Propriété intellectuelle

Fierté et sourires

Qu’est-ce qu’ils en pensent ?

Trois réactions à Montréal, une à Oslo

MICHEL DALLAIRE

Créateur du BIXI, le designer Michel Dallaire voit chez le ShareBike une parenté indiscutable.

« C’est le même ADN, avec la volonté de contourner l’enregistrement de dessin industriel », constate-t-il.

Mais loin de s’en offusquer, il est flatté. « On a 50 000 BIXI qui roulent sur trois continents. Forcément, ils s’approchent de l’esthétique qui est devenue un standard, à mon grand plaisir. »

À l’aube de sa carrière, il avait étudié en Suède, un des berceaux du design industriel épuré et fonctionnel. « Ça m’a fait un petit velours de voir qu’un Québécois pouvait influencer un Scandinave ! » Heureux retour des choses…

« Moi, ça me fait plaisir d’être copié, parce que ça prouve à mes clients qu’ils ont bien fait de m’engager, ajoute-t-il avec son rire caractéristique. Ça prouve qu’on avait fait le bon design ! »

ALAIN AYOTTE

Maintenant président fondateur de Bewegen, fabricant québécois de vélos électriques en libre-service, Alain Ayotte avait tenu à l’origine le guidon du projet BIXI, à la tête de la Société de vélo en libre-service.

Quoiqu’il ne soit pas un spécialiste en contrefaçon, prévient-il, il ne voit pas ici matière à réclamation.

« Les avocats, à l’époque, m’avaient expliqué que pour qu’il y ait contrefaçon de dessin industriel, il faut que, dans le public, il puisse y avoir méprise potentielle, indique-t-il. On va mettre les deux vélos un à côté de l’autre et on va demander : “Est-ce que vous pourriez les confondre ?” »

Ce n’est pas parce qu’il y a ressemblance qu’il y a violation de dessin industriel.

« Et dans ce cas-là, je ne vois pas vraiment de méprise. Le cadre n’est pas pareil. Il n’y a pas le style boomerang que Michel avait développé. »

LUC SABBATINI

Luc Sabbatini, chef de la direction de PBSC Solutions Urbaines, n’est pas ému outre mesure.

Son entreprise est propriétaire des brevets et dessins industriels pour le vélo et son système d’exploitation.

« Pour le vélo et l’ensemble du système, je crois qu’on a 125 brevets dans 45 pays. Celui-là lui ressemble, mais il y a plusieurs éléments qui ne lui ressemblent pas. C’est toujours une inspiration, mais ce n’est jamais la même qualité ou les mêmes avantages que ceux que BIXI procure. On regarde ça avec un petit sourire ! »

Il ne nourrit pas d’inquiétude pour les marchés concurrents.

« Pour nous, ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas le seul manufacturier de vélopartage qui s’inspire fortement du vélo BIXI. Plusieurs compagnies le font. Nous, on prend ça comme un compliment. »

Il refuse de donner des exemples d’imitations – l’expression la plus achevée de l’admiration, comme chacun sait.

« Je ne veux pas leur faire de publicité. Je pourrais vous en nommer quelques-unes, mais honnêtement, ça ne nous empêche pas de dormir, on regarde ça avec le sourire. »

LA RÉPONSE DES DESIGNERS NORVÉGIENS

On peut penser que, comme toute firme de design industriel qui lance un nouveau projet, Frost Produkt a fait le survol des produits existants avant d’entreprendre la phase de conception.

On peut également croire que l’architecture très marquée du BIXI, tout comme sa prééminence sur le marché international, a pu exercer une certaine influence – sans qu’on puisse pour autant parler de copie franche et nette.

C’est ce qu’on pourrait appeler l’attraction du précurseur.

« Nous sommes flattés que vous pensiez que nous avons été inspirés par le vélo BIXI, qui est un excellent design », répond Sondre Frost Urstad, de la firme de design norvégienne Frost Produkt AS.

La firme norvégienne avait conçu en 2002 le vélo SmartBike, pour l’exploitant Clear Channel Outdoor.

« Le vélo BIXI n’a pas été une source d’inspiration intentionnelle, ajoute-t-il, mais il y a évidemment plusieurs similarités, comme c’est le cas avec la plupart des vélos spécialement conçus pour le vélopartage. »

Parmi ces caractéristiques communes, il relève : 

Un cadre surbaissé qui facilite l’accès, pour les hommes et les femmes, sans égard à la taille ou aux vêtements ;

Un tube oblique, unique et robuste, dont la forme distingue le vélo en libre-service des vélos ordinaires ;

Un panier fixé au guidon avant pour le transport des objets ;

Un garde-boue qui couvre la partie supérieure de la roue arrière, pour accueillir une identification ou de la publicité.

« Ces éléments sont des caractéristiques fonctionnelles ou de design qui sont apparues plusieurs années avant que le BIXI arrive sur le marché, soutient Sondre Frost Urstad. Le panier avant a été introduit pour la première fois avec notre SmartBike et est devenu une caractéristique standard des vélos partagés. »

Le modèle ShareBike, qui nous occupe ici, a été conçu en 2010 et raffiné depuis, dit-il.

« La seule caractéristique qui n’est pas mentionnée plus haut, mais qu’on retrouve à la fois sur le BIXI et le ShareBike, est le coude sur les haubans. Cet élément est néanmoins assez commun sur de nombreux modèles de vélos ordinaires, conçus avant et après le BIXI. »

Il rappelle en outre que le ShareBike roule sur des roues de 24 po, alors que le BIXI est monté sur 26 po.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.