Portfolio Transfert d’entreprise

Pénurie de main-d’œuvre
La tendance est aux « repreneurs hybrides »

Ce n’est plus un secret, plus de 40 % des entrepreneurs canadiens quitteront leur entreprise pour prendre leur retraite dans les cinq prochaines années, selon la Banque de développement du Canada (BDC). Les transferts d’entreprises doivent donc se réaliser sans plus tarder. Mais il y a des défis à relever. Vincent Lecorne, président-directeur général du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ), en présente trois.

Déjouer la pénurie de main-d’œuvre

Alors que le Québec a pratiquement atteint le plein emploi, les travailleurs peuvent magasiner des postes qui les satisfont réellement, ou simplement se laisser tenter par des offres alléchantes. Dans ce contexte, les gens qui ont la fibre entrepreneuriale oseront-ils prendre la relève d’une entreprise ?

« Avoir un bon emploi en freine certains », indique d’emblée Vincent Lecorne.

Mais on voit actuellement le phénomène de l’entrepreneur hybride qui garde son emploi tout en se lançant en affaires avec des partenaires. 

On peut aussi maintenant parler des repreneurs hybrides. « On commence aussi à voir cette tendance dans le transfert d’entreprise, précise M. Lecorne. Les gens s’associent, se partagent les responsabilités et le risque financier de façon à s’assurer une situation confortable. »

La pénurie de main-d’œuvre peut aussi être un frein au transfert.

« L’acheteur n’achète pas seulement des résultats, il achète une équipe. Une entreprise qui a de la difficulté à recruter des employés pourrait causer un problème lors de la diligence raisonnable et influencer la décision d’achat. Les entreprises doivent faire attention à cet enjeu. »

— Vincent Lecorne

Faire du transfert une priorité

Un grand défi du long processus de transfert d’entreprise est d’en faire une priorité du quotidien.

« Il y a plusieurs étapes à réaliser et c’est très difficile de compléter un transfert d’entreprise en moins de deux ans ; typiquement, un cas de relève familiale se concrétise en huit ou dix ans », affirme Vincent Lecorne.

Pour aider les entrepreneurs à passer à l’action, le CTEQ lance l'hiver prochain sa première cohorte montréalaise d’accompagnement en transfert d’entreprise avec des professionnels du Groupe Trigone, de l’Université de Montréal, de Cain Lamarre et de Deloitte. Deux cohortes de cédants et de repreneurs ont déjà traversé le processus de 18 mois au Saguenay.

« Nous amenons les équipes à traverser rapidement toutes les étapes du transfert grâce à des professionnels des domaines juridique, comptable, fiscal et managérial, énumère M. Lecorne. Cela demande une grande implication, car en plus des journées de formation et du coaching, ils ont des devoirs à faire. Ils doivent faire du transfert une priorité. »

Désamorcer la crise identitaire du cédant

Pour réaliser avec succès le transfert d’une entreprise, il ne faut pas négliger le volet psychologique du cédant.

« Il y a une crise identitaire à prévoir parce qu’il se prépare à changer de fonction au sein de l’entreprise où il a, dans plusieurs cas, passé sa vie, indique M. Lecorne. Il doit faire de la place à la relève. »

Ce volet psychologique sera d’ailleurs une nouveauté dans le programme d’accompagnement de Montréal grâce à l’expertise de Roxane de la Sablonnière, professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal.

Le cédant voudra-t-il continuer à jouer un rôle dans l’entreprise ?

« Il doit y réfléchir avec ses proches et en discuter concrètement avec la relève, explique M. Lecorne. Il peut aussi décider de s’impliquer dans des organismes dont la mission lui tient à cœur. Les cédants se retrouvent soudainement avec beaucoup de temps et d’argent. Ils doivent penser à ce qu’ils feront de tout ça. Ils ont la chance de pouvoir faire le bien autour d’eux. »

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