La grande entrevue

Le « petit Mozart » à l’origine du renouveau en Arizona

Est-ce son jeune âge ? Le fait qu’il provient du milieu des statistiques avancées et qu’il n’a jamais atteint, à titre de joueur, un niveau supérieur au junior A ?

Certains ont fait des gorges chaudes du mauvais début de saison des Coyotes de l’Arizona, menés par le directeur général John Chayka, 28 ans. Le « petit Mozart », comme certains se plaisaient à le désigner, n’avait donc pas mis les bons pions en place cet été. Et aussi, surtout, il s’était sans doute trop fié aux statistiques avancées, honnies par la vieille classe de gestionnaires de la LNH.

Les Coyotes ont occupé pendant un bon moment le dernier rang au classement général de la LNH. Or, depuis le 12 février, les astres sont mieux alignés et l’équipe la plus jeune de la Ligue nationale avec l’Avalanche du Colorado et les Blue Jackets de Columbus a maintenu une fiche de 16-8-1. Ce club, mené à l’attaque par la recrue Clayton Keller, 19 ans, est jeune et semble voué à un avenir intéressant.

« C’est un petit échantillon et il faut analyser cette séquence avec précaution, répond-il à La Presse au bout du fil, mais nous jouons bien depuis environ 35 matchs, ce qui représente presque une demi-saison. Alors oui, ça signifie quelque chose. Ça sera une histoire différente l’an prochain quand chaque match aura une signification, mais il s’agit d’une belle expérience pour nos jeunes à l’heure actuelle. Ils démontrent qu’ils ont le talent pour accomplir ce qu’ils sont en train d’accomplir. »

Pas de raccourci

On a cru à tort que Chayka cherchait à prendre un raccourci pour accélérer le processus de reconstruction l’été dernier lorsqu’il a cédé un choix de première ronde et un jeune défenseur, Anthony DeAngelo, pour obtenir Antti Raanta et Derek Stepan, des Rangers.

« On a donné un haut choix, et ce joueur [Lias Andersson, septième au total en 2017] deviendra très bon, mais on voulait acquérir un gardien numéro un et un centre numéro un pour obtenir plus de stabilité. Stepan, avec son leadership et son expérience, aide les Perlini, Keller et Domi. Et Antti, en santé, est l’un des meilleurs gardiens de la ligue. »

— John Chayka, directeur général des Coyotes de l’Arizona

Comme la plupart des joueurs de l’équipe, Stepan, 27 ans, a connu un lent départ. Mais il a amassé 26 points à ses 29 derniers matchs, après en avoir obtenu 30 à ses 52 premiers. Raanta, 28 ans, a une fiche de 21-16-6, une moyenne de 2,24 et un brillant taux d’arrêts de ,930. Le Finlandais vient au deuxième rang de la LNH au chapitre de la moyenne et du taux d’arrêts chez les gardiens ayant disputé au moins 45 matchs.

« Son absence en saison nous a fait mal, dit Chayka. Ce gardien nous donne une chance de gagner. Il y a aussi eu l’arrivée d’un nouvel entraîneur, Rick Tocchet, et son nouveau système de jeu. Les choses peuvent prendre un certain temps à se mettre en place dans de telles circonstances. Nous avions beaucoup de jeunes qui en étaient à leurs premiers pas dans la LNH et qui apprenaient les rigueurs du jeu chez les professionnels. » Vendredi, au lendemain de notre entretien avec Chayka, Raanta s’est vu accorder une prolongation de contrat de trois ans évaluée à 4,25 millions par saison.

Le leadership d’Ekman-Larsson

Le défenseur numéro un de l’équipe, Oliver Ekman-Larsson, est l’un de ces joueurs chez qui se font sentir les effets des changements organisationnels. Tocchet lui a demandé de modifier son style de jeu. Cet automne, ce défenseur de 26 ans a exprimé publiquement ses états d’âme. Il se sentait désorienté. Mais depuis son match de trois aides contre le Canadien le 15 février, Ekman-Larsson a obtenu 18 points, dont 6 buts, en 25 matchs, avec une fiche de + 10. Avant cette date, son différentiel s’établissait à -37, le pire de la LNH…

« Le travail de l’entraîneur est de soutirer le maximum de chacun, explique le jeune DG. Ekman-Larsson donne sa pleine mesure lorsqu’il bouge les pieds et appuie l’attaque. Son talent offensif est unique. Rick Tocchet lui a demandé de s’impliquer davantage en zone offensive. Depuis deux ou trois mois, il joue le meilleur hockey de sa carrière. »

Des rumeurs ont circulé cet hiver selon lesquelles il pourrait être échangé. Ekman-Larsson en sera l’an prochain à la dernière année d’un contrat qui lui rapporte 5,5 millions par année. « Il y a sans doute eu des rumeurs parce qu’on vient de rater les séries pour une sixième saison d’affilée, répond Chayka. Mais elles sont absolument non fondées. 

« Ekman-Larsson comprend bien notre plan à long terme. Il a l’occasion d’être le leader incontesté de cette équipe qui pourrait devenir très spéciale. C’est une chance unique dans une carrière. C’est lui qui assume le gros de notre leadership depuis le départ de Shane Doan. »

— John Chayka

Max Domi, 23 ans, est lui aussi plus productif depuis quelques semaines. Le fils de l’ancien dur à cuire Tie Domi a obtenu 15 points à ses 13 derniers matchs. Ses performances coïncident avec le rappel du centre Dylan Strome, 21 ans, troisième choix au total en 2015, un jeune dont le développement a tardé comparativement à plusieurs autres choix de première ronde cette année-là. Strome a obtenu huit points en neuf matchs depuis son rappel, après en avoir amassé 50 en 47 matchs à Tucson, dans la Ligue américaine.

« Strome a été solide depuis son retour. Il en était à sa première année chez les professionnels, à une position névralgique, le centre, on a dû le renvoyer dans la Ligue américaine pour le bien de son développement à long terme. C’est une chose de jouer dans la LNH, mais on voulait qu’il mûrisse afin de devenir notre premier centre. Il a joué plus de 20 minutes par match là-bas, dans toutes les situations, a été parmi les meilleurs compteurs de la ligue et il nous est revenu plus fort. Il mesure 6 pi 4 po, fait bien circuler la rondelle, il défend rapidement, c’est excitant de le regarder jouer. »

Bon choix de repêchage

À ce groupe de jeunes surdoués pourrait s’ajouter un autre joueur de talent puisque les Coyotes repêcheront parmi les six premiers en juin, peut-être même au premier rang s’ils remportent la loterie. « Ça serait une chance de gagner la loterie, mais il n’y a pas que le premier choix au total. Nous allons repêcher un joueur que nous voyons dans notre formation dans deux ou trois ans. Nous n’avons pas de position ciblée. Nous opterons pour le meilleur disponible. »

Il serait étonnant que Chayka échange ce choix de première ronde.

« Je garderai l’oreille tendue, mais il serait surprenant que l’on cède notre choix de première ronde deux années d’affilée. »

— John Chayka

L’an dernier, il a tout de même pu repêcher le défenseur Pierre-Olivier Joseph au 23e rang de la première ronde dans l’échange qui a envoyé Martin Hanzal et Ryan White chez le Wild du Minnesota.

Un an plus tôt, les Coyotes ont pu mettre la main sur Keller au septième rang avec leur propre choix et sur le défenseur Jakob Chychrun grâce au choix obtenu des Rangers dans l’échange de Keith Yandle. Chayka s’est avancé de quatre rangs pour mettre la main sur Chychrun en échangeant un choix de deuxième ronde aux Red Wings et en acceptant le contrat de Pavel Datsyuk. Chychrun a atteint la LNH à 18 ans l’an dernier et joue déjà en moyenne plus de 20 minutes par match.

« On voulait vraiment avoir Keller au septième rang, dit Chayka. On entend toujours des murmures avant le repêchage, nous étions un peu nerveux, mais finalement, nous avons été chanceux qu’il soit encore disponible. Je ne suis pas surpris par ses succès. Il a une vision spéciale, une grande passion, tout ce qui fait une superstar. »

Les 65 points de Keller le placent au deuxième rang des compteurs chez les recrues derrière Mathew Barzal, des Islanders, repêché un an plus tôt. Parmi les joueurs de sa cuvée, le premier choix au total Auston Matthews a 61 points (en 20 matchs de moins), tandis que Patrik Laine, deuxième choix au total, en a 69. Troisième choix au total, Pierre-Luc Dubois en compte 48.

Son modèle de reconstruction ? « Elles sont toutes différentes. Mais les Jets de Winnipeg ont une recette que nous voulons emprunter. Ils ont été patients et disciplinés. C’est ce que nous voulons faire. Nous voulons reconstruire avec nos jeunes et nous irons aussi loin, aussi vite que nos jeunes le dicteront. Je serai combatif pour améliorer l’équipe cet été, mais la croissance interne sera importante. Si nous connaissons un bon départ l’an prochain, notre équipe pourrait faire beaucoup de bruit. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.