ÉDITORIAL RETARDS D’AIR TRANSAT À OTTAWA

Une charte des voyageurs, au plus vite

Air Transat n’a pas eu de chance à l’aéroport d’Ottawa le 31 juillet dernier. Ses vols en provenance de Rome et de Bruxelles ont subi de multiples contretemps qui ont allongé les délais à répétition, a-t-on appris aux audiences de l’Office des transports, hier à Ottawa.

L’exercice a cependant fait ressortir un autre élément au moins aussi important : le fossé qui existe entre les priorités des passagers et celles du pilote et de l’équipage. Un transporteur doit être capable de faire le pont entre les deux.

« La priorité numéro un, c’est que vos passagers arrivent à destination en sécurité », a insisté le directeur de la sécurité aérienne d’Air Transat, Matthew Jackson, hier matin.

On en convient : la sécurité, c’est essentiel en aéronautique. Du point de vue des passagers, c’est même plus qu’une priorité, c’est un prérequis. S’ils ne faisaient pas confiance aux transporteurs et aux aéroports, ils ne prendraient pas l’avion.

Cela dit, ce n’est pas parce que la sécurité arrive en tête de liste que tout le reste devient secondaire. On s’attend à autre chose d’un service de transport.

Être détourné vers Ottawa parce que des orages empêchent l’atterrissage à Montréal, ça se comprend. Passer entre quatre et six heures confiné dans un avion au sol alors qu’on vient de se taper un long vol depuis l’Europe, ça dépasse l’entendement. Surtout quand la température monte, que la nourriture manque et qu’on n’a aucune idée de la durée de l’épreuve. Et si l’eau et le courant viennent à manquer, il ne faut pas s’étonner qu’un passager ait appelé le 911…

Les deux pilotes impliqués ont vu le fil des événements d’un tout autre œil. À aucun moment ils n’ont eu la moindre indication que l’attente serait aussi longue. Au contraire, chaque nouveau délai était accompagné d’indications les portant à croire qu’il restait seulement 30 ou 45 minutes avant de pouvoir faire le plein pour repartir. Et de leur point de vue, cette attente suivie d’une vingtaine de minutes de vol jusqu’à Montréal était de loin préférable à un débarquement nécessitant plusieurs heures.

Les pilotes l’ont dit et le grand patron d’Air Transat l’a répété : si les délais réels avaient été connus, les décisions auraient été différentes.

À voir la cohue et la confusion qui régnaient ce jour-là à Ottawa (une vingtaine d’avions détournés, dont plusieurs gros porteurs, du jamais vu à cet aéroport), il est évident que la situation était hors du commun. Nous sommes prêts à donner le bénéfice du doute à Transat sur ce point, et à croire qu’en temps normal, ils n’auraient pas laissé les passagers enfermés si longtemps dans leur appareil.

Le malaise, toutefois, demeure. On a l’impression que personne chez Air Transat ne s’est rendu compte de ce que vivaient les passagers. Là où les pilotes se disaient : « Bientôt à Montréal », les passagers pensaient :  « Laissez-nous sortir ! »

Quand les pilotes calculaient : « Débarquement, douane, bagages, autobus à noliser pour Montréal = plusieurs heures d’attente », les passagers voyaient plutôt : « Attendre à l’air climatisé en se déliant les jambes, eau, nourriture, enfants rassurés, nuit d’hôtel ».

Nous parlons des pilotes parce qu’ils détiennent l’autorité à bord, mais c’est du transporteur qu’il s’agit. Sa réaction initiale et sa lenteur à faire un geste (et encore, pour un seul vol) ont renforcé l’impression qu’il considérait ce qui s’était passé comme acceptable. Il aurait difficilement pu être plus éloigné de la réalité des passagers.

Le PDG d’Air Transat, Jean-François Lemay, a souligné l’importance pour les autres parties (aéroports, NAV Canada, services au sol, fournisseurs de carburant) de donner de meilleures prévisions de délais. C’est essentiel, mais un autre élément manque encore : une charte des voyageurs qui impose des normes minimales, non pas seulement en termes de sécurité, mais de bien-être des passagers. Le gouvernement Trudeau doit la faire adopter au plus vite.

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