effet, le Parti libéral du Canada a été élu en prévoyant des déficits pour les trois prochaines années afin d’investir dans les infrastructures pour relancer l’économie.

L’économiste Paul Krugman, lauréat d’un prix Nobel d’économie, salue l’arrivée à Ottawa d’un gouvernement qui ne prône pas les déficits zéro à tout prix. « Les libéraux ont rejeté le fétichisme des budgets équilibrés et ils ont remporté une grande victoire. C’est un changement positif non seulement pour le Canada, mais aussi pour le reste du monde occidental. »

Mais à Québec, on coupe à tout vent pour atteindre l’équilibre budgétaire afin de combler un déficit créé de toutes pièces. Le gouvernement calcule les sommes versées au Fonds des générations comme une dépense. Selon le site de Finances Québec, en 2014-2015, le solde du fonds était près de 7 milliards et en 2020 il atteindra 20 milliards. Il faut aussi ajouter une provision pour éventualités de 400 millions par année à compter de 2016-2017. En plus, des marges de prudence sont prévues, à la suite des recommandations du vérificateur général, qui atteindraient 2,3 milliards d’ici 2020. Donc, des surplus près de 25 milliards, mais qui sont considérés comme une dépense. Martin Coiteux affirme : « Ce n’est pas parce qu’il va y avoir des moyens de pression que subitement l’argent va apparaître dans les coffres de l’État », alors que l’argent y est déjà. Le gouvernement fait le choix politique de ne pas investir en éducation et d’appauvrir les employés de la fonction publique. On crée un déficit artificiel qui justifie les offres aux employés de l’État : gel des salaires pour les deux premières années et augmentation de 1 % pour les trois années suivantes. Le gouvernement va accentuer l’écart salarial qui ne cesse de se creuser par rapport au secteur privé qui a déjà une rémunération supérieure de 8,3 %, selon l’Institut de la statistique du Québec.

Les enseignants et enseignantes ont fait largement leur part dans les dernières années, et tout ce qu’ils ont récolté c’est une perte de leur pouvoir d’achat de 4,5 % depuis 2004. Un enseignant au Québec, après cinq ans d’expérience, gagne 20 000 $ de moins qu’un enseignant de Toronto. Partout ailleurs au Canada, l’échelle salariale compte dix ou onze échelons avant d’atteindre le salaire maximum, au Québec c’est 17 échelons. Les dernières offres visent à augmenter leur tâche sans augmentation de salaire. Les enseignants méritent mieux. Leurs conditions de travail sont les conditions d’apprentissage des élèves.

M. Blais affirme qu’il serait « maladroit » d’investir maintenant en éducation, démontrant une simple vision comptable et à courte vue, sans regarder l’avenir des jeunes et les coûts sociaux. Nous ne le dirons jamais assez, les dépenses en éducation sont un investissement pour l’ensemble de la société, c’est notre futur à tous. Le gouvernement a les moyens d’investir en éducation et possède la marge de manœuvre nécessaire pour le faire, c’est une question de choix, comme d’investir 1,3 milliard dans Bombardier.

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