Opinion  Lettre aux immigrants

Trouver l’équilibre

En venant vivre ici, il faut s’armer de patience, de persévérance et de courage. Mais ça en vaut la peine.

Ça aura pris sept ans et demi pour que nous trouvions notre équilibre, pour que tout soit enfin en place, après des années d’adaptation, de galère, de choix, de découvertes et d’enrichissement permanent !

Fin juillet 2008, nous sommes arrivés au Québec avec trois enfants, un chien, cinq valises et tout à reconstruire.

Certains nous ont pris pour des fous, d’autres nous ont encouragés. Nous avons eu la chance, notamment grâce à notre passion pour la musique québécoise, d’être très entourés chaque jour.

En presque huit ans, nous avons dû faire face à la non-reconnaissance de nos diplômes français : il a fallu retourner en formation et recommencer à zéro. Mon mari était officier, pilote d’avion de chasse dans l’armée de l’air française, et moi j’étais infirmière (mais je n’avais pas travaillé les dernières années en France pour élever nos enfants).

Nous avons dû faire face à la précarité et cumuler chacun plusieurs petits emplois (décharger des camions au Canadian Tire, faire des beignes au Tim Hortons, promener des chiens…). Pendant deux ans, nous avons vécu sous le seuil de pauvreté.

Nous avons dû faire face à la maladie qui a frappé de l’autre côté de l’océan : une leucémie aiguë a attaqué ma maman et notre monde s’est écroulé… Comment être là pour les siens quand on vit à l’autre bout du monde ?

Nous avons dû faire face à Immigration Canada : en effet, nous avons subi un contrôle dans notre demande de citoyenneté canadienne et notre dossier a été bloqué longtemps… Nous avons poussé toutes les portes jusqu’à celle de notre député. L’acquisition de la citoyenneté canadienne après presque quatre ans de démarches fut une véritable consécration pour nous.

Nous avons essuyé des refus, vécu des désillusions, découvert de mauvaises nouvelles et des meilleures.

Le quotidien, en sept ans et demi, a été passionnant et enrichissant, une remise en question permanente et des découvertes qui furent pour nous un véritable moteur de vie.

Nous avons été bénévoles dans quatre associations et avons trouvé le temps d’accompagner et d’aider les autres. Notre réseau social est très riche et se trouve être un véritable soutien au quotidien.

Mon conjoint, après avoir accumulé des heures de vol en tant qu’instructeur-pilote sur Cessna, a été engagé en janvier 2011 dans une compagnie d’ambulance aérienne. Il travaille depuis cet automne comme pilote chez Air Transat, un peu plus de sept ans après notre arrivée au Québec.

Pour ma part, j’ai travaillé une année comme préposée aux bénéficiaires avant de retourner aux études et d’obtenir un diplôme d’actualisation en soins infirmiers. J’ai travaillé un an à l’hôpital avant de devenir travailleuse autonome et d’enseigner les premiers soins en milieu de travail. Depuis quelques semaines, j’ai décroché le travail de mes rêves en clinique de suivis de grossesse et pédiatrie.

Ça aura pris sept ans et demi avant que, professionnellement, nous ayons une qualité de vie parfaite. Nous nous sentons épanouis et sereins. Nous n’avons pas encore retrouvé le niveau de vie que nous avions en France, mais dès le premier jour sur le territoire canadien, nous avions déjà gagné en qualité de vie.

En venant vivre ici, il faut s’armer de patience, de persévérance et de courage. Il faut accepter de jouer le jeu et de tout recommencer. Il faut s’entourer d’alliés et, surtout, il ne faut jamais cesser de croire en ses rêves !

Car un jour, tout se met en place.

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