Propriété intellectuelle

Un dessin vaut mille mots

Deux experts en propriété intellectuelle expliquent le dessin industriel en 8 questions et 660 mots (soit les deux tiers d’un dessin).

Qu’est-ce qu’un dessin industriel ?

« Un enregistrement de dessin industriel est un type de droit qui protège les caractéristiques visuelles d’un objet : une configuration, des motifs, les éléments décoratifs – en d’autres mots, le look d’un objet », résume Dominic Goudreault, associé et agent de brevets chez BCF.

« Les éléments essentiels d’un enregistrement de dessin industriel sont les dessins ou les photos. »

Quelle est la différence avec un brevet ?

Une nouvelle manière d’arracher les pissenlits ? Elle sera protégée par un brevet. Une jolie pince pour servir la salade de pissenlits résultant de la précédente invention ? On enregistrera sa forme avec un dessin industriel.

« Le brevet protège la structure, l’utilité et/ou la fonction d’une invention », résume Dominic Goudreault. Il rappelle que la protection d’un dessin industriel ou d’un brevet est territoriale : elle ne s’étend qu’aux pays dans lesquels ils ont été déposés.

Quels sont les avantages du dessin industriel ?

« C’est une protection assez simple à préparer et à déposer, note Dominic Goudreault. Obtenir la protection se fait dans un délai assez court. Ce n’est pas dispendieux par rapport à un brevet. »

Cependant, la période de protection est plus courte. « On parle de 10 ans à partir de la date d’enregistrement au Canada. Pour un brevet au Canada, la protection est de 20 ans à partir de la date de dépôt. »

Quelle est la protection accordée ?

La Loi sur les dessins industriels interdit, pendant l’existence du droit exclusif, de reprendre sur un objet non autorisé le dessin qui a été enregistré, « ou un dessin ne différant pas de façon importante de celui-ci ».

« Ne différant pas de façon importante, c’est flou », indique Pascal Lauzon, associé, avocat et agent de marque chez BCF.

Il y a largement place à interprétation. « Un jugement ne viendra pas tracer la ligne spécifiquement. Il va dire : “il y a violation, ou il n’y en a pas”. »

Est-ce une protection solide ?

« Plus c’est original au départ, plus forte sera la protection intellectuelle par dessin industriel », expose Dominic Goudreault.

« Même si la portée purement juridique peut être limitée, ça peut être un outil très intéressant, justement à cause de l’ambiguïté de la portée de la protection », souligne pour sa part Pascal Lauzon.

Cette incertitude pourra « dissuader des concurrents, ou du moins les convaincre d’effectuer certaines modifications pour que le public soit vraiment en mesure de clairement distinguer les deux produits ».

Comment reconnaît-on la contrefaçon en dessin industriel ?

Le test juridique se fait en quatre étapes.

- Vérifier l’art antérieur : est-ce qu’un produit semblable existait déjà avant l’enregistrement du dessin ?

- Établir les parties purement fonctionnelles de l’objet protégé.

- Analyser la nature et la portée de la protection accordée par le dessin industriel.

- « Il faut ensuite comparer et voir si on estime que les éléments originaux non fonctionnels sont repris dans l’objet dont on allègue avoir violé le dessin industriel », complète Pascal Lauzon.

Comment les litiges se règlent-ils ?

Il est très rare qu’un litige se rende en cour, ce qui explique la minceur de la jurisprudence en ce domaine. « D’expérience, dans les dossiers de violation alléguée de dessin industriel que j’ai eus, tant en demande qu’en défense, ça s’est presque toujours réglé assez rapidement par quelques modifications de consentement », constate Pascal Lauzon.

Que pouvez-vous nous dire à propos des ressemblances entre le ShareBike et le BIXI ?

« Ce n’est pas identique, il y a des différences, et il s’agirait de voir à quel point ces différences pèseraient dans la balance pour éviter ou non la confusion », répond Dominic Goudreault.

Mais cette balance semble déjà pencher. « Je pense qu’on conclurait : “ça ressemble à BIXI, mais clairement, ce n’est pas BIXI” », souligne Pascal Lauzon.

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