OPINION

Le Parti conservateur, les francophones et le pouvoir

Il est intéressant de se tourner vers ce que nous enseigne notre histoire sur nos comportements électoraux

En politique comme dans le sport, les statistiques appartiennent au passé et sont faites pour être battues. Toutefois, elles ont la faculté de nous aider à comprendre des tendances, des situations ou des comportements.

Le Parti conservateur vit un moment important de son histoire avec une course à la direction. Remplacer Stephen Harper sera un grand défi.

L’adversaire politique principal, le premier ministre Justin Trudeau, est encore très populaire. Le remplacer en 2019 est loin d’être chose faite.

Justin Trudeau est un Québécois né à Ottawa. De quelle province sera le chef conservateur ?

Au cœur de la course conservatrice et en prévision des prochaines élections fédérales, il est intéressant de se tourner vers ce que nous enseigne notre histoire sur nos comportements électoraux.

Les résultats au Québec seulement, nonobstant qui a formé le gouvernement canadien, de toutes les élections fédérales au cours desquelles les libéraux ou les conservateurs avaient un chef du Québec, sont loquaces.

Lors de 18 élections générales dans l’histoire du Canada, les libéraux ont eu un chef du Québec alors que le chef conservateur provenait d’ailleurs. Jamais les conservateurs n’ont eu plus de sièges que les libéraux dans notre province lors de ces 18 rendez-vous. Les conservateurs n’ont franchi la barre des 20 sièges qu’à deux reprises. À dix occasions, les conservateurs ont élu cinq députés ou moins, dont trois fois, n’auront-ils fait élire qu’une seule personne au Parlement. À l’opposé, les libéraux ont eu plus de 50 sièges au Québec à 11 reprises. Encore plus impressionnant, lors de 7 de ces élections, les libéraux auront obtenu au moins 60 sièges au Québec, dont 74 avec Pierre Elliott Trudeau en 1980.

En contrepartie, la situation inverse s’est produite en 1984 et 1988, alors que Brian Mulroney dirigeait les conservateurs et que les libéraux avaient un chef non québécois. Lors de ces élections, les bleus ont fait élire 58 et 63 députés contre 17 et 12 pour les rouges.

Une seule fois aurons-nous eu une confrontation de deux chefs du Québec à la tête des libéraux et des conservateurs.

C’était en 1997, alors que Jean Chrétien et Jean Charest ont croisé le fer. Les libéraux ont eu 23 sièges contre 5 pour les conservateurs. Il faut noter que le Bloc québécois était fort et avait obtenu 44 sièges. Également, les conservateurs étaient divisés en deux partis. Il serait donc sage de prendre ces résultats avec un grain de sel.

Des conclusions claires

Les conclusions qui se dégagent de ce survol historique sont claires. Lorsque les libéraux ont un chef du Québec, c’est difficile pour les conservateurs de se démarquer en sol québécois. Par contre, quand ce sont les conservateurs qui ont un chef québécois, ils peuvent réussir à balayer le Québec.

Nous pouvons également affirmer que les Québécois n’ont pas eu à trancher un duel entre deux chefs du Québec, à la tête des rouges et des bleus pouvant véritablement former le gouvernement. La présence d’un Bloc fort et du Parti réformiste diminuaient grandement les chances réelles de Jean Charest.

Une analyse plus en profondeur des résultats tend à démontrer que les Québécois ont un penchant plus naturel pour les libéraux, mais ces derniers ont eu plus souvent un chef en provenance du Québec.

Alors, est-ce que la racine de ce comportement électoral est le parti, l’origine du chef ou les deux ?

Une chose est certaine : dans une perspective uniquement québécoise, si les conservateurs choisissent un chef qui ne sera pas considéré comme un des leurs par les Québécois, l’histoire démontre qu’avec Justin Trudeau devant eux, ils s’apprêtent à traverser le désert. Toutefois, si le prochain chef connecte avec les Québécois, tout est possible.

* L’auteur a été chef de cabinet de l’ancien ministre conservateur et lieutenant politique au Québec Denis Lebel, et appuie Maxime Bernier.

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