forum sur l’obésité chez les jeunes

« Les enfants mangent beaucoup trop souvent »

Vers l’âge de 8 ans, Nathan s’est mis à prendre du poids. Cela a ravivé des blessures chez Shawn Page, son père, qui a vécu la même chose dans son enfance. « Soudainement, mes proches me recommandaient de manger moins, se souvient-il. Trouver des vêtements était devenu un défi et les sports à l’école devenaient trop souvent objet de déception. Mes parents, de leur côté, tentaient tant bien que mal de m’aider, sans trop savoir comment résoudre le problème. Il n’était pas question que Nathan vive ce que j’ai vécu. »

Au Québec, l’obésité touche aujourd’hui 15 % des jeunes, alors que 30 % des moins de 18 ans font de l’embonpoint. Un premier Forum scientifique sur la problématique d’obésité chez les jeunes s’est tenu jeudi, à Montréal, afin de réunir les experts et d’offrir des soins efficaces, à l’abri de la stigmatisation.

Intervention nécessaire

Nathan, qui a aujourd’hui 10 ans, est suivi depuis l’automne à la Clinique 180 de Montréal, spécialisée dans le traitement de l’obésité infantile. « J’aime leur approche ciblée, personnalisée », témoigne Shawn Page, rencontré au Forum.

« On a changé quelques habitudes », précise Annie Proteau, sa conjointe. La famille ne met plus de barres tendres dans les boîtes à lunch et a cessé de boire du jus. « Nathan a appris à faire de l’eau savoureuse, infusée avec des fruits », illustre son père. Ce n’est pas facile. « Notre fils est mégagourmand », souligne-t-il. Mais la famille n’est pas seule dans sa démarche.

L’obésité n’est pas sans conséquence, même chez les jeunes. Les enfants obèses peuvent avoir des difficultés respiratoires, un risque accru de fractures, une hypertension artérielle, des premiers marqueurs de maladies cardiovasculaires, une résistance à l’insuline ainsi que des problèmes psychologiques. Pour les aider, « on doit faire un suivi de 25 heures par année », a indiqué la Dre Julie St-Pierre, directrice du Centre d’excellence Fondation des étoiles en obésité infantile, qui a organisé le Forum. Cette tâche ne doit pas revenir qu’aux médecins, mais à une équipe pluridisciplinaire.

Respecter les familles

En plus du travail des professionnels, la collaboration des familles est essentielle – et doit être demandée avec respect. « Pensez-vous vraiment que les gens ne savent pas qu’ils doivent manger cinq portions de fruits et légumes par jour ? », a demandé Anne-Marie Boulais, nutritionniste à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.

« Arrêtons de les étourdir avec nos messages. On oublie l’essentiel, qui est de manger en famille, sans écran. »

— Anne-Marie Boulais

De petits trucs simples peuvent aider, selon Marie Marquis, professeure au département de nutrition de l’Université de Montréal. « Arrêtez d’acheter autant de nourriture, a-t-elle conseillé. Déchirez votre carte Costco. Plus il y en a, plus on en mange. »

Il faut mettre en évidence les aliments qu’on veut que la famille consomme, suggère Mme Marquis. Avoir une cuisine propre et fonctionnelle, pour avoir le goût d’y cuisiner. Et cesser de grignoter en toutes occasions. « Les enfants mangent souvent, certainement beaucoup trop souvent », a-t-elle observé.

Marcher pour aller à l’école

Bouger régulièrement – pendant 60 minutes par jour, pour un enfant – est aussi important. « La façon la plus facile de le faire, c’est par le transport actif », a rappelé Sylvie Bernier, ambassadrice de saines habitudes de vie et titulaire d’une maîtrise de McGill en promotion de la santé.

En 1997, 80 % des déplacements vers l’école primaire se faisaient à pied ou à vélo. En 2009, ce taux avait reculé à 36 %. « Les approches qui modifient l’environnement sont les plus efficaces pour lutter contre le surpoids et l’obésité », a souligné Sylvie Bernier.

Naila Awa Ganda Bachir, 11 ans, a compris qu’elle doit être active, tout en s’amusant. « J’ai commencé à faire plus de sport, comme de la zumba et du vélo », dit en souriant la jeune fille, rencontrée au Forum. Avant, Naila Awa n’aimait pas les sports qu’on l’incitait à faire. « Je n’étais pas motivée », dit-elle.

« Tout est dans l’approche », résume Rekia Hamani Abdou, sa mère. Depuis que sa fille est suivie à la Clinique 180, elle a modifié son menu, en intégrant notamment plus de légumes aux plats. « Toute la famille en bénéficie », souligne-t-elle.

82 % Proportion des Québécois qui considèrent que les parents ne sont pas les seuls responsables de la saine alimentation des jeunes. Cette responsabilité revient aussi aux institutions et établissements (gouvernement, municipalités, écoles et milieux de garde).

Source : sondage Léger, décembre 2015, cité par Sylvie Bernier

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