OPINION DROITS D’AUTEUR

Le recteur Brière a raison

En surréclamant les droits d’auteur et en brandissant la menace d’une poursuite contre l’Université Laval, COPIBEC exagère la portée de ces droits

Dans un communiqué récent, plusieurs auteurs québécois de renom ont critiqué le recteur de l’Université Laval pour sa décision de ne pas renouveler le contrat entre l’Université et COPIBEC (Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction), et même de se défendre dans le cadre d’un litige initié par COPIBEC au nom de ses auteurs. Les auteurs prétendent subir une atteinte à leurs droits d’auteur et déclarent que le recteur Denis Brière devrait agir décemment et payer.

La scène est sans aucun doute orchestrée par COPIBEC pour obtenir le soutien du public pour son litige. Il ne faut pas s’y faire prendre. L’Université Laval agit légalement et éthiquement en défendant ses droits et ceux de ses étudiants et enseignants sous la Loi sur le droit d’auteur. Ce sont plutôt COPIBEC et ses auteurs qui adoptent un comportement problématique en exigeant des redevances pour des droits qu’ils ne détiennent pas. En surréclamant les droits d’auteur et en brandissant la menace d’une poursuite, COPIBEC exagère la portée du droit d’auteur.

Le concept du droit d’auteur n’est pas illimité au Canada. Il ne l’a jamais été. Le droit à « l’utilisation équitable » que l’Université Laval défend est consacré dans la Loi sur le droit d’auteur et sert une variété de fins d’intérêt public, incluant l’éducation, la recherche et l’étude privée. Celles-ci furent aussi caractérisées par la Cour suprême comme des « droits des utilisateurs », ce qui a permis l’application spécifique de l’utilisation équitable dans le contexte de l’éducation primaire et secondaire. Les auteurs ne doivent pas s’attendre à être rémunérés pour ces usages limités.

À travers le Canada, plusieurs universités, collèges et commissions scolaires ont refusé de renouveler des contrats comme ceux proposés par COPIBEC. Ils ont plutôt choisi d’élaborer leurs propres politiques d’utilisation équitable en s’inspirant des pratiques courantes et en négociant des contrats directement avec les détenteurs de droit d’auteur lorsque nécessaire.

L’Université Laval fait preuve de leadership au Québec en s’abstenant de renouveler sa relation contractuelle avec COPIBEC. Cette dernière craint que la composante douteuse de son modèle commercial soit dès lors exposée comme étant sans fondement.

Des limites sur les droits des auteurs sont non seulement légales, mais aussi éthiques. Le droit d’auteur doit assurer la prospérité du processus créatif en équilibrant les droits des auteurs avec le bien collectif.

Protéger le droit d’auteur de façon absolue étoufferait les actes créatifs en empêchant l’utilisation et la diffusion des œuvres.

Une certaine mesure d’emprunt, de reproduction ou d’appropriation a toujours été non seulement tolérée, mais aussi comprise comme étant nécessaire pour le progrès des arts et l’épanouissement de la société.

Un auteur peut s’attendre à une rémunération pour son travail ; les politiques d’utilisation équitable proposées et déjà en place n’y changent rien. Les élèves et les écoles continueront d’acheter des livres, surtout des romans, lorsque ces œuvres font l’objet d’une étude spécifique ou lorsque leur lecture partielle ou complète est obligatoire. Si Life of Pi ou une pièce de Michel Tremblay est sur la liste de lecture d’un cours de l’Université Laval, l’œuvre devra être achetée à plein prix. Les auteurs recevront leurs redevances. Les politiques d’utilisation équitable protègent seulement l’usage d’extraits d’œuvres lorsqu’il est injuste que l’étudiant doive dépenser et que l’auteur s’attende à un rendement.

Le recteur Denis Brière défend en notre nom les attentes légitimes de ses étudiants et de ses enseignants, et défend l’importance de l’éducation, un objectif protégé par la Loi sur le droit d’auteur. Il n’a pas besoin d’une leçon d’éthique ; il en donne une.

À BIEN Y PENSER

Une petite gêne, SVP…

Le ministre Denis Lebel reproche à la FTQ de se servir des cotisations des travailleurs pour promouvoir une campagne anti-conservatrice. À sa place, je serais très gêné. Les conservateurs ont dépensé près d’un milliard en publicité pour promouvoir leurs politiques avec les fonds publics depuis qu’ils sont au pouvoir…

— Pierre Lalande

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