Surplus d’électricité

Des surplus qui coûtent cher

Une question m’obsède depuis quelques mois : combien d’argent les Québécois perdent-ils avec les énormes surplus d’électricité d’Hydro-Québec ? Combien dépensent-ils en pure perte pour acheter l’énergie des éoliennes à gros prix alors que de l’électricité bon marché est abondamment disponible ?

Il m’a fallu faire un véritable travail de moine pour trouver une réponse en naviguant à travers le site internet labyrinthique de la Régie de l’énergie, en détricotant la structure d’Hydro-Québec et en jaugeant les concepts de prix, de coût marginal, de coût moyen, de puissance et d’énergie, entre autres.

L’exercice a été facilité par l’expertise et le grand travail du consultant en énergie Jean-François Blain, entre autres, et les lumières du professeur Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal. Les relationnistes d’Hydro-Québec ont aussi répondu à la plupart de mes questions.

Ce que j’ai découvert est renversant. Depuis le milieu des années 2000, les surplus d’Hydro-Québec, engendrés notamment par les éoliennes, ont coûté 4 milliards aux consommateurs québécois, selon mes calculs. Et d’ici 8 ans, en 2021, la facture doublera, à 7,9 milliards !

Les consommateurs québécois paieront entre 680 millions et 1,2 milliard par année d’ici 2021 pour acheter la coûteuse énergie des éoliennes plutôt qu’en misant sur la grande quantité d’électricité disponible à bon prix.

Cette facture annuelle n’augmentera pas les profits d’Hydro-Québec, et l’argent ne sera donc pas versé dans les coffres du gouvernement. Cet argent ne servira pas à financer nos hôpitaux, à améliorer notre système d’éducation ou à réparer nos routes. Cet argent ne viendra pas réduire notre déficit annuel de 3,1 milliards.

Non, ces milliards seront versés aux promoteurs de l’énergie éolienne et de la biomasse et serviront aussi à payer la pénalité d’un contrat jamais utilisé, celui de TransCanada Énergie, entre autres.

LES ÉOLIENNES ET LES SURPLUS

Les premières vagues d’éoliennes ont principalement commencé à envahir nos campagnes en 2006. Progressivement, leur volume d’électricité livré à Hydro a augmenté, passant de 0,7 térawattheure (TWh) en 2008 à 2,4 TWh en 2012. Un seul térawattheure permet d’alimenter environ 40 000 maisons.

Cette année, le niveau de livraison des éoliennes atteindra 6,9 TWh. Et malgré les énormes surplus, le gouvernement oblige Hydro à acheter encore plus d’énergie éolienne d’ici 5 ans, pour un total de 12,2 TWh en 2019. Or, les surplus d’énergie destinés aux Québécois atteindront justement 12,9 TWh en 2019, selon les estimations d’Hydro-Québec.

Bien sûr, les éoliennes ne sont pas les uniques responsables des énormes surplus d’Hydro-Québec jusqu’en 2027. L’économie s’est transformée, entraînant la fermeture d’usines énergivores, notamment dans le secteur des pâtes et papiers. Mais face à ces changements, le gouvernement reste les bras croisés.

L’énergie éolienne et celle produite par la biomasse coûtent beaucoup plus cher que l’électricité issue des centrales hydro-électriques traditionnelles. Cette année, Hydro paie 9,55 ¢/kWh pour cette énergie dite post-patrimoniale, 3 fois plus que les 2,82 ¢/kWh puisé sur le réseau traditionnel, appelé électricité patrimoniale.

Hydro doit laisser de côté cette énergie patrimoniale bon marché pour acheter de l’électricité éolienne, mais également de l’électricité de deux autres sources d’énergie, qu’elle paierait moins de 6,0 ¢/kWh.

Pour estimer la facture ainsi imposée aux Québécois d’ici 2021, j’ai multiplié la différence de prix par le niveau annuel des surplus d’ici 2021, ce qui donne 7,9 milliards de dollars. Hydro-Québec Distribution refile cette facture aux consommateurs – particuliers et entreprises – puisque les règles de la Régie de l’énergie le lui permettent.

Certains pourraient arguer que l’énergie patrimoniale inutilisée par les consommateurs du Québec est indirectement revendue à l’exportation avec de juteux profits. Eh bien non : depuis 10 ans, le prix moyen de l’énergie obtenu par Hydro-Québec Production pour ses excédents est de 6,86 ¢/kWh, ce qui est bien insuffisant pour combler les pertes des éoliennes.

ENVIRONNEMENT ET EMPLOIS

Les environnementalistes défendent vigoureusement l’utilisation de l’énergie éolienne pour sa propreté, ce qui est fort louable. Mais dites-moi, l’hydroélectricité n’est-elle pas une énergie propre ?

D’autres jugent que la construction des éoliennes a développé une nouvelle industrie et créé 5000 emplois, notamment en Gaspésie. Cependant, pour créer ces 5000 emplois, les Québécois paient environ 1 milliard de dollars de trop par année, soit 188 000 $ par emploi.

Enfin, certains soutiennent qu’Hydro pourrait dissocier l’énergie éolienne du reste de l'électricité produite afin d’en obtenir un bon prix en Nouvelle-Angleterre, qui verse une prime spécifique pour ce type d'énergie. Cette idée mérite d’être analysée, mais elle n’est pas si simple qu’il n’y paraît.

On ne peut pas refaire le passé, mais ne serait-il pas temps de mettre un frein aux projets d’énergie coûteux dans cette période où les Québécois ont désespérément besoin de fonds pour juguler le déficit ?

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