Question de style

Véhicule électrique, design électrisant ?

Le design du véhicule électrique doit-il exprimer son mode de propulsion ? Quatre expériences, quatre opinions.

LE DESIGN SUIT (ENCORE) LA FONCTION

Un véhicule électrique ?

« C’est plus facile à développer qu’un véhicule thermique, constate Pierre Rondeau, directeur général de la firme de design industriel Brio Innovation. Tu n’as pas d’entrée d’air, tu n’as pas d’échappement, tu as moins de chaleur. »

Il reconnaît que cette architecture moins contraignante donne de la latitude au design. « Ce qui ne veut pas pour autant dire que le véhicule doit avoir l’air d’un vaisseau spatial. »

Pour l’instant, l’autonomie limitée des véhicules électriques les réserve aux milieux urbains, sur de courtes distances, souvent pour des usages spécialisés. Pour réduire la consommation, ils doivent être aérodynamiques. « Le véhicule doit laisser transparaître tout ça. »

En 2013, Brio Innovation a travaillé au concept préliminaire d’un petit véhicule urbain électrique à trois places, destiné à l’autopartage, pour l’entreprise québécoise Nordresa.

« C’est donc un véhicule qui doit être facile à entretenir, facile à réparer, et qui peut supporter le rude usage de multiples usagers », décrit Pierre Rondeau. « Nous voulions montrer un petit véhicule qui a l’air robuste, qui a une approche visuelle très différente, mais pas nécessairement parce qu’il est électrique. Il est différent parce qu’il a un usage différent. »

DES POINTS DE RÉFÉRENCE

La propulsion électrique ouvre-t-elle de nouvelles avenues au design ? « Oui, tout à fait ! », répond le designer industriel Martin Aubé, président de la firme Unité créative. « Mais ça vient avec une forme de compensation. Il ne faut pas sortir des conventions. »

Des chercheurs italiens et allemands ont observé que les designers de véhicules électriques ou hybrides cherchaient à retrouver les proportions de base des véhicules conventionnels, relate-t-il. 

« On recherche toujours un équilibre entre la communication d’une nouvelle technologie et le respect des conventions de style. »

— Martin Aubé, président de la firme Unité créative

Martin Aubé a dessiné la moto électrique québécoise Sora, de Lito. « C’était un peu angoissant parce que les batteries étaient immenses. »

Pour réduire leur impact, il a divisé en deux blocs les panneaux qui les cachent. Sous un capot évoquant un réservoir, il a disposé les prises de recharge et un petit espace de rangement.

Le moteur électrique et la transmission sont recouverts d’un boîtier en aluminium aux formes très techniques, qui exprime la fonction mécanique. « Le travail du designer consiste à recréer des points de référence visuels qui n’existaient pas, de recréer des limites rassurantes perdues avec la disparition de la motorisation », résume-t-il.

LES CONTRAINTES DU RÉEL

Autobus Lion, de Saint-Jérôme, teste depuis plusieurs mois une version électrique de son populaire autobus scolaire à habitacle élargi.

En apparence, l’eLion ne se distingue pas de sa version à moteur diesel, hormis un sympathique petit logo où la queue léonine se termine en fiche électrique. « Il n’y avait pas vraiment de latitude au départ parce qu’on voulait utiliser le même véhicule, le même châssis et le même fourgon », indique le président de l’entreprise, Marc Bédard.

En conservant une architecture éprouvée, Autobus Lion réduisait les coûts et évitait de nouvelles procédures de certification.

L’autobus électrique montre un nez proéminent « parce que c’est là qu’était placé le moteur thermique, alors que ce ne serait pas parfaitement nécessaire », reconnaît-il.

Malgré l’absence de radiateur, ce nez présente une calandre conventionnelle, dont une partie s’ouvre pour donner accès à la prise de recharge.

« Par contre, on a fait une demande au ministère des Transports pour identifier le véhicule avec des pare-chocs et peut-être des roues d’une autre couleur. »

Avec un pare-chocs bleu ou vert plutôt que noir comme les normes l’exigent, les premiers intervenants sur le lieu d’un accident comprendraient immédiatement qu’il s’agit d’un véhicule électrique.

POUSSER LE DESIGN

Chaque mois, Charles Bombardier propose des concepts de moyens de transport avant-gardistes, mais basés sur une technologie bientôt accessible.

L’ingénieur a travaillé pendant sept ans comme chef de projet chez BRP.

« Ce qui m’intéresse surtout, c’est d’influencer les gens à s’impliquer en innovation, en génie, en design, de questionner ce qui est en place », explique-t-il.

Ses idées sont mises en forme et illustrées par de jeunes designers, répartis un peu partout dans le monde.

« On est rendu à une nouvelle étape sur le plan du design. Les voitures autonomes et les voitures électriques s’en viennent. C’est le moment de pousser le bouchon et d’aller vers des voitures plus futuristes, mieux pensées. »

— Charles Bombardier, ingénieur

Le cadre réglementaire, prévu pour les véhicules à essence, restreint toutefois la créativité. « Il faut pousser le design. Il n’y a aucun intérêt à avoir un véhicule qui date des années 90. »

Lui-même n’hésite pas devant les bouleversements morphologiques, comme en témoingne sa récente proposition pour autobus urbain à propulsion électrique.

« Je voulais repenser l’autobus qu’on connaît, avec un autobus sans chauffeur, rechargé par induction. L’autobus reconnaîtrait le passager dès qu’il monte à bord, par exemple à l’aide de son téléphone intelligent. »

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