Le chemin jusqu’à soi-même
Mon autre famille
Armistead Maupin
Éditions de l’Olivier
352 pages
Les États-Unis ne forment pas un, mais deux pays, aux frontières floues, mais aux idées tranchées. Un peuple constamment scindé en deux clans, voire deux blocs, irréconciliables : le Sud et le Nord, les républicains et les démocrates, les puritains et les libertins, etc. Cette dualité a bien sûr des échos dans la vie et l’œuvre du romancier. Né dans une famille sudiste, religieuse et ségrégationniste (son arrière-arrière-grand-père était général dans l’armée confédérée durant la guerre de Sécession), Armistead Maupin a été militaire, partisan du Parti républicain et conseiller de Richard Nixon, avant de devenir militant gai, progressiste et chantre de la diversité en Californie. Aujourd’hui, l’auteur parle de la politique américaine en ces termes : « Donald Trump instaure un régime fasciste à Washington, créant dans notre pays une fracture sans précédent depuis la guerre de Sécession. »
« Tôt ou tard, où que nous vivions, il nous faut partir en diaspora, nous aventurer loin de nos parents biologiques pour découvrir notre famille logique, celle qui pour nous fera véritablement sens. Il le faut, si nous ne voulons pas gâcher nos vies », écrit Maupin dans ses mémoires. Toutefois, entre le moment de quitter la Caroline du Nord de sa jeunesse et celui où il devient célèbre en racontant le récit de sa famille fictive du 28, Barbary Lane, dans les pages du San Francisco Chronicle, il lui aura fallu faire table rase des idées reçues et de son héritage culturel sudiste. Sur le chemin de la liberté et de l’acceptation, Maupin aura dû se réinventer plusieurs fois. En faisant le portrait d’une ville unique au monde, il a enfin découvert sa vraie nature.
Armistead Maupin a été vierge et carrément ignorant en matière de sexualité jusqu’à 25 ans. Mais c’est lorsqu’il s’installe à San Francisco qu’il va s’épanouir et se libérer des tabous de son enfance. Saunas, parcs, glory holes et autres lieux de rencontres anonymes, le jeune homme se lance dans l’exploration sexuelle avec fougue et insouciance. Il a même été l’un des amants de l’acteur Rock Hudson, à la fin des années 70. L’épisode où il raconte ses problèmes érectiles durant une relation sexuelle avec la vedette de Dynasty est loufoque. Plus sérieusement, la maladie, le déni et la mort de Rock Hudson auront nourri sa conviction qu’un homosexuel ne peut pas se mentir à lui-même toute sa vie.
Armistead Maupin est devenu ce qu’il est grâce à deux femmes importantes dans sa vie : sa mère « forte, sensible, secrète », et sa grand-mère féministe et suffragette qui l’a aidé à « traverser le champ de mines de [son] adolescence ». Son autobiographie est le récit d’une lente acceptation de soi. « Au début, j’avais peur qu’être gai détruise ma vie. Ma mère aussi en avait peur : j’aurais voulu qu’elle vive assez longtemps pour voir comme je suis heureux. » Il décrit son père comme un ultraconservateur : « Il m’aimait, mais disait que je suis le seul homme gai acceptable. » Il est persuadé que son père, mort il y a 10 ans, aurait été ravi de l’élection de Trump… Toutefois, Maupin se souvient que quelques jours après l’assassinat du maire de San Francisco George Moscone et du conseiller ouvertement homosexuel Harvey Milk, ses parents étaient en ville avec lui. Et ils ont participé à une manifestation pour dénoncer ce crime homophobe. Ce jour-là, Armistead Maupin a réalisé que l’Amérique était capable du meilleur comme du pire.
ARMISTEAD EN HUIT DATES
13 mai 1944
Naissance à Washington DC
1971
Premier séjour à San Francisco
1976
Début de ses chroniques dans le quotidien San Francisco Chronicle
1978
Parution du premier tome de Tales of the City (Chroniques de San Francisco en français) chez HarperCollins
1993
Première série télé d’après les Chroniques de San Francisco
1998-2001
Suites de la série télé tirée des Chroniques…, réalisées par le Québécois Pierre Gang
2014
Anna Madrigal, ultime épisode des Chroniques…, est publié aux États-Unis