Surplus d'électricité

Comment jeter 500 millions à la poubelle

C’est à n’y rien comprendre. Le gouvernement Couillard vient de relancer les projets de minicentrales hydroélectriques, alors que le Québec a d’énormes surplus d’énergie pour plusieurs années qui coûtent une fortune aux Québécois.

Dans son budget de juin dernier, le gouvernement a officialisé la relance de six projets de minicentrales, qui seront construites sur de petites rivières en région. Globalement, ces centrales produiront au cours des prochaines années 0,41 térawattheure (TWh), soit assez d’énergie pour alimenter 16 000 maisons.

Hydro-Québec devra obligatoirement acheter cette énergie, même si elle n’en a pas besoin. Et le prix ne sera pas renégocié, puisque selon le budget, les contrats annulés par l’ex-ministre péquiste Martine Ouellet, basés sur le contexte de 2009, sont tout simplement réactivés.

Selon ces contrats, cette énergie coûtera 8,9 cents le kilowattheure en 2016, soit bien davantage que ce qu’Hydro-Québec Distribution paie pour l’énergie de ses grandes centrales, qu’on appelle le bloc patrimonial (2,89 cents le kilowattheure en 2016).

De plus, le prix de 8,9 cents est indexé à 2,5 % par année pendant 20 ans, un taux nettement supérieur à l’inflation des dernières années au Québec (moyenne de 1,9 % depuis 2008).

En somme, Hydro devra verser environ 36 millions de dollars par année pour acheter cette énergie, soit 502 millions d’ici 2027, moment où les surplus deviendront progressivement moins dramatiques. Et qui paiera la facture ? Les consommateurs québécois, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises.

En effet, Hydro-Québec Distribution refile cette facture aux consommateurs en vertu du mécanisme de fixation des tarifs de la Régie de l’énergie. Ces 36 millions par année indexés à 2,5 % sont donc l’équivalent d’une hausse d’impôts. Cet argent ne servira pas à réduire notre déficit ou à réparer nos routes. Il sera versé aux promoteurs des projets.

Certes, ces promoteurs sont des municipalités, des Autochtones ou des communautés locales. Mais dans le contexte prévisible des prochaines années, de tels projets ne sont pas économiquement justifiables.

DES DÉCISIONS QUI ÉTONNENT

Certains jugent que la puissance des minicentrales aidera Hydro-Québec à combler une partie de ses problèmes de pointe d’hiver. Or, l’expert en énergie Jean-François Blain fait valoir que ce ne sera pas le cas. Au Québec, les périodes de pointe surviennent par très grands froids, moment où les minicentrales ne produisent qu’à 10 % de leur capacité, dit-il, en raison du gel des rivières.

Précisons que la facture annuelle des minicentrales que devront assumer les Québécois s’ajoute à celle de près de 1 milliard pour les éoliennes et autres productions alternatives imposées à Hydro-Québec Distribution par les gouvernements libéraux et péquistes au cours des dernières années.

À ce sujet, d’ailleurs, Hydro-Québec Distribution sera appelée à signer un nouveau contrat avec des éoliennes prochainement, pour une quantité d’énergie d’environ 1,3 TWh. Voyant ces futures éoliennes comme une taxe déguisée, les grandes entreprises du Québec tentent de bloquer l’appel d’offres, par l’entremise de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité.

En cette période d’austérité et de recherche de productivité, les décisions du gouvernement étonnent. C’est à n’y rien comprendre, vraiment.

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