Retour sur un miracle

Vingt-quatre heures après le dramatique accident du Français Romain Grosjean au Grand Prix de Bahreïn, tout le monde était encore sous le choc.

« C’était vraiment impressionnant », a souligné François Dumontier, promoteur du Grand Prix du Canada, qui suivait le Grand Prix de Bahreïn à la télévision quand le Français Romain Grosjean a frôlé la mort.

« J’ai tout de suite compris que c’était grave et ce n’était pas rassurant de voir qu’ils ne montraient pas les reprises de l’accident. Et quand on a vu les images, on a compris qu’il s’agissait vraiment d’un petit miracle.

« Ça m’a ramené à l’accident de [Robert] Kubica à Montréal, en 2007, quand il était parti en tonneau et qu’il avait été sauvé par la cellule de survie de sa voiture. Ç’a encore été le cas dimanche pour Grosjean et ça montre à quel point les efforts de la FIA en matière de sécurité ont porté leurs fruits. »

Le pilote Patrick Carpentier, qui décrivait l’épreuve en direct à RDS, n’a pas caché que l’accident lui avait rappelé de mauvais souvenirs.

« C’est sûr que ça vient brasser de grosses émotions, a-t-il dit en entrevue. Ça m’a rappelé des accidents dans lesquels j’ai été impliqué, d’autres, comme celui de Fontana en 1999, où j’ai perdu mon coéquipier [Greg Moore, quand ils faisaient partie de l’équipe Player’s en série CART]. »

« Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu de tels dégâts : la voiture coupée en deux, le trou dans les rails de sécurité, les flammes... Dans mon souvenir, le dernier incendie de cette gravité était celui de la voiture de Niki Lauda au Nürburgring en 1976. »

— Patrick Carpentier

Alex Tagliani, qui a lui aussi vécu plusieurs situations dramatiques en IndyCar, n’en revenait pas que Grosjean n’ait subi que des blessures superficielles. « Tant de choses auraient pu mal tourner. Ce n’est pas juste un miracle, ce sont plusieurs miracles qui se sont produits !

« La voiture a été stoppée net en une fraction de seconde, le choc a été terrible (53 G), il est resté près de 20 secondes dans un brasier et pourtant, Grosjean n’a pas subi de blessures graves. Il est resté conscient, a réussi à sortir de sa voiture et a pu profiter de la proximité de la voiture et de l’équipe médicale pour être secouru. Il aurait suffi d’un détail qui cloche pour que l’issue soit tragique. »

Des barrières à remplacer

Plusieurs se sont étonnés de la présence de rails de sécurité métalliques à l’endroit où a eu lieu l’accident. Alex Tagliani n’a pas manqué de rappeler que ces rails ont été remplacés sur la plupart des circuits américains par des barrières qui absorbent les chocs de façon beaucoup plus efficace et sécuritaire, avec des résultats très positifs en NASCAR et en IndyCar.

De telles barrières sont aussi utilisées en Formule 1, mais de façon sélective en fonction de la configuration et de la longueur des circuits. François Dumontier souligne qu’après chaque Grand Prix, peu importe qu’il y ait eu des incidents ou pas, la FIA procède à une analyse détaillée de tout le week-end et évalue les choses à améliorer.

« Au Canada, nous procédons régulièrement à des ajustements de nos équipements, explique-t-il. Nous avons d’ailleurs complètement éliminé toutes les barrières métalliques du type de celles que Grosjean a heurtées. Nous avons aussi enlevé tous les pneus, qui n’étaient plus efficaces compte tenu des vitesses atteintes par les voitures d’aujourd’hui. Ils ont été remplacés par des barrières Tecpro plus sécuritaires.

« En principe, tous les circuits doivent effectuer le même processus d’évaluation, et ce sera fait à Bahreïn. Les chances qu’un tel accident se produise à cet endroit du circuit étaient relativement faibles, mais c’est justement impossible de prévoir un accident. Et on a aussi vu des préposés traverser la piste pendant la course et ça, c’est tout à fait inacceptable. »

« La FIA va sûrement procéder à une évaluation très poussée avec les dirigeants du circuit. »

— François Dumontier

La course automobile est un sport dangereux, et c’est impossible de prévoir tout ce qui peut arriver. Malgré tous les progrès qui ont été réalisés en matière de sécurité, la part de risque est toujours bien présente, et cet accident est venu le rappeler.

« On est toujours en questionnement, rappelle François Dumontier. Même si l’accident de Grosjean ne s’est pas produit à Montréal, on va regarder les endroits où ce type d’incident, bien qu’improbable, pourrait se produire et étudier ce qu’on pourrait faire pour améliorer la sécurité du circuit. »

Des images trop choquantes ?

L’Australien Daniel Ricciardo, pilote de l’équipe Renault, a déploré dimanche la couverture « hollywoodienne » de l’accident de Romain Grosjean.

« Je suis dégoûté et déçu de la Formule 1 d’avoir montré ça comme ils l’ont fait, en passant en boucle les images de l’incendie, de la voiture coupée en deux... Quel besoin de voir ça ? On reprend la course dans une heure, sa famille doit voir ça, nos familles doivent voir ça... »

Patrick Carpentier n’est pas de cet avis.

« Il y a un protocole très rigoureux, et les images n’ont été diffusées que plusieurs minutes après l’accident, quand on a eu l’assurance que Grosjean était hors de danger, a-t-il rappelé. Je ne pense pas que notre couverture ait été déplacée, bien au contraire.

« En fait, je crois que Ricciardo a simplement été surpris de voir les images de l’accident après avoir passé plusieurs minutes dans sa voiture sans trop savoir ce qui s’était passé. »

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