Chronique

Elle lutte contre le cancer… et son assureur

Quand Louise a contracté une assurance maladies graves, il y a six ans, elle ne pensait jamais avoir à faire une réclamation aussi vite. Mais en avril dernier, la femme de 55 ans a reçu un diagnostic impitoyable : cancer du pancréas inopérable.

« Ils me disent qu’il me reste probablement moins d’une année à vivre », explique Louise*, qui n’a plus la force de travailler. Comme ses prestations d’assurance-emploi achèvent, la dame qui vit seule se retrouve sans revenus.

Le montant de 50 000 $ de sa police d’assurance serait salutaire. Mais pour ajouter à son cauchemar, l’assureur refuse de l’indemniser.

Lorsqu’il a appris que Louise était malade, l’assureur s’est mis à gratter les documents remplis en 2012 et à lui poser de nouvelles questions sur ses antécédents familiaux pour trouver des « bibittes ».

Maintenant que Louise est faible et sans ressources, l’assureur remet en question la police d’assurance pour laquelle elle a versé des primes totalisant 8500 $ depuis six ans.

Voilà exactement le genre de comportement qui dégoûte les consommateurs du monde de l’assurance.

Mais Louise a une détermination hors du commun, malgré la maladie qui la mine. Elle est prête à se battre jusqu’au bout, non seulement pour elle, mais aussi pour toutes les personnes qui ont contracté une assurance et qui se retrouvent prises en otages par une compagnie d’assurances sans scrupule qui leur tire le tapis sous les pieds au moment où elles sont le plus vulnérables.

« Je trouve ça aberrant que des assureurs ne respectent pas leurs engagements », s’indigne-t-elle.

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Voyant qu’elle n’allait pas se laisser faire, l’assureur a rapidement offert à sa cliente de couper la poire en deux. Mais cette proposition a insulté Louise encore plus, car elle reste convaincue qu’elle a droit à la pleine somme.

De son côté, l’assureur prétend qu’elle n’a pas divulgué une information importante lorsqu’elle a répondu au questionnaire médical avant d’obtenir son assurance. Avoir su, il aurait ajusté le prix de la police.

En fait, une des questions du long formulaire lui demandait si des membres de sa famille avaient déjà été atteints d’un certain nombre de maladies, comme le cancer. Louise a répondu oui, puisque sa mère, qui est toujours vivante, avait eu deux cancers 25 ans auparavant.

La question suivante demandait davantage de précisions. Louise a nommé une autre maladie dont ses parents avaient souffert, mais qui ne figurait pas sur la liste des maladies énumérées à la question précédente.

C’est là qu’elle s’est fait avoir ! En fait, l’assureur voulait avoir plus de détails sur les maladies énumérées à la première question, y compris le cancer.

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Mais Louise assure qu’elle a répondu de son mieux. D’ailleurs, ce n’est même pas elle qui a rempli le formulaire, mais plutôt la représentante qui lui posait les questions, comme c’est souvent le cas.

Dans ce cas, son simple témoignage est admissible pour s’opposer au contenu écrit du document, explique Maurice Charbonneau, avocat spécialisé en assurances.

Normalement, il est très difficile de contredire des informations qui sont écrites dans un contrat. Mais en matière d’assurance, l’article 2413 du Code civil du Québec prévoit que la parole du client suffit à démontrer que les déclarations inscrites ou suggérées par le représentant d’assurance ne correspondent pas à ce que l’assuré a effectivement déclaré.

Par-dessus le marché, l’article 2424 du Code civil prévoit que l’assureur n’a pas le droit d’annuler ou de réduire la couverture d’assurance deux ans après la signature de la police, sauf en cas de fraude.

« Mais l’assureur a un fardeau de preuve important. Il doit établir l’intention frauduleuse, démontrer un mensonge très clair », explique M. Charbonneau.

Évidemment, Louise est loin d’être une fraudeuse. Elle a simplement été mal guidée par la représentante et par les questions alambiquées de l’assureur.

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C’est finalement un coup de fil à l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui a fait débloquer le dossier de Louise.

L’AMF offre un service méconnu de résolution des conflits, sans frais. « On obtient souvent des résultats positifs, même si nous n’avons pas de pouvoir coercitif », affirme le porte-parole de l’Autorité, Sylvain Théberge.

Alors, si vous avez un litige avec une institution financière, appelez ! L’AMF va essayer de s’asseoir et de trouver un terrain d’entente avec l’institution financière. C’est une solution de rechange à l’Ombudsman des assurances de personnes, qui offre aussi un service de règlement gratuit.

À la suite de l’intervention de l’AMF, l’assureur a fait une nouvelle proposition à sa cliente. « Ce n’est pas complet. Mais j’étais épuisée de me battre, alors j’ai accepté de lâcher prise, sinon c’est moi qui en souffre. C’est réglé », conclut la femme qui a reçu son chèque au début de la semaine.

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Si vous ne voulez pas avoir à vous battre comme elle, jetez un coup d’œil à vos polices d’assurance. Validez les déclarations que vous avez peut-être faites à la va-vite. Si vous constatez que certaines informations sont attaquables, il n’est jamais trop tard pour faire des ajustements.

Autrement, ce sont vos héritiers qui seront pris avec les problèmes et vous ne serez plus là pour témoigner. Rappelez-vous que plus on divulgue d’informations à l’assureur, plus notre contrat est blindé.

Mais les assureurs, eux aussi, devraient être plus transparents.

Quand des histoires pathétiques comme celle de Louise font surface, c’est toute l’industrie qui en souffre, alors que certains acteurs ont de meilleures pratiques que d’autres.

Pourquoi ne pas obliger les assureurs à divulguer leur pourcentage de refus de réclamation ? Si les clients avaient accès à cette précieuse information, ils pourraient faire un choix plus éclairé. Et cela forcerait l’industrie à s’améliorer d’elle-même.

* Le prénom de Louise a été modifié, car l’entente négociée par l’AMF prévoit qu’elle ne doit pas faire de commentaires aux médias ni divulguer le nom de l’assureur.

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