Rapport sur la filière uranifère

Le BAPE est-il encore crédible ?

L’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) accuse le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) d’avoir fait preuve de partialité dans son rapport sur la filière uranifère. Un professeur spécialiste des ressources minérales de l’UQAM partage le même avis. Toutefois, deux autres professeurs qui suivent de près les travaux du BAPE depuis des années n’en croient rien.

Dans son rapport déposé le 17 juillet, le BAPE recommande au gouvernement du Québec de fermer la porte à l’exploitation de mines d’uranium en raison de l’incertitude entourant la sécurité des populations voisines et des travailleurs, et en l’absence d’acceptabilité sociale.

Dans le rapport du BAPE, l’AEMQ déplore le peu de considération que la commission a accordé aux connaissances de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN). La CCSN (et son prédécesseur, la Commission de contrôle de l’énergie atomique) est la référence au pays depuis bientôt 70 ans.

« On a un organisme canadien qui existe déjà et qui est reconnu partout dans le monde. Or, quand vient le temps de faire un mandat sur la filière uranifère, on néglige les connaissances de la Commission. »

— Valérie Fillion, directrice générale de l’AEMQ

Par exemple, sur la question de la sécurité des populations à proximité des mines d’uranium, le BAPE ne s’est pas laissé convaincre par les affirmations de la CCSN, qui conclut dans un rapport « à l’absence d’un lien de cause à effet entre le développement de maladies et le fait de vivre à proximité d’une mine uranifère ».

« RÉSULTAT PRÉVISIBLE »

Pour le professeur de l’UQAM Michel Jébrak, titulaire de deux doctorats, « la composition du BAPE, son mandat, sa manière de procéder ont abouti au résultat prévisible ». Il cite en exemple la position du BAPE sur le stockage des résidus miniers. Le système d’enfouissement en fosse donne des résultats sécuritaires en Saskatchewan, mais le BAPE retient que la technologie « ne date que d’une trentaine d’années ».

« Réjouissant, tellement c’est stupide », écrit le professeur Jébrak dans un courriel. En dérision, il suggère une période d’essai de 10 000 ans avant de se décider, puisque les résidus uranifères restent radioactifs durant des milliers d’années.

Selon le professeur, un BAPE générique sur une filière plutôt que portant sur un projet spécifique ouvre la porte à une utilisation abusive du principe de précaution.

« On ne prend pas le risque de faire quelque chose ; on prend par contre sans difficulté le risque de ne rien faire. Un biais ultra-classique. »

— Michel Jébrak, professeur à l'UQAM

LE BAPE, UN EXEMPLE

La crédibilité du BAPE n’est nullement remise en cause par ce dernier rapport, considèrent Mario Gauthier, professeur de sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais, et Louis Simard, professeur de politique de l’Université d’Ottawa. Tous deux ont récemment suggéré une réforme de l’institution.

« Quand je regarde le résultat, ce qui a été livré, un rapport de plus de 600 pages, c’est assez convaincant », dit Louis Simard. Il ajoute que l’enquête a fait l’objet d’une entente tripartite entre le gouvernement du Québec, les Cris et les Inuits. « C’est un bon point pour la crédibilité de la procédure », dit-il.

« En 30 ans de pratique, le BAPE a émis des avis tantôt favorables, tantôt défavorables », rappelle, pour sa part, Mario Gauthier.

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