ÉDITORIAL ALEXANDRE SIROIS

ARMES À FEU Ressuscité, ce registre doit vivre

Alors, on efface tout ? Vraiment ?

Chers élus des municipalités qui, ces jours-ci, réclamez l’abolition pure et simple du registre des armes à feu, vous êtes sérieux ?

Vous intervenez à la toute fin d’un processus démocratique, lui-même lancé par Québec en 2015 à la toute fin d’un psychodrame national, ayant vu le premier ministre du Canada de l’époque, Stephen Harper, bafouer le Québec deux fois plutôt qu’une : en éliminant le registre fédéral des armes d’épaule en 2012 et en optant, ensuite, pour détruire ses données, alors que le gouvernement du Québec les réclamait.

Le registre actuel est entré en vigueur il y a près d’un an après avoir obtenu une majorité d’appuis à l’Assemblée nationale, où l’on avait adopté au fil des ans une série de motions en faveur d’une telle mesure.

Plusieurs, y compris des policiers – qui consultaient fréquemment le défunt registre fédéral –, estiment qu’il s’agit d’un outil efficace en matière de sécurité publique.

On n’a certainement pas avancé pour mieux reculer !

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Le registre ne vise absolument pas à « démoniser les armes à feu et les propriétaires honnêtes », comme le soutient le conseil municipal de Potton, qui a récemment fait la manchette après avoir adopté une résolution contre l’immatriculation des armes.

C’est plutôt ceux qui rêvent de le voir disparaître qui le diabolisent.

Jusqu’ici, près d’une vingtaine de municipalités auraient envoyé ce « message » au gouvernement de François Legault, lisait-on hier sur la page Facebook de l’organisme Tous contre le registre des armes à feu (ce groupe qui avait soulevé la controverse en 2017 en tentant d’organiser une manifestation dans le parc commémoratif de la tuerie de Polytechnique).

Tous ces opposants mettent de la pression sur la Coalition avenir Québec alors qu’on approche de la date limite pour inscrire ses armes au registre – le 29 janvier, soit mardi prochain. Certains ont d’ailleurs demandé aux propriétaires de boycotter le registre.

En date du 20 janvier, 342 359 armes avaient été enregistrées sur environ 1,6 million en circulation. Ce n’est pas suffisant. Heureusement, le nombre d’inscriptions quotidiennes est désormais en forte hausse, signale-t-on à Québec.

Car, non, ce registre n’est pas l’œuvre du diable. Et bon nombre de propriétaires s’en rendent vraisemblablement compte, d’ailleurs. D’autant qu’on ne leur demande pas la lune.

Enregistrer leurs armes est un processus assez simple et sans frais. La députée Émilise Lessard-Therrien, de Rouyn-Noranda– Témiscamingue, l’a d’ailleurs récemment démontré dans une vidéo à ce sujet diffusée sur Facebook.

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Parmi les opposants au registre, il y a ceux qui le rejettent pour des raisons idéologiques. Ils nous font de plus en plus penser aux ténors de la National Rifle Association, qui, aux États-Unis, dénoncent toute tentative de contrôle des armes à feu.

Mais il y a aussi, au Québec, ceux qui décrient le registre en montrant du doigt certaines aberrations. Leurs critiques, constructives, méritent d’être entendues.

C’est le cas de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs. Elle ne comprend pas pourquoi on force les propriétaires à fournir le numéro d’immatriculation de leur arme à feu et non le numéro de série. Ni pourquoi on les oblige à se signaler quand leur arme à feu se retrouve, pour à peine 15 jours, à l’extérieur de l’endroit où elle est généralement entreposée. Elle estime, enfin, que la longueur du canon ne devrait pas être une donnée essentielle pour enregistrer une arme.

De tels inconvénients peuvent certainement être atténués par Québec. Le gouvernement provincial n’a pas, lui non plus, à être dogmatique lorsque des assouplissements sont possibles et qu’ils ne changent absolument rien aux objectifs initiaux.

Être ferme sur les principes, mais souple sur les modalités. C’est presque un cliché, mais tout sauf une formule creuse. Et c’est ce qui devrait guider la CAQ, en ce début d’année, dans ce dossier qu’il est plus que temps de clore.

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