couples

Médecine de guerre pour cœurs brisés

Ceux qui frappent à sa porte ont été trahis par l’être cher et ne parviennent pas à s’en remettre. Son traitement pour panser leurs plaies est peu banal : il est notamment utilisé contre… le stress post-traumatique. Michelle Lonergan est spécialisée dans la réparation des cœurs vraiment brisés. Et les premiers résultats sont prometteurs.

Des cœurs à recoller

« Trahison romantique »

La plupart ont été trompés par leur partenaire. D’autres ont été abandonnés brutalement alors qu’ils croyaient vivre le parfait amour. Dans tous les cas, les participants à l’étude de Michelle Lonergan, doctorante en psychiatrie à l’Université McGill et chercheuse à l’Institut Douglas, ont vécu ce que la scientifique appelle une « trahison romantique ». Et ils s’avèrent incapables de passer par-dessus. « Ce sont des gens qui, souvent même après plusieurs années, ont encore un niveau de détresse clinique prononcé, explique la réparatrice de cœurs. Ils pensent continuellement à l’événement de trahison, ont des pensées intrusives qui causent de la détresse, ressentent de la colère ou de la dépression. »

Des cœurs à recoller

Un médicament contre le trauma

C’est parce que les symptômes ressentis par ces écorchés amoureux ressemblent à ceux du trouble de stress post-traumatique que Mme Lonergan et son directeur de thèse, Alain Brunet, ont eu l’idée de les traiter de la même façon. M. Brunet, qui est professeur de psychiatrie à McGill et chercheur à l’Institut Douglas, mène actuellement une étude auprès des survivants des récents attentats terroristes de Paris et de Nice. Son outil de travail est le propranolol, un médicament largement utilisé pour traiter plusieurs problèmes de santé, dont l’hypertension, l’anxiété et les migraines. Devant les résultats concluants, les chercheurs ont voulu voir s’il pouvait aussi aider les victimes d’infidélité et de trahison amoureuse.

Des cœurs à recoller

Réécrire les souvenirs

Un souvenir douloureux perd habituellement sa charge émotive avec le temps. Mais chez certains, la douleur ne s’atténue pas. « C’est parce qu’un système du cerveau, appelé noradrénergique, est suractivé chaque fois que la personne se remémore l’événement. C’est lui qui met l’étampe émotionnelle sur le souvenir », explique Mme Lonergan.

Le propranolol bloque ce système noradrénergique. Les participants de l’étude de Mme Lonergan sont invités à prendre du propranolol, puis à écrire le récit de l’événement qui leur a fait si mal. Puis, une fois par semaine, pendant six semaines, ils reprennent le médicament et lisent ce récit à haute voix.

« En revivant le souvenir sous l’effet du propranolol, on fait baisser l’émotivité du souvenir, et la mémoire le réenregistre de façon moins intense », explique la chercheuse.

Des cœurs à recoller

Des résultats encourageants

Après avoir testé la méthode chez 20 participants, Michelle Lonergan a noté une réduction de leurs symptômes de 55 %. « La différence dans ma qualité de vie est monumentale », a commenté l’un d’eux.

Et si l’idée de prendre des médicaments pour surmonter la trahison amoureuse vous fait tiquer, Mme Lonergan souligne que la solution de rechange pour les gens touchés est souvent de se tourner vers les antidépresseurs. Or, ceux-ci doivent être pris tous les jours, souvent pendant plusieurs années, plutôt qu’à six occasions comme le propranolol. Et ils engendrent généralement des effets secondaires plus importants. « On pense pouvoir traiter en six semaines ce que les antidépresseurs ou la psychothérapie mettent un ou deux ans à traiter, dit Mme Lonergan. Il me semble que ce serait un gain immense. »

Vous avez été victime d’une trahison romantique et vous peinez à vous en remettre ? Michelle Lonergan est à la recherche de participants pour compléter son étude. Vous pouvez entrer en contact avec elle sur la page Facebook de son projet (en anglais).

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.