Mort de l’astronaute John Glenn 

« Il était le visage de la conquête spatiale américaine »

Il a été le premier Américain à voler en orbite autour de la Terre. Mais il fut aussi un véritable héros national, un sénateur démocrate, une vedette… et le plus vieil homme à avoir été dans l’espace. L’ex-astronaute John Glenn s’est éteint hier à l’âge de 95 ans à Colombus, en Ohio.

« John Glenn a vraiment été le visage de la conquête spatiale américaine. C’était un héros, dans le sens le plus pur du terme », a commenté hier à La Presse Robert Lamontagne, astronome à l’Université de Montréal.

M. Lamontagne avait 5 ans en 1962. Il se souvient d’avoir vu John Glenn, à la télévision, devenir le premier Américain à réaliser un vol orbital autour de la Terre dans une minuscule capsule appelé Friendship 7. C’était en pleine guerre froide, un an après que le russe Youri Gagarine fut devenu le premier homme à aller dans l’espace.

« Pour moi, ce moment est très spécial, car il s’agit de mon tout premier souvenir, raconte M. Lamontagne. J’avais 5 ans, je ne comprenais pas trop ce qui se passait, mais je voyais que ma mère était très impressionnée et ça m’avait frappé. Ce moment m’a vraiment marqué. Je suis devenu astronome à cause de la course à la Lune », raconte M. Lamontagne.

À l’époque, le vol de John Glenn, d’une durée de 4 heures et 56 minutes, manque toutefois de tourner à la catastrophe. Après une première rotation autour de la Terre, le système de pilotage automatique de Friendship 7 tombe en panne.

« Je me suis mis en mode manuel et j’ai gardé les commandes pour la deuxième et la troisième rotation, ainsi que durant la rentrée », a raconté plus tard l’astronaute.

Protégé par la NASA

John Glenn fait partie des fameux « Mercury 7 », le tout premier groupe d’astronautes sélectionnés par la NASA.

« On imagine mal, aujourd’hui, ce que c’était à l’époque. Les astronautes étaient des vedettes. C’était les Beatles. Les gens les adoraient », se souvient Robert Lamontagne.

Après son voyage orbital, John Glenn devient instantanément une icône nationale. Mais alors que la plupart des astronautes de sa génération effectuent de nombreuses missions dans l’espace, lui est retiré du programme spatial.

« C’était un héros, et la NASA a choisi de le retirer pour ne pas qu’il lui arrive quelque chose. Les Russes ont fait la même chose avec Youri Gagarine », explique M. Lamontagne.

John Glenn finira par retourner dans l’espace… à l’âge de 77 ans, en 1998, lors d’une mission hautement symbolique visant notamment à étudier les effets du vieillissement en apesanteur. Il reste aujourd’hui le plus vieil être humain à avoir voyagé dans l’espace – un exploit physique dont on mesure mal l’ampleur.

« Tous les astronautes sont des surhommes à cause de l’entraînement qu’ils reçoivent, et je pense que c’était particulièrement vrai de la première génération. Ces gars-là étaient tous des pilotes d’essai, c’étaient des cow-boys. Il y a de ces gens qui ont un bagage génétique un peu supérieur à la moyenne », dit Robert Lamontagne.

Durant la Seconde Guerre mondiale, John Glenn avait participé à pas moins de 59 missions comme pilote dans le Pacifique, et a réalisé le premier vol supersonique sans escale entre Los Angeles et New York, en 1957.

Un homme populaire

Entre son premier et son dernier vol spatial, John Glenn ne chôme pas. L’astronaute aux yeux bleus, au sourire facile et à la mâchoire carrée tire pleinement parti de son statut de vedette et participe à de nombreuses émissions de télévision.

« Les gens aimaient son côté posé. Il y avait plusieurs grandes gueules à l’époque parmi les astronautes, mais lui était discret, réfléchi. Il avait beaucoup de charisme. »

— Robert Lamontagne, astronome à l’Université de Montréal

En 1974, il est élu sénateur de l’Ohio sous les couleurs du Parti démocrate. Il est réélu trois fois et se retire en 1999 au terme d’une carrière politique de 25 ans.

Barack Obama lui avait remis la médaille présidentielle de la Liberté en 2012, la plus haute récompense civile aux États-Unis, en soulignant son « courage et son esprit de découverte ».

John Glenn, dont la santé avait décliné depuis quelques années, avait subi un accident vasculaire cérébral en 2014. Il avait été hospitalisé la semaine dernière et s’est éteint hier entouré de son épouse, de ses enfants et de ses petits-enfants.

« Avec le décès de John, notre pays a perdu une légende, et Michelle et moi-même avons perdu un ami », a déclaré le président Barack Obama.

« Aujourd’hui, nous avons perdu un grand pionnier de l’air et de l’espace avec John Glenn. C’était un héros qui a inspiré des générations de futurs explorateurs », a réagi sur Twitter le président désigné Donald Trump.

— Avec l’Agence France-Presse

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