Opinion Pascale Navarro

Des femmes, des hommes et des élections

Le 8 mars dernier, Manon Massé exprimait sa pensée sur la prédominance masculine dans les sphères du pouvoir politique. Si l’on connaît un tant soit peu la députée solidaire, on est habitués à sa franchise et à sa transparence.

Elle relatait dans sa lettre ouverte parue dans Le Devoir que les hommes étaient plus nombreux en politique et qu’ils avaient pas mal tout décidé, sauf quand des femmes étaient venues poser sur la table des dossiers qui concernaient les citoyennes. En effet, ce fut le cas, par exemple, pour l’équité salariale ou le patrimoine familial, sujets sur lesquels les gouvernements ont légiféré (Loi sur l’équité salariale, 1996, Loi sur le patrimoine familial, 1989).

La contribution des femmes à la politique

Évidemment, dans ces batailles menées par les femmes depuis que la première députée a été élue en 1961, il a fallu que des confrères adhèrent à leurs propositions. Cela va de soi. Quelque chose me dit pourtant que ça n’est pas toujours passé comme une lettre à la poste, notamment en matière de partage du patrimoine familial, une loi qui a déplu à de nombreux confrères, selon ce qu’ont raconté d’ex-politiciennes.

Quoi qu’il en soit, ce sont bel et bien des femmes politiques qui ont amené dans le Parlement des dossiers qui leur étaient chers, et qui leur ont été transmis, bien souvent, par des femmes de la société civile, que ce soit les causes mentionnées plus haut, ou encore le congé de maternité (qui a mené au Régime québécois d’assurance parentale).

Ça fait peut-être mal à entendre, mais ce ne sont pas les politiciens qui ont décidé d’aborder ces enjeux. Sur ce point, Manon Massé a raison.

Une culture à changer

Quant à son propos sur le « camouflage » du harcèlement sexuel, il fait écho à ce qu’ont révélé des députées et ministres de l’Assemblée nationale dans un sondage de La Presse canadienne publié le 3 décembre dernier. Dans ce sondage, 63 % des femmes interviewées disaient avoir vécu des situations de harcèlement et d’inconduites sexuelles. Les politiciens dissimulent-ils, ou n’ont-ils rien vu ? Tout cela est délicat. Car si l’on a bien compris #moiaussi, piégées dans un rapport de pouvoir, les femmes gardent le silence et n’osent pas porter plainte. Ce sont des faits connus, désormais. C’est donc une culture qui est condamnée par Manon Massé. La façon dont elle a formulé la chose était peut-être maladroite, mais sur le fond, n’a-t-elle pas un peu raison ?

Un peu de recul

On sent l’épiderme des hommes bien sensible en ce moment. Ils sont légion à déplorer que l’on rend « l’homme blanc » coupable de tout, et qu’on met tout sur leur dos.

Voilà le piège dans lequel ils ne doivent pas tomber.

S’il est vrai que c’est le « système » qui favorise depuis toujours les hommes blancs, mais surtout les puissants (et il y a plusieurs femmes dans le lot), ce sont bel et bien des « individus » qui peuvent faire des gestes significatifs et essayer d’élever le débat.

Pourquoi prendre les reproches à un groupe comme une attaque personnelle ?

Reconnaître que le système les a favorisés ne fait pas de tous les hommes blancs des brutes ou des despotes. Juste réaliser que, c’est vrai, ce système a été inéquitable envers les femmes, ne les plonge pas dans l’enfer. Pourquoi avoir si peur de reconnaître la réalité ?

Dépassée, la guerre des sexes

Essayons de voir un peu plus loin, et n’embarquons pas dans cette vieille façon de voir les choses qui me rappelle la guerre des sexes des années 80. Les valeurs d’égalité en termes de classe, de race, de genre, de capacitisme sont partagées par beaucoup d’entre nous, et parfois, cela demande de s’ajuster un peu, et de comprendre les mécanismes d’un système vieux comme le monde.

Nous sommes ailleurs, en 2018. Bien sûr que des hommes ont contribué à l’égalité entre femmes et hommes, mais il serait inexact de dire qu’ils en ont été les principaux instigateurs. Il faut reconnaître aux femmes politiques leur contribution, et admettre aussi que le Parlement a longtemps été un boys’ club. Pourquoi ne pas le faire et passer enfin à l’étape suivante, c’est-à-dire développer une vision politique égalitaire, dans laquelle les femmes auraient autant de poids que leurs confrères ?

Les querelles entre les députés et les partis démontrent en tout cas que la campagne électorale est commencée et que les hostilités sont ouvertes. Mais peut-on espérer un peu de hauteur ?

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