Kim Boutin

Partir pour mieux revenir

À la présentation des finalistes du 1000 m aux Championnats canadiens de patinage de vitesse sur courte piste, dimanche, Kim Boutin a pris soin de serrer la main de chacune de ses trois rivales avant de se rendre à la ligne.

Dès le coup de fusil, elle ne leur a pas fait de quartiers, imprimant un rythme soutenu de bout en bout pour empêcher Marianne St-Gelais de réaliser la tentative de dépassement qu’elle préparait.

Kim la gentille, Kim la combattante. Il y a un an, la patineuse n’était pas capable d’arrimer ces deux facettes de sa personnalité. Au point où ça l’a rendue malade.

De l’extérieur, rien n’y paraissait. Aux Mondiaux de 2015, elle avait été la meilleure Canadienne, terminant quatrième du 1000 m. Blessée au dos l’été suivant, elle a mis les bouchées doubles pour revenir au plus vite. À la première Coupe du monde, à Montréal, elle a gagné l’argent au 1500 m, le meilleur résultat de sa jeune carrière.

Et pourtant. « Le dimanche soir, j’ai pleuré toute la nuit parce que je ne voulais pas repartir pour la deuxième Coupe du monde, a raconté Boutin après sa victoire aux Championnats canadiens. J’étais exténuée. Ça ne me tentait plus de me battre. »

Boutin a pris part aux trois Coupes du monde suivantes, mais son mal n’a fait qu’empirer. À son retour au pays, elle ne voulait plus rien savoir du patin. « Je ne me souviens plus si je voulais arrêter de façon définitive, mais je voulais arrêter là. »

« Conflit de valeurs »

Avec l’appui de son entraîneur Frédéric Blackburn et de son équipe de soutien, la jeune patineuse a mis un terme à sa saison deux semaines avant les Championnats canadiens de janvier 2016. « J’ai continué d’aller à l’école, j’ai dormi beaucoup, j’avais quelques loisirs ici et là, mais rien de physique, détaille l’étudiante en technique d’éducation spécialisée. Je sortais faire des marches, je faisais de petites randonnées. »

Un psychologue l’a aidée à mettre de l’ordre dans ce qu’elle appelle son « conflit de valeurs ». 

« Dans un monde de performance, il faut se prioriser, penser à soi avant les autres. Je trouve qu’il y a un côté un peu égoïste. Je vivais mal avec ça à l’extérieur du patin. J’ai dû trouver un équilibre. »

— Kim Boutin

Sa pause complète a duré six mois. À son retour, en juin, la Sherbrookoise de 22 ans a mis huit semaines à rattraper le temps perdu par rapport à ses coéquipières. Deuxième des sélections automnales derrière St-Gelais, elle est remontée sur le podium en Coupe du monde en décembre, gagnant le bronze au 1500 m à l’épreuve préolympique de Gangneung, en Corée du Sud. Elle a aussi contribué à trois médailles au relais.

Aux Championnats canadiens, le week-end dernier, elle a confirmé son retour en forme avec des victoires aux 1000 et 3000 m et des podiums sur 500 et 1500 m.

« Ça prouve qu’il faut être à l’écoute des athlètes, a souligné St-Gelais au sujet de la pause de sa coéquipière. Ça ne veut pas dire qu’il faut écouter la moindre demande de chaque athlète, mais s’il y en a qui ont besoin de se ressourcer et retrouver leur motivation, ce n’est pas à négliger. Ça aurait été une grosse gaffe si on avait perdu Kim. »

À moins de deux mois des Mondiaux de Rotterdam (10 au 12 mars) et huit des sélections olympiques, Kim Boutin se sent d’attaque. Tout en vouant le plus grand respect à ses adversaires/coéquipières.

« Ça fait partie de moi, de ma personnalité, dit-elle. Même si nos carrières sont en jeu, ce sont des personnes que j’adore. Je veux qu’on aille s’amuser. Et j’assume qui je suis. »

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