Crois et tais-toi !

Le théâtre de Dieu
France Théoret
Leméac
91 pages
Quatre étoiles

Dans un court roman aux forts accents biographiques, France Théoret nous entraîne dans le cerveau d’une jeune fille/femme qui étouffe et se noie, presque, dans les eaux sombres d’un catholicisme aux forceps acérés. 

Le personnage central du récit commence par nous dire qu’elle éprouve une « honte viscérale » envers sa jeunesse. Ceci explique cela. Dans son parcours d’enfant pauvre à future institutrice, elle empruntera les chemins tortueux de la foi, en croyant, à tort, que cela lui permettra de répondre aux doutes existentiels qui la troublent souvent.

Dans ce Théâtre de Dieu, la narratrice est surtout figurante. Elle se débrouille tant bien que mal avec ses désirs d’absolu face à une religion d’hommes en robe. La foi qui est tour à tour bouée d’espoir et poids tirant vers le fond.

Nombreux, touffus, ses raisonnements et ses questionnements constants forment le fil de ce récit et le tissu de pratiquement chaque phrase : angoisses, contradictions, fuite vers l’avant, regrets du passé, récent ou plus lointain. L’esprit rebelle de la narratrice existe et résiste autant qu’il peut, même s’il est étouffé par la bienséance, les conventions et le conservatisme d’une époque à l’eau bénite. 

FLEURIR, SURVIVRE

Le théâtre de Dieu, c’est aussi, le lecteur le ressent plus que la narratrice ne l’affirme, la venue au monde d’un esprit qui s’affranchit peu à peu. Le creuset, pourrait-on dire, dans lequel un féminisme raisonné, lucide et fort se crée. 

La réflexion de l’autrice de Bloody Mary est à la fois sombre et lumineuse. Nous tenons la main d’un esprit en mouvement ému et lucide, furieux et libre, sincère et brillant. Malgré les portes qui se referment constamment sur elle, cette femme résolue fleurira et survivra. Envers et contre tous.

Le théâtre de Dieu, c’est une histoire de prison qui sent le renfermé, voire le moisi parfois, mais c’est aussi un récit d’évasion. Celle de la victoire de l’intelligence sur le sectarisme et les conservatismes qui ont forgé le Québec pendant si longtemps.

EXTRAIT

« Le bonheur n’existe pas. Soit. Je dédaignais le bonheur. Je cherchais mieux. Certainement une orientation au futur. Le Livre ancien, par son ascétisme, son dépouillement, ne m’effrayait pas. Bien au contraire. La dureté pouvait ou devait obligatoirement être garante d’une sincérité. La radicalité du propos me glaçait. Je lisais : “La douleur est le fond de la vie humaine.” Cette idée m’avait effleurée bien des fois. Je ne voulais pas y croire. C’était aussi le sens profond, informulé, inconscient de ce que j’entendais chez les croyants et leurs représentants. »

La cruauté des dieux

Mykonos
Olga Duhamel-Noyer
Héliotrope
114 pages
Quatre étoiles

Ils sont, le temps de leur premier voyage dans l’île grecque de Mykonos, de jeunes dieux à qui tout est permis, au centre de toutes les convoitises. Pavel et ses amis boivent, font la fête, séduisent, sont séduits et ignorent les dangers – car quand on est jeune, on est immortel, c’est bien connu. Mais un drame, causé par l’enchaînement des désirs, et de la méconnaissance de soi pourrait-on ajouter, point à l’horizon, brillamment tissé par l’écriture précise et sans affects d’Olga Duhamel-Noyer. Elle décrit parfaitement bien ce peuple apatride que sont les touristes, qui dénaturent souvent les lieux où ils s’agglutinent. Et ses personnages ont cette tragique légèreté rappelant les héroïnes de Françoise Sagan.

— Chantal Guy, La Presse

Édulcorant

Reine de miel
Simon Paradis
347 pages
Marchand de feuilles
Trois étoiles

C’est un premier roman intéressant que nous livre Simon Paradis sur les abeilles et la culture du miel. Connaisseur en la matière, sa famille étant dans l’apicultrice depuis des générations, l’auteur crée un suspense autour d’un meurtre étrange. D’un style soigné, le néo-romancier nous en apprend beaucoup au sujet de l’histoire de l’apiculture en Amérique et en Europe, les méthodes d’élevage, l’intelligence des abeilles, les obsessions de certains apiculteurs… Au fil des pages, toutefois, de trop nombreux détails et des éléments narratifs répétitifs diluent quelque peu le récit. Et la fin en dard d’abeille nous laisse, c’est le cas de le dire, sur notre faim.

— Mario Cloutier, La Presse

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