Chronique

Le bonheur est un choix

Vous avez vu le film Patch Adams avec Robin Williams ? Un bon film. Et j’ai vu le vrai, le vrai Patch Adams, dimanche dernier.

Oui, Patch Adams existe, et il est encore mieux que dans le film.

Le bonhomme a 71 ans, il est passé à Québec pour le ComediHa !, je ne m’habitue pas au nouveau nom du Grand Rire. C’était correct, le Grand Rire. Et puis, le rire n’est pas toujours de la comédie.

Comme Patch, un médecin, pour qui le rire est un remède.

Le meilleur d’entre tous.

Pour la petite histoire, Hunter Doherty Adams a vécu sur une base militaire, son père a fait la guerre de Corée, il est mort au combat. Hunter n’avait pas 18 ans. Il était victime d’intimidation à l’école, il a essayé de se suicider une couple de fois, a fait trois séjours dans un hôpital psychiatrique.

La troisième fois, il a compris que le bonheur était un choix.

Sur la scène du Capitole, le moustachu coloré a raconté comment et surtout pourquoi il est devenu médecin, parce qu’il a compris que « ce n’est pas un sacrifice de prendre soin des autres, c’est un privilège ». Et avant de les soigner, il faut connaître leur vie. « Quand je vois une personne la première fois, ça dure quatre heures… »

La durée moyenne d’une consultation aux États-Unis, et fort probablement au Canada, est de 7,8 minutes.

Il raconte l’histoire d’une femme qui l’a consulté pour une dépression. « Je parle avec elle et je réalise qu’elle est mère chef de famille monoparentale, qu’un de ses deux garçons a besoin de soins médicaux, que son patron fait du harcèlement sexuel, mais qu’elle reste là pour l’assurance maladie. »

Un autre médecin aurait probablement prescrit un arrêt de travail avec des antidépresseurs. Pas lui. « J’ai trouvé les numéros de téléphone de 10 personnes proches du patron et j’ai appelé le patron. Je lui ai dit d’arrêter de taponner cette employée, sinon j’allais appeler ses proches. Je lui ai dit aussi de doubler le salaire ! »

Il a fait ça une quinzaine de fois. « Toutes les fois, le salaire a été doublé. »

Et le harcèlement a cessé.

Patch Adams est aussi un clown, un vrai, et il ne voit rien d’incompatible à faire des pitreries à un mourant. Au contraire. « Comme le médecin, le clown marche à travers la souffrance. » Dans son pantalon bouffant, il traîne des armes de dérision massive, comme des fausses dents et un « sac à pets ».

C’est une valeur sûre pour faire rire, les pets.

Et c’est avec cet arsenal qu’il rend visite à des enfants malades, qu’il se rend dans des zones de guerre, dans les pays pauvres, dans le sens qu’ils n’ont pas d’argent.

On peut être riche sans avoir un sou à la banque.

Quand il est chez lui aux États-Unis, il voit bien que ça cloche. « Je suis toujours fasciné de voir combien les gens se sentent malheureux. Quand ils se promènent dans la rue, soit ils se rendent à leur rendez-vous chez le psychiatre, soit ils en reviennent. Et ils se disent : “Je serais heureux si…” »

Si j’avais une nouvelle maison.

Si j’avais un gros char.

Si je n’avais pas de si grosses cuisses.

« Il n’y a pas de maladie nommée “dépression”, il y a des suicides lents, à endurer une vie qu’on n’aime pas, à rester avec quelqu’un qu’on n’aime plus. La solitude, c’est la pire chose dans notre société. On est des primates, on est fait pour vivre en tribus. Tout le monde a besoin d’un ami, d’un vrai ami. »

Et tout le monde a besoin de rire.

Au tout début de sa conférence, Patch invite d’ailleurs les gens à lui écrire s’ils ont besoin de se confier, s’ils veulent un conseil, ou même pour lui envoyer des bêtises. « Je n’ai pas d’ordinateur ni de téléphone intelligent. Je réponds à tout le monde, une lettre à la main, j’en écris entre 400 et 600 par mois. »

P.O. Box 307

Urbana, IL 61803

« Pour que je vous réponde, il y a seulement deux conditions, que ce soit écrit en anglais et qu’il y ait une adresse de l’expéditeur. »

Si le rire est important, l’amour l’est encore plus. « Nous avons la liberté de nous aimer nous-mêmes et la liberté d’aimer la vie, mais nous avons aussi la liberté de trouver des excuses pour ne pas le faire. L’amour, c’est la chose la plus importante au monde, et pourtant on ne l’enseigne pas à l’école. Même pas une heure. »

Comme médecin, il ne prescrit pas de cubes d’énergie, mais des câlins.

Il a proposé un test, « pour voir quel “moi” vous voulez être ». C’est simple et compliqué. « Pendant un mois, soyez malheureux. Plaignez-vous toujours, de tout, de votre partenaire de vie, de votre travail, de votre image dans le miroir. Le mois suivant, levez-vous avec le sourire, appréciez ce que vous avez, ce que vous êtes. »

Et après, « choisissez ».

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