Opinion Jocelyn Coulon

La guerre ou la diplomatie avec l’Iran ?

Donald Trump souffle le chaud et le froid sur l’Iran depuis les attaques contre deux installations pétrolières saoudiennes, samedi dernier.

Sa première réaction, épidermique, a été de promettre une réplique cinglante dès qu’on lui aura montré les preuves de l’implication de Téhéran. Puis, quelques heures plus tard, il a baissé le ton et s’est montré plus circonspect.

C’est que l’affaire se présente mal. L’attaque aux drones et aux missiles est, selon les spécialistes, l’œuvre d’un groupe ou d’un État aux capacités sophistiquées. Les armes utilisées, la précision des frappes, les dégâts causés soulignent l’ampleur des moyens financiers et militaires mis en œuvre et une grande maîtrise dans la planification de l’acte. Riyad n’a rien vu venir, du moins, c’est ce qu’on nous raconte. À la décharge des Saoudiens, la détection de ces armes qui filent souvent sous l’horizon des radars est très difficile.

L’incident révèle toutefois une faiblesse fondamentale de l’Arabie saoudite : son incapacité à utiliser ses forces armées et le matériel militaire acheté à coup de dizaines de milliards aux Occidentaux pour se défendre ou pour soutenir des interventions militaires.

En 1991, lors de la guerre du Golfe, quelque 500  000 soldats américains avaient été déployés sur le sol saoudien pour défendre le pays contre la menace irakienne et repousser les soldats de Saddam Hussein hors du Koweït. Des milliers de soldats pakistanais sont stationnés dans le pays depuis au moins 30 ans afin de défendre la dynastie en place et de renforcer le flanc sud du pays à la frontière avec le Yémen.

Riyad a entrepris d’intervenir dans la guerre civile au Yémen en 2015. Son armée ultramoderne est, là encore, incapable de vaincre une rébellion moyenâgeuse. Tout ce qu’elle a réussi à faire, c’est de transformer le pays en champ de ruines et de provoquer, selon l’ONU, la pire crise humanitaire du monde.

Le seul intérêt que l’Arabie saoudite représente est sa production pétrolière nécessaire au fonctionnement de l’économie mondiale. Si l’Iran réussit à déstabiliser le royaume et à ralentir, sinon stopper la production de pétrole, les conséquences pourraient être désastreuses pour l’Europe et le Japon.

Calmer le jeu

Devant cette double faiblesse – militaire et stratégique –, il n’est pas surprenant qu’à Washington, mais aussi à Moscou et à Paris, on tente de calmer le jeu.

Ainsi, Donald Trump semble avoir reculé devant les conséquences que pourrait entraîner une réplique américaine. Il attend maintenant plus de détails sur ces attaques et, ô surprise, plusieurs de ses amis lui procurent une bonne excuse pour ne pas frapper.

L’ONU vient d’envoyer des experts dans la région pour mener une enquête et la France s’est jointe à la mission. Le bon ami de Trump, Vladimir Poutine, a demandé une enquête « approfondie et objective » afin d’établir soigneusement les faits, laissant ainsi planer un doute sur les accusations saoudiennes contre l’Iran.

Le déploiement d’experts occidentaux sur le terrain ouvre un espace de réflexion sur la stabilité dans la région et sur l’engagement américain. 

L’attaque de samedi s’inscrit dans le contexte de l’affrontement entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour la suprématie au Moyen-Orient. Cette lutte se déroule par acteurs interposés en Palestine, au Liban, au Yémen, en Syrie et en Irak. Elle ne cesse de monter en intensité et de nombreux experts estiment que les acteurs extérieurs ont perdu toute influence sur ce grand jeu.

En particulier, l’effacement américain est notable. Barack Obama a réduit considérablement la présence militaire américaine dans la région et Donald Trump s’est inscrit dans ce mouvement. La Russie a comblé un peu le vide en retournant en Syrie, mais sa puissance militaire et économique est trop limitée pour avoir quelque effet sur la situation.

L’Iran et l’Arabie saoudite se retrouvent ainsi dans un face-à-face mortel. À Washington, des voix s’élèvent pour que les États-Unis revoient entièrement leur politique dans la région. Mardi, dans le quotidien britannique The Guardian, un ancien secrétaire d’État adjoint sous Obama renvoie dos à dos les deux pays en les décrivant comme tout aussi néfastes l’un que l’autre pour la sécurité internationale. Il appelle l’administration Trump à rompre avec le passé. Il est temps, écrit-il, « de fondamentalement transformer la relation avec l’Arabie saoudite. Parler à l’Iran de l’éventail de ses préoccupations. Rassembler les opposants pour réduire les tensions dans la région ».

Les hésitations de Donald Trump à s’engager dans un conflit avec l’Iran soulèvent aussi une interrogation au Proche-Orient. Si l’allié américain n’est plus disposé à jouer les gendarmes, alors il ne reste plus qu’une solution : retrouver le chemin de la diplomatie avec l’Iran.

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