Étude

Le parcours mouvementé
de nos enfants

Près de la moitié des jeunes vivent des chambardements familiaux

Séparation, famille recomposée, garde partagée, monoparentalité :  ça bouge dans la vie des jeunes. Une vaste étude dévoilée mardi dernier révèle que 44 % des enfants vivent des chambardements familiaux avant leurs 18 ans. L’Institut de la statistique du Québec a suivi plus de 2000 jeunes nés en 1998 afin de connaître l’évolution de leur famille jusqu’à leur majorité afin d’en mesurer l’impact sur leur vie.

Composition des familles

La vaste majorité des enfants (92 %) sont nés dans une famille formée par leurs deux parents biologiques. Parmi eux, près de 1 sur 10 avait toutefois un frère ou une sœur issu d’une union précédente de l’un de leurs parents. Ce portrait change passablement à 17 ans, alors que plus de 3 sur 5 vivaient toujours avec leurs deux parents biologiques. À la veille d’entrer dans l’âge adulte, près du quart d’entre eux vivaient désormais avec un seul de leurs parents, tandis que les autres étaient dans une famille recomposée.

Type de famille

À la Naissance / À 17 ans

Ménage biologique intact (deux parents)

92 % / 58 %

Ménage recomposé (parent biologique et beau-parent)

0 % / 18 %

Ménage monoparental (mère ou père)

8 % / 24 %

Plusieurs transitions

L’étude permet de constater que 44 % des jeunes nés en 1998 ont connu au moins une « transition » dans leur situation familiale avant d’avoir 17 ans. Un sur cinq connaîtra même au moins trois changements, comme la séparation de ses parents biologiques, l’arrivée d’un beau-parent, puis une nouvelle rupture. À noter, ces données tiennent compte des couples reprenant leur vie commune après une séparation. En effet, 6 % des enfants ont vu leurs parents biologiques se séparer, puis revenir ensemble. Et 4 % des jeunes sont nés dans une famille monoparentale, mais ont vu leurs parents biologiques revenir ensemble.

Aucune transition

56 %

Au moins une transition

44 %

Au moins deux transitions

34 %

Au moins trois transitions

19 %

Familles monoparentales

1 sur 4

Si près de 8 % des enfants vivaient uniquement avec un de leurs deux parents biologiques à leur naissance, près du quart de ces jeunes se trouvaient dans un ménage monoparental à 17 ans. Ce portrait nécessite quelques nuances, puisqu’un jeune sur cinq rapportait que sa mère avait un conjoint n’habitant pas avec eux. Par ailleurs, l’étude démontre que les jeunes nés dans une famille monoparentale connaîtront le plus de bouleversements dans leur vie familiale : 41 % d’entre eux connaîtront au moins trois transitions, soit deux fois et demie plus que les autres.

Séparation en bas âge

5,3 ans

Les données de l’étude permettent de constater que les enfants voient leurs parents se séparer quand ils sont relativement en bas âge. Ainsi, l’âge médian des enfants au moment de la rupture de leurs parents était de 5,3 ans. La séparation a eu lieu plus tôt chez les couples en union libre (4,1 ans) que chez les couples mariés (7,3 ans).

Bon climat malgré la séparation

L’étude a tenté d’évaluer le climat entre les parents vivant une séparation. Ainsi, une majorité de mères séparées (58 %) ont dit entretenir une bonne relation avec le père de leur enfant. Dans 16 % des cas, elles ont affirmé que le climat entre eux était mauvais, tandis que le quart a même dit ne carrément plus avoir de contact avec le père. L’âge de l’enfant au moment de la séparation semble influencer le climat entre les parents. Ainsi, la proportion de parents ne se parlant plus grimpe à un sur trois (36 %) lorsque la séparation survient après le 12e anniversaire de l’enfant. C’est nettement plus que lorsque la rupture arrive entre 6 et 11 ans (15 %).

Garde partagée sans tribunaux

Signe que les parents parviennent à s’entendre malgré leur rupture, la majorité des couples qui se séparent (64 %) n’ont pas eu besoin de se rendre devant les tribunaux pour s’entendre sur la garde. Et plusieurs des parents (8 %) qui se sont adressés à la cour ont simplement demandé d’entériner une entente intervenue entre eux. Dans les cas où la rupture s’est envenimée, les tribunaux ont eu tendance à davantage confier la garde des enfants aux mères uniquement (21 %) qu’aux pères exclusivement (2 %). Enfin, une garde partagée a été ordonnée dans 6 % des cas.

UN Rôle prépondérant pour la mère

Les mères ont joué un rôle prépondérant à la suite des ruptures, révèlent les données. Un peu plus de la moitié des jeunes ont vécu uniquement avec leur mère à la suite de la séparation, proportion qui a grimpé aux trois quarts lorsque les jeunes ont atteint l’âge de 17 ans. Plusieurs nuances s’imposent toutefois à ce portrait. « On peut penser qu’au-delà des défis liés au maintien de la résidence alternée du point de vue des parents, rendus à l’adolescence, de nombreux jeunes préfèrent s’établir chez un de leurs parents pour diverses raisons d’ordre pratique ou social », écrivent les chercheurs. Et même s’ils vivent exclusivement avec leur mère, la majeure partie de ces enfants continuent à voir leur père régulièrement (soit d’une fois par semaine à une fois par mois), selon l’étude.

Situation des enfants à la suite d’une rupture

À la séparation / À 17 ans

Vit avec la mère seulement

53 % / 75 %

Vit avec le père seulement

7 % / 13 %

Garde partagée

40 % / 12 %

Méthodologie

Ces résultats ont été obtenus dans le cadre de l’Enquête longitudinale du développement des enfants du Québec. Celle-ci tente de comprendre les facteurs qui, pendant la petite enfance, contribuent à l’adaptation sociale et à la réussite scolaire. L’étude a suivi jusqu’en 2017 pas moins de 2120 enfants nés de mères vivant au Québec en 1997-1998. Ceux-ci ont fait l’objet d’un suivi chaque année jusqu’à leurs 8 ans, puis tous les deux ans jusqu’à leurs 19 ans, en 2017. Un proche devait répondre à un questionnaire, les enfants participaient à des activités ou répondaient eux-mêmes à des questionnaires. De la maternelle à la première secondaire, leurs enseignants ont été appelés à répondre à un questionnaire. L’étude a été financée par les ministères de la Santé, de la Famille et de l’Éducation, la Fondation Lucie et André Chagnon, l’Institut de la statistique, le CHU Sainte-Justine et l’Institut de recherche Robert-Sauvé.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.