chronique

Une vie à raconter Montréal

Traces de l’histoire de Montréal
Paul-André Linteau, Serge Joyal et Mario Robert
Boréal
184 pages

Les ouvrages historiques sur Montréal se succèdent à un rythme effréné. Certains sont parus avant les Fêtes et plusieurs lancements sont prévus d’ici au mois de mai.

La plus récente parution est Traces de l’histoire de Montréal du solide trio composé de Paul-André Linteau, Serge Joyal et Mario Robert, un livre qui aborde une foule d’aspects de l’histoire de Montréal et qui a comme particularité d’utiliser des illustrations, des œuvres d’art ou des photos comme points de départ des divers sujets.

Ce livre-album a été conçu pour plaire à un vaste public. Sa lecture est agréable et nous permet d’approfondir notre connaissance sur une foule de thèmes comme les fortifications de Montréal, la présence amérindienne, les marchés publics, le parlement canadien, le mont Royal, les églises et de nombreux autres.

J’ai profité de la parution de ce livre pour rencontrer Paul-André Linteau qui, après 48 années d’enseignement, prendra sa retraite en juin. Ce pionnier de l’enseignement de l’histoire au Québec m’a confié qu’aujourd’hui encore, il découvre de nouveaux aspects sur l’histoire de sa ville. « C’est sûr que je découvre encore des choses, m’a-t-il dit en riant. Au cours de ma carrière, je me suis intéressé aux grandes tendances. Mais dès que j’entre dans les éléments, je me rends compte qu’il y a des recherches à faire. »

Il m’explique avec passion comment Montréal est riche en histoire. « Toute l’histoire du Canada passe par Montréal. Les phénomènes dont on peut traiter sont infinis », dit celui qui s’est particulièrement intéressé à l’histoire de l’immigration au cours de sa carrière. Ce goût pour la diversité ethnoculturelle lui est venu très jeune lorsque, dans les années 50, il faisait un trajet en autobus qui lui permettait d’emprunter le boulevard Saint-Laurent.

Forte concentration de musées d’histoire

Je lui demande s’il trouve que les Montréalais s’intéressent suffisamment à l’histoire de leur ville. « Pas mal plus qu’on le pense, dit-il. Montréal a la plus forte concentration de musées d’histoire. On n’a qu’à penser à Pointe-à-Callière, au musée McCord, au Centre d’histoire de Montréal, à l’Écomusée, au musée Dufresne-Nincheri, à la Maison Saint-Gabriel, au Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu, au Château Ramezay, au musée Stewart. Ce sont tous des musées qui font une grande place à l’histoire de notre ville. Si on compare cela à la ville de Québec, c’est incroyable. Il n’y a aucun musée qui raconte l’histoire de Québec, c’est tout de même incroyable. Ici, nous en avons une dizaine. »

Pour Paul-André Linteau, il ne fait aucun doute que les Montréalais ont à cœur l’histoire de leur ville. Il se rappelle avoir assisté il y a quelques années à une réunion de consultation pour tenter d’imaginer des manières de souligner le 375e anniversaire de la métropole. « C’était clair pour tout le monde qu’il fallait parler d’histoire », dit-il.

Paul-André Linteau a commencé à enseigner en 1969, à une époque où l’histoire de Montréal passait par des chroniqueurs qui racontaient la « petite histoire » de la ville. Linteau fut l’un des premiers à dire que la ville était un milieu où l’on pouvait faire de la grande histoire. 

« Il faut savoir faire l’histoire de la ville, mais aussi savoir faire l’histoire dans la ville. Vivre en ville pose une série d’enjeux. »

— Paul-André Linteau

Cet historien fait partie d’un groupe de recherche qui s’attarde à comparer les réalités de Barcelone, Bruxelles et Montréal. « Le cas de Barcelone est intéressant, car il ressemble à celui de Montréal par son anarchie. Nous sommes loin de Paris où l’architecture est organisée. Ici comme à Barcelone, chaque immeuble représente un moment de l’évolution de la ville et de ses activités. Il faut apprendre à décoder cela. C’est pour cela que je fais beaucoup de visites à pied avec mes étudiants. Je leur dis qu’un immeuble, c’est un peu comme un document d’archives qu’il faut apprendre à lire. »

Les défenseurs du patrimoine de Montréal montent régulièrement aux barricades pour lutter contre le sort qu’on fait subir à certains immeubles ou monuments. Qu’est-ce qui heurte Paul-André Linteau à cet égard ? « C’est l’insensibilité de ceux qui proposent de raser ou démolir. Cela dit, je ne suis pas un puriste du patrimoine. J’ai souvent l’occasion de voyager en Italie, un pays qui croule littéralement sous les monuments historiques. Les Italiens ne peuvent pas tous les entretenir. Ils ont donc accepté l’idée qu’on puisse recycler les monuments historiques à d’autres fins. Je ne suis pas du tout choqué qu’on intègre des éléments du patrimoine à des constructions contemporaines. La ville évolue. Il suffit de la reconstruire avec la mémoire du passé », explique-t-il.

Paul-André Linteau n’a pas l’intention d’arrêter d’écrire et de faire de la recherche. Loin de là. Il a plusieurs projets dans ses cartons, dont un qui portera sur l’histoire de la communauté française de Montréal. Sa retraite lui laissera également le temps de profiter de cette ville qu’il aime tant et qu’il a tant fait aimer au cours des dernières décennies.

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