Violence faite aux femmes 

Une coalition féministe promet de talonner les élus

Après avoir constaté « l’échec des politiques publiques à protéger toutes les femmes » contre la violence conjugale et les agressions à caractère sexuel, un regroupement d’une quinzaine de groupes féministes s’est donné comme mission, hier, de talonner tous les partis politiques en vue d’obtenir des engagements concrets avant les élections provinciales de l’automne prochain.

La coordonnatrice du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, Louise Riendeau, a déclaré que cette Coalition féministe contre la violence envers les femmes (CFVF) est née en février dernier d’un besoin « d’unir nos forces pour exiger un engagement de la classe politique qui doit faire plus, et mieux », afin de prévenir et de contrer la violence faite aux femmes.

Mme Riendeau a brossé hier un triste portrait des résultats concrets obtenus au fil des ans et des plans d’action, politiques et stratégies gouvernementales « qui n’ont rien créé de structurant pour lutter contre la violence conjugale ou les autres formes de violence exercées envers les femmes ».

« Le gouvernement du Québec dit encourager les femmes à dénoncer les violences qu’elles subissent et à faire confiance au système de justice, ajoute-t-elle. Mais on n’investit plus dans ce système depuis des années. Les délais sont épouvantablement longs, et rien n’a été fait pour améliorer l’expérience des femmes qui font appel à la justice. »

Dans la foulée des mouvements comme #agressionnondénoncée et #moiaussi, le nombre « effarant » de femmes qui ont dit avoir subi des violences sans recevoir le soutien nécessaire démontre, selon la CFVF, « l’échec de ces politiques publiques ».

Encore aujourd’hui, dit Stéphanie Tremblay, du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), « seulement 30 % des victimes de violence conjugale portent plainte. Les agressions sexuelles sont encore un des crimes les moins déclarés au Canada, avec seulement 5 % des signalements faits à la police ».

Entre 2009 et 2014, ajoute Mme Tremblay, « seulement 12 % des crimes sexuels qui ont été dénoncés au Canada ont donné lieu à une condamnation au criminel. Le système de justice actuel n’est tout simplement pas en mesure de traiter les situations de violence contre les femmes et doit être mieux adapté pour répondre aux besoins et leur permettre d’obtenir justice. C’est alarmant », affirme-t-elle.

« Laissées pour compte »

Selon plusieurs des participantes à la Coalition, la situation des femmes victimes de violence est encore plus critique pour les femmes handicapées, immigrantes, racisées, aînées, autochtones, itinérantes et souffrant de problèmes de santé mentale, qui sont « laissées pour compte » par les politiques gouvernementales.

L’organisme Femmes autochtones du Québec explique ainsi que malgré l’existence de 13 maisons d’hébergement, aucune n’a de ressources spécifiques pour les femmes qui y trouvent refuge. 

« C’est comme s’il y avait une barrière qui nous empêche d’intervenir efficacement en matière de violence sexuelle. »

— Viviane Michel, de l’organisme Femmes autochtones du Québec

Par l’entremise d’une interprète, Nathalie Desbois, porte-parole de la Maison des femmes sourdes de Montréal, a réclamé « un meilleur financement des organismes communautaires, qui sont souvent le seul guichet de soutien et d’accompagnement pour les femmes victimes de violence » qui se trouvent marginalisées en raison d’un handicap.

Dans tous les domaines, explique Louise Riendeau, « on constate des pertes d’acquis, des reculs ou l’absence de progrès pour certaines femmes », qu’elles soient immigrantes, itinérantes ou affligées de problématiques de santé mentale. « C’est plus de 100 000 femmes qu’on rejoint et qu’on soutient directement », assure-t-elle, souvent avec des moyens de fortune « qui doivent être améliorés ».

12 milliards par année

« Collectivement, ajoute Jennie-Laure Sully, porte-parole de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle, il y a des coûts qu’on ne peut plus tolérer en tant que société, lorsqu’il est question de violence envers les femmes. »

Selon elle, le ministère de la Justice du Canada a évalué que les coûts engendrés par la violence conjugale et les agressions sexuelles s’élèvent à 12 milliards par année lorsque l’on comptabilise les coûts des services de police, des services correctionnels, des tribunaux, des frais médicaux et des pertes de salaires liés à la violence faite aux femmes.

« Et ce chiffre ne reflète pas toute la réalité parce qu’il ne tient pas compte des coûts liés à l’exploitation sexuelle des femmes. »

« Nous voulons plus que des promesses en vue des prochaines élections provinciales, dit Stéphanie Tremblay. Nous voulons des actions concrètes, des engagements précis de la part des partis politiques et de leurs candidats. Ils vont nous trouver sur leur chemin durant toute la campagne électorale, jusqu’à ce qu’on obtienne des résultats et des ressources pour les femmes, pour toutes les femmes, peu importe leur provenance ou leur condition. »

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