Concours Héros – La grande rédaction

Fast food intellectuel pour extrémistes

Depuis maintenant trois ans, la Fédération autonome de l’enseignement décerne un prix à trois jeunes du secondaire pour avoir rédigé les meilleures lettres d’opinion, dans le cadre de son concours Héros – La grande rédaction. La lauréate 2019 du prix offert par La Presse+ et sélectionnée par un jury organisé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Sofiya Kyrylchenko termine en juin prochain, ses études secondaires à l’École secondaire d’Anjou à Montréal.

Après les attentats du 11-Septembre, le message véhiculé par certains médias était que l’islam est une religion dangereuse.

L’amalgame fait entre des terroristes scandant « Allahu Akbar » et le peuple musulman a contribué à alimenter une peur grandissante en Occident.

La désinformation qu’on peut lire ou entendre sur les réseaux sociaux, en faisant la promotion des idées nationalistes, alimente la xénophobie. C’est pourquoi il faut se questionner : comment les fausses nouvelles contribuent-elles à la montée de l’islamophobie ?

Malheureusement, nous pouvons établir un lien entre ces idées et les attentats ayant pour cible la communauté musulmane d’ici et d’ailleurs.

Dans un premier temps, soulevons la question du « mythe du génocide blanc ». Des professeurs de l’Université de la Californie ont démontré qu’il s’agit en fait d’une théorie du complot. Cette théorie est fondée sur la croyance qui considère que l’immigration et le métissage sont des menaces cherchant à réduire, voire à éliminer la population blanche dans les pays où elle est majoritaire. Cette idée a été adoptée par des suprémacistes blancs, comme David Lane, cofondateur du groupe The Order impliqué dans l’assassinat d’Alan Berg, un animateur de radio juif.

David Lane proclamait qu’être antiraciste équivaut à être anti-Blancs. Cette idéologie témoigne de la peur de la perte de sa propre culture au profit d’une autre.

Par exemple, Fox News, une chaîne d’information américaine de droite, contribue à alimenter la haine de l’étranger en faisant état de statistiques qui tendent à démontrer que la crainte qu’ont les Blancs de perdre leur dominance culturelle est justifiée.

Bissonnette, Tarrant et Breivik

Au Québec, la propagande islamophobe circulant librement sur les réseaux sociaux n’est-elle pas en partie responsable de l’attentat perpétré par le jeune Alexandre Bissonnette qui, après s’être introduit dans une mosquée, a fait six victimes ? Donald Trump et son enthousiasme face à la fermeture des frontières pour les musulmans, n’a-t-il pas contribué à cet acte d’une violence extrême ?

Les actions de Bissonnette ont résonné dans le cœur d’autres nationalistes à travers le monde dont Brenton Tarrant, responsable de la mort de 51 musulmans néo-zélandais. Tarrant a présenté ses convictions dans un manifeste : les musulmans sont des envahisseurs dont il faut se débarrasser. Il a également déclaré son admiration pour le président des États-Unis, le présentant comme « un symbole de l’identité blanche renouvelée ». Outre Bissonnette, Tarrant s’est inspiré d’Anders Breivik, qui a tué près de 80 personnes en Norvège au nom d’une idéologie anti-immigration et qui a lancé un appel à la déportation des musulmans d’Europe. La propagation de matériel d’extrême droite et la désinformation permettent à des sentiments islamophobes de croître et, par conséquent, de faire beaucoup de mal.

Ces tragédies démontrent que les sentiments haineux dirigés vers les musulmans qui circulent librement sur les réseaux sociaux peuvent constituer des outils dangereux. Ces réseaux doivent essayer de limiter la propagation de fausses nouvelles ou d’idées extrémistes. Les médias traditionnels ont le devoir d’informer afin de contrer les effets de la désinformation. Par contre, nous ne pouvons pas censurer le contenu de peur d’influencer un autre Alexandre Bissonnette, car il y aura toujours des gens qui se contenteront de consommer du fast food intellectuel.

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