Sécurité en zone scolaire

Autos, vélos, chaos

Voitures garées en double, cyclistes pressés, brigadiers ignorés… l’heure de pointe du matin peut être chaotique près des écoles. Des villes du Royaume-Uni ont décidé d’interdire aux parents d’aller reconduire leurs enfants en auto. Quelles mesures prend-on ici pour assurer la sécurité en zone scolaire ?

Postée depuis 11 ans à l’angle de l’avenue du Mont-Royal et de la rue Saint-Urbain, la brigadière Fatim-Zohra Doufik en a vu de toutes les couleurs. En fait, elle voit tous les jours des gens pressés qui « ne respectent pas la lumière rouge et ne respectent pas la brigadière qui fait passer les enfants, malgré le dossard et le panneau d’arrêt ». « C’est dangereux pour nos enfants et pour nous [les brigadiers] », ajoute celle que tout le monde appelle Fatima.

« Que l’artère soit achalandée ou pas, dans une zone scolaire, des comportements dangereux, on en observe partout. »

— Marco Harrison, directeur de la Fondation CAA-Québec

L’ancien policier souligne que c’est au cours des 10 minutes qui précèdent le moment où la cloche sonne que la cohabitation entre piétons, automobiles et vélos est la plus hasardeuse.

49 %

Près de la moitié des infractions sanctionnées dans les zones scolaires sont des excès de vitesse, selon le Service de police de la Ville de Montréal

Chaque rentrée, le CAA observe la situation et en fait rapport. En septembre 2017, 861 « comportements à risque » avaient été notés au petit matin près de 12 écoles situées dans différentes régions du Québec. Un peu moins de la moitié d’entre eux (45 %) concernaient des « manœuvres dangereuses » et le non-respect de la signalisation de la part des automobilistes, alors que la vitesse excessive était en cause dans 28 % des cas.

Les vélos aussi

La Presse a rejoint Marco Harrison près d’une école primaire du Plateau-Mont-Royal au début de septembre pour discuter de sécurité. Il a soulevé quantité de ces « comportements à risque », dont l’omission des clignotants, le non-respect de la priorité de passage et de la signalisation. Quelques parents se sont aussi garés en double le temps de laisser sortir leur enfant et d’autres – bien plus nombreux – se sont arrêtés dans l’espace réservé au transport scolaire. « J’ai vu bien pire ailleurs », a toutefois précisé l’expert du CAA, sans pour autant banaliser ces gestes.

Il suffit en effet de fréquenter les abords d’une école au quotidien pour voir des enfants se faufiler entre des voitures après être sortis d’un véhicule garé en double ou voir des conducteurs faire des virages interdits en zone scolaire. Les cyclistes peuvent aussi donner des maux de tête aux piétons… et aux brigadiers.

« J’en vois passer [des cyclistes] entre les enfants. Et je leur crie : “Attention !” Parfois, ils me regardent. Parfois, ils m’ignorent. Parfois, ils me disent des choses pas correctes… »

— Fatim-Zohra Doufik, brigadière

« C’est une problématique qui est souvent portée à notre attention, reconnaît la constable Chantal Cyr, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), à propos du comportement dangereux de certains cyclistes. On essaie de faire beaucoup de sensibilisation. Éventuellement, il faudra peut-être envisager de sévir un peu plus si le message ne passe pas. » Elle précise que le Code de la sécurité routière oblige désormais les cyclistes à céder le passage aux piétons et à s’arrêter, comme les voitures, derrière les autobus scolaires qui ont leurs feux allumés.

« Le plus gros doit faire attention au plus petit, alors le cycliste doit faire attention au piéton. »

— Chantal Cyr, du SPVM, résumant les modifications apportées au Code de la sécurité routière

Environ 108 collisions impliquant un élève d’âge primaire ou secondaire surviennent chaque année entre 7 h et 17 h, du lundi au vendredi, selon le SPVM. Le service de police ne peut toutefois pas préciser si ces accidents se produisent en zone scolaire ou non. « On ne considère pas qu’on a un haut taux d’accidents, explique toutefois la constable Chantal Cyr. Des blessés graves, on en a très peu. »

Fatima a une stratégie toute personnelle pour s’assurer de la collaboration des enfants. « Je les récompense le vendredi », confie-t-elle. Alors « ses » petits l’écoutent sagement toute la semaine. Elle a un autre truc pour les automobilistes et les cyclistes. « Je remercie ceux qui s’arrêtent, dit-elle en souriant. Je me dis que, le lendemain, ils vont peut-être s’en rappeler. »

Pour une circulation plus sécuritaire

Plus de brigadiers

En août, l’administration Plante a annoncé son intention de revoir les besoins en matière de brigadiers scolaires. « Ça fait fort longtemps que c’est un enjeu », se réjouit Catherine Harel-Bourdon, présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Cette révision lui semble « nécessaire dans un contexte où il y a une augmentation du nombre d’élèves et d’écoles ». Au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui gère les brigadiers scolaires, on confirme qu’ils constituent « un élément essentiel » de la sécurité des écoliers, même si, selon les endroits, des modifications de la signalisation, des infrastructures ou du sens des rues peuvent aussi améliorer la sécurité des couloirs et des zones scolaires.

Bon pied bon œil

Que ce soit le SPVM, le CAA ou la CSDM, tous encouragent le transport « actif » : la marche ou le vélo. « Il faut mettre l’accent sur le confort et le bien-être des enfants. Il faut taper sur le clou de l’environnement et des bons comportements », estime Ben Valkenburg, commissaire scolaire dans le Plateau-Mont-Royal. Marcher vers l’école est bon pour les enfants, selon lui. « Ça leur permet d’entrer en contact avec l’environnement urbain », ajoute Marco Harrison, qui y voit une forme d’éducation à la sécurité routière. Le CAA y contribue aussi avec son programme Trottibus, qui offre aux enfants de faire un bout du chemin vers l’école accompagnés d’un bénévole adulte.

Interdire les autos ?

Avec l’aide de la Ville d’Édimbourg, plusieurs écoles écossaises ont carrément interdit aux parents de déposer leurs enfants en voiture. Les rues bordant ces écoles sont fermées à la circulation aux heures critiques du matin et de l’après-midi. L’initiative – appelée school streets – s’est aussi propagée à différents endroits au Royaume-Uni. « Même si on interdit la circulation autour des écoles, l’enfant n’est pas à l’abri d’aller se promener dans un autre secteur, estime Catherine Harel-Bourdon, présidente de la CSDM, sceptique devant cette initiative. Il y a un apprentissage à faire pour le futur. Il n’est donc pas mauvais que les enfants soient confrontés à la circulation. »

Respecter les autobus scolaires

Sauf exception, les écoliers montréalais ne vont pas à l’école en autobus scolaire. Ce mode de transport est toutefois répandu à l’échelle de la province. En février dernier, Québec a lancé un projet pilote visant à documenter les dépassements d’autobus scolaires effectués lorsque le panneau d’arrêt et les feux sont allumés. Bus Patrouille a diffusé la semaine dernière une vidéo montrant que bien des automobilistes ne respectent pas du tout cette signalisation. Roberto Rego, vice-président de Bus Patrouille, a précisé à Paul Arcand du 98,5 FM que c’est au Québec qu’on comptabilise le plus de dépassements d’autobus scolaires par jour : environ 30 000 pour un parc comptant 8000 autobus.

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