Environnement

La COP25 « est un vrai échec »

Déception et incompréhension marquent la conclusion de la conférence sur le climat de l’ONU, rapportent des experts et militants du Québec sur place

De par le manque d’ambition affiché des grands pays pollueurs, et en raison du fossé massif qui continue de se creuser entre la société civile et la diplomatie internationale, la 25e Conférence des parties (COP) restera dans les annales comme « la COP de l’incompréhension », estime Hugo Séguin, expert de la question climatique au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM).

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et la militante Greta Thunberg ont rapidement fait valoir leur « déception » face au résultat d’hier, tout en promettant de ne « pas abandonner » le combat. 

Cette COP25 tenue en Espagne plutôt qu’au Chili, empêtré dans une importante crise politique et sociale, était axée sur des aspects techniques du plan de mise en œuvre de l’accord de Paris. Depuis hier, elle est jugée comme une « occasion ratée » d’adopter des cibles et des mesures plus ambitieuses par presque tout le monde, à commencer par M. Guterres.

Présente à Madrid dans le cadre de sa maîtrise de recherche à l’Université de Sherbrooke, l’étudiante et militante Léa Ilardo y a rencontré des gens de tout genre, y compris des vétérans qui en étaient à leur 25e COP. « Tout le monde était unanime pour dire que cette COP est un vrai échec. On a senti beaucoup d’impuissance du côté de la société civile », raconte Mme Ilardo, parallèlement co-porte-parole de La Planète s’invite à l’Université.

Un résultat décevant, peut-être, mais pas inhabituel pour ceux qui connaissent le processus. 

« [Les pays pollueurs] ont pelleté vers l’avant, comme on fait souvent dans ces événements. »

— Hugo Séguin, expert de la question climatique 

« C’est la COP qui suit un an de mobilisation sans précédent de toute une génération à travers le monde. Il y a des milliers de jeunes qui sont arrivés à Madrid gonflés à bloc. Ils sont mus par l’urgence, mais ils frappent un mur parce qu’ils arrivent à des négociations hyper techniques, gérées par des diplomates qui font ça depuis 15 ou 20 ans, qui se parlent en acronymes, qui s’échangent des papiers pendant deux semaines. Le choc a été brutal entre les espoirs des uns et l’inertie des autres », explique Hugo Séguin.

L’article 6 au cœur du problème

Le nœud du problème se situait au niveau du désormais célèbre article 6 de l’accord de Paris, qui aborde notamment la question de la responsabilité des pays riches face aux dommages potentiels des changements climatiques.

« Quand tu reconnais ta responsabilité, légalement, tu peux être poursuivi, indique M. Séguin. Alors, si tu reconnais ta responsabilité, il va falloir que tu sortes ton chéquier. Et la facture peut être très salée. »

L’intégration de la notion de droits de la personne – partie critique de l’article 6 – a ajouté une épaisse couche de complexité dans les négociations. 

« Les pays riches et responsables ont les deux pieds sur le frein », ajoute M. Séguin.

« Les principaux acteurs dont on espérait des avancées n’ont pas répondu aux attentes », a déclaré Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris, qui a toutefois relevé que l’alliance des États insulaires, européens, africains et latino-américains avait permis d’« arracher le moins mauvais résultat possible, contre la volonté des grands pollueurs ».

Prolongation

De nombreuses photos publiées sur les réseaux sociaux montrent des délégués internationaux endormis, épuisés après de longues nuits passées à travailler et à retravailler les textes.

La COP25 sera donc reconnue comme la plus longue de l’histoire. Alors que la fin était prévue pour vendredi soir, la conférence s’est plutôt terminée dimanche après-midi, 40 heures plus tard.

Les délégations canadienne et québécoise étaient imposantes, formées d’entrepreneurs, de politiques, d’étudiants, d’ONG et d’autres encore.

« Pour la plupart, les négociateurs canadiens étaient constructifs sur le terrain. Mais encore une fois, il y a un écart entre ce que fait le Canada à la maison et les positions qu’il prend sur la scène internationale », soutient Caroline Brouillette, spécialiste des politiques climatiques chez Équiterre, revenue de Madrid samedi.

« Pour moi, la dernière année et les deux semaines de la COP ont bien montré que c’est la société civile québécoise qui est leader dans le monde sur le climat, dit Hugo Séguin. Nous avons la société civile la plus mobilisée et la plus en demande sur les questions climatiques. »

Pour leur part, les États-Unis, l’Australie et le Brésil ont fait « tout leur possible » pour « ralentir » le processus, a souligné Mme Brouillette, qui a participé à de nombreuses rencontres.

La suite

La prochaine COP se tiendra à Glasgow, en Écosse, à la fin de 2020. Contrairement à la COP25 qui portait plutôt sur des détails techniques, la COP26 sera éminemment politique, car l’accord de Paris signé en 2015 inclut l’obligation de revoir ses cibles tous les cinq ans.

La jeune militante Greta Thunberg a d’ores et déjà prévenu que cette année de préparation pour la COP26 se ferait sous la pression de la rue.

D’ici là, plusieurs choses pourraient changer, à commencer par le président des États-Unis.

Les militants, eux, commencent déjà à se chauffer les mains. Greta leur a donné rendez-vous.

— Avec l’Agence-France-Presse

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