OPINION

CENTRE DE LA FRANCOPHONIE DES AMÉRIQUES
Une décision troublante

Cette lettre est adressée au premier ministre du Québec, François Legault.

Monsieur le Premier Ministre, je suis convaincu que vous êtes, comme moi, un francophone engagé. Et que vous seriez très fier de pouvoir contribuer à l’épanouissement de la culture française à travers ce continent sur lequel nous habitons tous deux. Je viens à vous pour jeter de la lumière sur l’historique qui suit du point de vue d’un francophone louisianais et ami du Québec de longue date.

En 2008, le Québec s’est doté d’un instrument formidable de diplomatie culturelle et de rayonnement francophone. En effet, le Centre de la francophonie des Amériques, par ses programmes et ses actions, joue un rôle crucial en favorisant l’établissement de liens entre les francophones et les francophiles dans tous les territoires des Amériques et en mettant en valeur une francophonie porteuse d’avenir. Tout cela témoigne d’une vision rassembleuse exercée par le Québec.

Je siège au conseil d’administration du Centre depuis sa création. J’ai été séduit par ce concept dynamique et cette vision innovatrice penchée sur la jeunesse.

Rassemblement et rayonnement

J’ai cru et je crois encore profondément au mandat du Centre, et je prends au sérieux le rôle qui lui est conféré par la Loi sur le Centre de la francophonie des Amériques, soit celui d’assurer la réalisation de son mandat et une saine gestion de son financement, rôle qui inclut également de recommander la nomination de son PDG et du président de son C.A.

Aux côtés de Jean-Louis Roy, notre premier président, et de Michel Robitaille, notre premier PDG, j’ai regardé avec tant de fierté cet organisme déployer ses ailes. Et j’ai participé à la sélection de Denis Desgagné comme successeur de M. Robitaille lorsque celui-ci est parti vers d’autres horizons.

Avec une vision de rassemblement et de rayonnement, le Centre a formé, en 10 ans, plus de 250 « jeunes ambassadeurs » venus de toutes parts d’Amérique et qui sont retournés sur leurs territoires, inspirés par la culture francophone et par le Québec, comme je l’étais la première fois que je suis venu vous visiter en 1975 grâce au bureau du Québec à Lafayette, hélas cadenassé depuis 1981.

À ce nombre, il faut ajouter 200 jeunes leaders dans le Parlement jeunesse des Amériques ainsi que 200 étudiants de haut niveau dans l’Université d’été. C’est un score impressionnant qui témoigne de l’engagement du Québec envers la francophonie et représente tant de jeunes francophones militants semés comme de la graine partout en Amérique.

Une question de confiance

C’est ainsi avec consternation que j’ai appris le mercredi 28 novembre, en même temps que mes collègues du C.A. élus par les communautés francophones des Amériques, que votre gouvernement avait décidé de remplacer non seulement la présidente du conseil d’administration, Diane Blais, mais également son PDG, Denis Desgagné.

Nous, les membres du C.A., avons été troublés que cette décision ait été prise sans avoir sollicité notre conseil et que nous en ayons été informés par voie de communiqué.

Jusqu’au 28 novembre dernier, le travail du Centre avançait d’un pas assuré, ce qui rend votre décision d’autant plus décevante.

M. Desgagné bénéficie de la confiance de toutes les communautés francophones touchées par notre mandat et son départ est déploré de toutes parts.

En plus, et encore pire que cet évincement discourtois, votre décision est perçue à travers l’Amérique francophone comme un revers bouleversant. Monsieur le Premier Ministre, votre décision intervient dans un contexte où le sentiment antifrancophone au Canada prend de l’ampleur. Plus que jamais, nos leaders doivent renouveler leur vision de la francophonie et l’imaginer sans frontières et sans limites, et renforcer et non de briser les relations solidement établies, et ce, au-delà de toute considération politique.

J’estime, comme mes collègues du C.A., que cette situation découle d’un problème de gouvernance du Centre et que le moment est venu de revoir sa structure organisationnelle en lui offrant une autonomie saine pour poser des gestes durables qui permettraient d’accroître le leadership du Québec au sein du Canada et des Amériques.

Par conséquent, je vous encourage de bien vouloir travailler avec les administrateurs du Centre de la francophonie des Amériques pour résoudre ces problèmes en vue de l’actualisation du Centre et dans l’espoir d’assurer que la langue et la culture française puissent se répandre davantage à travers les Amériques.

Je vous souhaite bon succès dans vos projets, et je vous remercie de m’avoir lu jusqu’au bout.

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